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À la tombée de la nuit, des Israéliens sortent de leur colonie, sous le regard de leurs voisins palestiniens. Les deux communautés vivent à quelques mètres l'une de l'autre. Chaque vendredi, les Israéliens traversent le village palestinien d'Umm al-Khair, lourdement armés. En plein cœur de la commune, ils entament la prière du Shabbat sur une parcelle où ils prévoient d'étendre leurs colonies. Des enfants palestiniens assistent à la scène, impuissants. "Ils sont à deux mètres de nos maisons, ils pourraient prier chez eux. Pourquoi venir ici ?", lance un Palestinien.
Des colonies illégales au regard du droit international
Les colons, un habitant palestinien les observe depuis sa fenêtre. Il témoigne de leur présence de plus en plus fréquente. "Le mois dernier, l'un d'entre eux est venu s'asseoir juste sur le rebord de la fenêtre et il pointait son arme vers l'intérieur de la maison, sur les enfants et les femmes. Ils disent même que la moitié de la maison, leur appartient. Selon eux, c'est la terre d'Israël. Qu'est-ce que je suis censé faire ? J'habite ici depuis 25 ans", assure-t-il.
Les équipes de France Télévisions vont à la rencontre des colons et enregistrent discrètement, car ils refusent d'être filmés. L'un d'eux confirme leur intention de s'installer. "Certains des nôtres vont habiter ici, n'est-ce pas ? Donc, on vient chaque semaine pour marquer notre présence avant l'installation", indique un colon. Pour les habitants d'Umm al-Khair, il s'agit de provocations qui empoisonnent la vie du village.
Des altercations quotidiennes
Les Palestiniens se sont réfugiés dans le village en 1948 lors de la création de l'État d'Israël. Ils ont acheté le terrain. Mais en 1967, la zone est placée sous occupation israélienne. La colonie de Carmel surplombe Umm al-Khair depuis les années 80. Comme toutes les colonies de Cisjordanie, elle est illégale au regard du droit international.
Depuis quelques mois, les altercations sont quotidiennes. Il est 5h30 ce matin-là, deux jeunes bergers israéliens amènent volontairement leurs troupeaux sur une parcelle où les Palestiniens cultivent leurs olives. Les habitants du village tentent d'éloigner les bêtes. Un jeune colon ordonne aux équipes de France Télévisions de partir. Téléphone à la main, chacun filme l'autre en permanence à l'affût du moindre dérapage. "C'est comme ça tous les jours, depuis un an. Il faut quand même leur tenir tête, sinon ils finissent par être violents", indique un jeune Palestinien.
Le jeune colon entre ensuite dans la cour d’une maison palestinienne. Il détruit des clôtures et s'assied sur un rocher. Les Palestiniens appellent la police. 40 minutes d'attente. Ce sont des officiers israéliens qui viennent sur place avec l'armée. La police palestinienne n'opère pas dans la zone occupée. Ils prennent quelques photos des dégâts. Leur action est limitée, car les colons ont eu le temps de quitter les lieux.
Une hausse des violences
En juillet dernier, le niveau de violence s'est élevé d'un cran. Ce jour-là, un colon avance dans le village avec un bulldozer. Un attroupement se forme. Un autre colon tire plusieurs coups de feu en direction des habitants. Un Palestinien s'effondre. Il succombe à ses blessures. L'homme tué s'appelait Awda Hathaleen, il avait 31 ans. Une enquête est toujours en cours. Le suspect a été relâché par la police israélienne quelques heures après son arrestation.
La famille d'Awda dénonce une justice à deux vitesses. "Qu'ils enferment l'assassin de mon fils, pourquoi est-il encore libre ? Libre ! Pendant que moi, chaque jour, chaque nuit, chaque seconde, je pleure mon fils", regrette la mère d’Awda Hathaleen. "S'ils pouvaient, les colons ne nous laisseraient même pas respirer. Mais on est enracinés comme un olivier dans cette terre qui est la nôtre", ajoute-t-elle.
Les Israéliens étendent leur présence
Ces dernières semaines, les Israéliens ont étendu leur présence. Ils ont installé quatre mobile homes juste à côté du village palestinien. Lors du tournage des équipes de France Télévisions, des colons viennent sur place accompagnés de militaires. Ils projettent la construction imminente d'une route controversée. Dans une zone, sont installés les colons, un territoire déclaré terre d'État par Israël. Dans une autre zone, se trouve le village des Palestiniens, un terrain privé. La nouvelle route le couperait en deux. Un projet indispensable au développement de la colonie. Selon une habitante, l'une des rares qui accepte de répondre : "Les caravanes à côté du village, c'est bien pour leur rappeler que nous sommes là, que nous surveillons tout ce qui se passe. Ça va les éloigner de la colonie, et petit à petit, nous allons reprendre possession du territoire", affirme-t-elle.
Côté palestinien, un habitant admet que l'avenir lui semble, chaque jour, plus incertain. "Au Nord, à l'Est, à l'Ouest et au Sud, on est assiégés. Et là, ils cherchent une excuse pour nous expulser de force. Vous savez, ceux qui parlent d'une solution à deux États avec un État palestinien, moi j'ai beaucoup de mal à l'imaginer vu la situation actuelle. Ils sont en train de tout nous prendre", déclare-t-il.
Un sentiment d'impuissance partagé dans de nombreux villages palestiniens. Dimanche 21 septembre, le gouvernement israélien a réaffirmé son intention d'étendre la colonisation en Cisjordanie occupée.