Désarmer le Hamas, organiser des élections... Quelles sont les réformes réclamées par les pays qui reconnaissent l'Etat palestinien ?

Une main tendue, accompagnée de demandes. En même temps qu'ils reconnaissaient l'Etat de Palestine, dimanche 21 puis lundi 22 septembre, plusieurs pays dont la France ont réclamé d'importants efforts à l'Autorité palestinienne pour obtenir la fin des violences dans la région. Même si elle ne gouverne pas dans la bande de Gaza (administrée par le Hamas), cette entité est désormais présentée comme l'interlocuteur incontournable pour faire émerger un Etat palestinien aux côtés de celui d'Israël.

Les réformes demandées par la France, le Royaume-Uni ou encore le Canada visent avant tout à écarter le Hamas, responsable des attaques terroristes du 7-Octobre, et qui doit être "véritablement démantelé", comme l'a exigé Emmanuel Macron dans son discours. Des élections rapides et une démilitarisation sont également demandées. Mais ces mesures paraissent encore très difficiles à mettre en œuvre, en plus de l'opposition totale d'Israël à l'idée d'un Etat palestinien. Décryptage.

Emmanuel Macron propose une "administration de transition"

Dans leurs discours, les derniers pays à avoir reconnu l'Etat de Palestine se montrent très fermes vis-à-vis du Hamas. "L'organisation terroriste ne peut avoir aucun rôle en Palestine", a fait savoir la diplomatie australienne. Au sujet de la solution à deux Etats, le Royaume-Uni a assuré qu'elle n'était "pas une récompense" pour le mouvement islamiste palestinien, arguant que "le Hamas ne peut avoir aucun futur (...) aucun rôle dans le gouvernement ou la sécurité" de la Palestine, comme l'a réclamé le chef du gouvernement britannique Keir Starmer.

Pour écarter totalement le Hamas, la France propose une "administration de transition" incluant l'Autorité palestinienne ainsi que la "jeunesse palestinienne", a expliqué Emmanuel Macron lors de son discours. Et c'est à cette administration que sera confiée la tâche de démanteler et de "démilitariser" le Hamas, "avec le soutien des partenaires internationaux". Le président français a évoqué aussi une "mission de stabilisation", qui doit être approuvée par le Conseil de sécurité de l'ONU, "avec le consentement des autorités israéliennes"

Mais cette mission s'annonce bien difficile. "Que va-t-on proposer au Hamas pour qu'il dépose les armes ?" s'interroge Elena Aoun, professeure en relations internationales à l'Université catholique de Louvain (Belgique). "Si c'est une reddition pure et simple, cela ne sera pas accepté ou ça ne durera pas. On n'a jamais vu ça dans l'histoire des conflits armés", note-t-elle.

Un scrutin organisé rapidement ? "Pas impossible"

Avant de reconnaître la Palestine comme Etat, plusieurs pays avaient discuté au mois de juillet avec Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, réclamant une série d'engagements préalables. L'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et la France ont ainsi obtenu du dirigeant qu'il condamne publiquement les attaques terroristes du 7-Octobre, qu'il appelle au désarmement du Hamas ou encore qu'il promette des réformes politiques. Ces engagements ont même été formalisés dans la "déclaration de New York", texte adopté début septembre à l'Assemblée générale des Nations unies.

Comme l'a rappelé le Canada, l'Autorité palestinienne s'est par ailleurs engagée à organiser "des élections générales en 2026, dans lesquelles le Hamas ne peut jouer aucun rôle". Un scrutin dans un délai rapide qui paraît complexe, "mais pas impossible", juge Elena Aoun. "Bien sûr, on ne peut pas imaginer faire voter la population de Gaza dans la situation actuelle, concède-t-elle. Mais les territoires de Cisjordanie et de la bande de Gaza ne sont pas très grands : on parle de 5 millions de personnes environ... Cela peut être organisé rapidement, si l'on crée les conditions nécessaires."

La relève politique est "soit en exil, soit en prison"

De lourdes missions pèsent désormais sur l'Autorité palestinienne, mais en a-t-elle seulement les épaules ? Et la légitimité ? Pour David Khalfa, chercheur à la Fondation Jean-Jaurès et auteur de Israël-Palestine, année zéro, le système politique palestinien est pour l'instant "verrouillé de l'intérieur par la corruption". Mais aussi par "la concentration des pouvoirs entre les mains d'un dirigeant affaibli qui refuse de céder la place", a-t-il déclaré sur BFMTV. Depuis l'élection de Mahmoud Abbas, le candidat du Fatah, comme président en 2005, puis la victoire du Hamas aux législatives de 2006, aucun scrutin n'a été organisé à cause notamment de la rupture violente entre les deux grands partis palestiniens. 

"L'Autorité palestinienne est fragile depuis la montée du Hamas. Elle est aussi perçue comme un supplétif, un sous-traitant de la sécurité israélienne", pointe Elena Aoun. Si des élections venaient à être organisées, le manque de candidats crédibles risquerait vite de se faire sentir. "La relève politique palestinienne est soit en exil, soit dans les prisons israéliennes", tranche la chercheuse, qui prend pour exemple le cas de Marwan Barghouti, militant du Fatah emprisonné par Israël depuis 2002 et souvent décrit comme le "Nelson Mandela" des Palestiniens. Pour s'assurer d'une relève politique sans le Hamas, "Israël devra faire un geste", prévient-elle.

Mais que penser de ces réformes ambitieuses alors que l'offensive israélienne se poursuit dans la bande de Gaza, tout comme la colonisation en Cisjordanie, et que le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou refuse catégoriquement l'existence d'un Etat palestinien ? "Tout cela reste symbolique, très hypothétique, et même précipité, estime Elena Aoun. Si ces pays veulent effectivement que les réformes soient menées, cela devra passer par des efforts de la communauté internationale, mais aussi par un clash politique des pays occidentaux avec le gouvernement israélien".