Tennis : "Quand on le voit jouer, ça ne laisse pas indifférent"... Terence Atmane, le Français qui passe un cap et qui détonne

Ce n'était sans doute pas le plus connu des Français du circuit, mais à la fin de la semaine, il sera difficile d'ignorer son nom. Qualifié pour les demi-finales du Masters 1000 de Cincinnati, Terence Atmane est la sensation de la semaine dans l'Ohio. En quelques jours, le natif de Boulogne-sur-Mer s'est extirpé des qualifications, a enchaîné les victoires contre des joueurs mieux classés que lui, avant de s'offrir deux exploits coup sur coup contre Taylor Fritz (n°4) et Holger Rune (n°9), deux membres du top 10 mondial.

"C’est bien qu’il réalise ça sur un gros tournoi, parce qu’être capable de se qualifier, d’enchaîner ces deux dernières victoires. Ce n’est pas juste un ou deux matchs, là on se dit qu’il y a forcément quelque chose. Beaucoup de choses doivent se bousculer dans sa tête", analyse Arnaud Clément, ancien top 10 mondial et consultant franceinfo: sport. À 23 ans, Terence Atmane, avec son profil atypique et un début de carrière singulier, se retrouve sous le feu des projecteurs du monde du tennis.

Un joueur HPI et "hyper émotif"

Car la trajectoire de Terence Atmane est avant tout celle d'un surdoué. À 15 ans, il est détecté HPI (haut potentiel intellectuel), avec un QI évalué au-delà de 158, qui impacte forcément sa façon de jouer. "Je suis très imprévisible sur le court. Quand mon cerveau fonctionne dans le bon sens, je peux être très dangereux parce que je ne pense pas comme les autres", détaillait-il en 2023 à "Behind the Racquet". Mais qui joue aussi sur ses émotions, comme il expliquait en 2024 au podcast "Au-delà du top 100" : "Mon cerveau fonctionne différemment de celui des personnes normales. Cela peut entraîner des sur-émotions pour certaines personnes, des situations qui sont incompréhensibles pour la plupart des personnes et qui pour moi vont être totalement banales et très claires."

Dans sa jeunesse, le Français se fait autant remarquer pour son jeu offensif et spectaculaire que son attitude et ses coups de sang sur le court. "C’était des pétages de plombs, je voulais tout le temps vraiment bien jouer, sauf que j’ai fini par me rendre compte qu’on pouvait aussi gagner en jouant comme un peintre. Quand j’étais plus jeune, j’ai eu du mal à le comprendre", se souvenait-il dans "Au-delà du top 100". Depuis, il explique avoir beaucoup travaillé sur le contrôle des émotions avec ses entraîneurs, même s'il a parfois continué à faire parler de lui pour son attitude, comme lorsqu'il avait risqué la disqualification à Roland-Garros en 2024 pour une balle envoyée dans le public.

"Il pétait les plombs à droite, à gauche. Ce n’était pas volontaire mais il cassait des raquettes, insultait les arbitres... C’est comme ça que ça disjonctait chez lui. On a surtout travaillé la stabilité émotionnelle car c’est un joueur hyper-émotif."

Robin Boulé, ancien entraîneur de Terence Atmane

à L'Equipe

"Quand je l’ai vu jouer pour la première fois, je me suis dit qu’il avait un potentiel hyper intéressant. Il y avait un bras hors du commun, et un potentiel qui, si les choses étaient bien structurées, pouvait faire des étincelles au niveau supérieur", se souvient de son côté Arnaud Clément. Le bras et le coup droit du gaucher ont été l'une des attractions de son jeu cette semaine, au cours de laquelle il a été comparé à Rafael Nadal. "Je vois plus [Henri] Lecomte, un bras qui va très vite, un côté hyper spontané et créatif. Il est gaucher, il a un service très dur à lire", note l'ancien top 10 mondial. "Je pense que ceux qui l’ont vu jouer ont retenu son tennis, quel que soit le résultat du match, car il a un tennis très marquant. Quand on le voit jouer, ça ne laisse pas indifférent."

Bientôt dans le top 100

Son incroyable parcours dans l'Ohio a tout d'un acte de naissance, après avoir traversé une dépression durant le Covid, puis écumé le circuit secondaire (il avait remporté son premier tournoi en Challenger juste après avoir été éliminé des qualifications à l'US Open en 2023), lui qui dispute seulement son quatrième tableau final en Masters 1000. "Pour lui, ça va être la possibilité de comprendre encore mieux son tennis, ce qu’il a fait pour battre ces joueurs, réfléchir à sa stratégie, encore mieux utiliser son talent, ses coups, ce bras exceptionnel, pour lui donner beaucoup de confiance pour la suite et les années à venir", assure Arnaud Clément.

Lundi, il fera son entrée dans le top 100 du classement ATP (actuellement projeté aux alentours de la 70e place). "Ça fait bizarre de le dire", a-t-il réagi après sa victoire face à Taylor Fritz. "Un classement à deux chiffres, grâce à ce tournoi [...] Être top 100, ça veut dire moins de qualifications. Ça valide aussi une certaine stabilité financière qui va me permettre d'investir dans mes coachs", a-t-il poursuivi, lui qui n'est accompagné d'aucun équipementier (hormis pour ses raquettes) et qui "fai[t] [son] truc tout seul dans [son] coin". Avant cela, il a rendez-vous avec Jannik Sinner, numéro 1 mondial et sur une invraisemblable série de 25 victoires sur dur, pour essayer d'ajouter une nouvelle ligne de prestige à sa belle histoire.