Budget de la Sécurité sociale 2026 : quelles sont les mesures adoptées, modifiées ou rejetées, concernant le volet "dépenses" ?

L'Assemblée nationale ira-t-elle au bout de l'examen du budget de la Sécurité sociale ? Les députés ont entamé, samedi 8 novembre, le second volet des discussions sur la partie "dépenses" du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), alors que la partie "recettes" a été largement réécrite, puis adoptée sur le fil samedi.

Plusieurs centaines d'amendements ont été examinés en moins de deux jours, mais le calendrier est très contraint : quelque 380 amendements étaient encore au menu dimanche à minuit, avant deux journées de relâche du fait de la commémoration du 11-Novembre. Les députés reprennent les discussions mercredi après-midi, avant la fin du délai constitutionnel réservé à l'Assemblée nationale en première lecture, qui expire mercredi à minuit.

L'examen reprendra avec un débat crucial sur la suspension de la réforme des retraites. Cette promesse du gouvernement de Sébastien Lecornu doit tenter d'éloigner une censure du Parti socialiste. Voici ce qui a déjà été voté, modifié ou rejeté à ce jour. 

L'extension des franchises médicales : rejetée 

L'Assemblée nationale s'est largement opposée à l'élargissement du périmètre des franchises médicales, plusieurs groupes fustigeant également un doublement de ces franchises, prévu par décret en marge du budget de la Sécurité sociale, et exhortant le gouvernement à y renoncer.

Comme en commission, une très large majorité (197 voix pour, 23 contre) de députés venant de tous les bancs s'est dégagée pour supprimer l'article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Il prévoit notamment l'extension du champ des participations forfaitaires et franchises aux consultations chez le dentiste et aux dispositifs médicaux. "Insidieusement, c'est un troisième niveau de prélèvements qui se met en place, en plus des cotisations à la Sécurité sociale, en plus des mutuelles", a critiqué Thierry Frappé (RN).

La baisse du plafond des jours d'indemnités pour des affections longue durée : rejetée

Une mesure du projet de loi propose qu'une personne reconnue en affection longue durée (ALD) non exonérante n'ait plus le droit à un plafond de 1 095 jours d'indemnités journalières sur trois ans, mais à 360 jours, comme tous les assurés. Une ALD non exonérante "est une affection qui nécessite une interruption de travail ou des soins d'une durée prévisible supérieure à six mois, mais qui n'ouvre pas droit à la suppression du ticket modérateur", précise l'Assurance-maladie. Il s'agit notamment de personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques ou de troubles dépressifs. Cette proposition a été supprimée par l'Assemblée nationale.

La prolongation des salles de consommation de drogue : adoptée

Les députés ont approuvé, samedi, avec le soutien du gouvernement, la prolongation jusqu'à la fin 2027 de l'expérimentation des "haltes soins addictions", salles de consommation de drogues qui risquent à ce stade de fermer à la fin de l'année. Créées en 2016 à titre expérimental à Paris et Strasbourg, ces "haltes", improprement appelées "salles de shoot", s'adressent aux usagers de drogues les plus éloignés du système de soins, leur permettant d'en consommer de manière encadrée. La prolongation a été adoptée dans le cadre d'un amendement transpartisan (Liot-PS-Ecologistes) au PLFSS.

La création d'un "réseau France Santé" : adoptée 

Les députés se sont prononcés dimanche en faveur de la création d'un "réseau France Santé", mesure proposée par Sébastien Lecornu pour améliorer l'accès aux soins sur le territoire, malgré l'opposition de députés de gauche qui l'estiment nettement insuffisante.

Le réseau reposera essentiellement sur des structures déjà existantes comme des maisons de santé (animées par des médecins libéraux) ou des centres de santé (où les soins sont assurés par des médecins salariés). Dans certains territoires isolés, des pharmacies pourraient remplir ce rôle.

La vaccination obligatoire contre la grippe pour les résidents d'Ehpad et certains soignants : rejetée

L'Assemblée a rejeté samedi, par 108 voix contre 95, un article posant les bases légales d'une vaccination obligatoire contre la grippe pour les résidents d'Ehpad et certains professionnels de santé, le RN s'opposant à l'obligation, et LFI demandant ce qui se passerait si des résidents refusaient le vaccin.

L'article prévoit que "sous réserve d'une recommandation" de la Haute Autorité de santé (HAS), la vaccination contre la grippe soit obligatoire pour les personnes résidant en Ehpad "pendant la période épidémique". La même obligation conditionnée à une recommandation de la HAS est prévue pour "les professionnels de santé exerçant, à titre libéral, une profession listée dans un décret en Conseil d'Etat".

L'évaluation du dispositif "Mon soutien psy" : adoptée

Les députés ont adopté un amendement, porté par des élus écologistes, afin d'évaluer le dispositif "Mon soutien psy", qui propose jusqu'à 12 séances partiellement remboursées avec un psychologue conventionné, ainsi que "son impact en matière d'accès à la santé mentale". "L'anxiété, les dépressions se développent (...) Nous ne voyons absolument pas les moyens à la hauteur", a défendu Clémentine Autain, députée du groupe Ecologiste et Social.

La limitation de la durée des arrêts de travail : adoptée

Dimanche soir, l'Assemblée nationale a approuvé la limitation de la durée des arrêts de travail : la durée maximale sera d'un mois pour une première prescription, et de deux mois pour un renouvellement. Les médecins pourront toutefois déroger au plafond prévu, "au regard de la situation du patient" et en le justifiant sur leur prescription.

Le gouvernement avait initialement souhaité pouvoir fixer cette limite par décret, à quinze jours pour un premier arrêt de travail prescrit par un médecin de ville, et à trente jours à l'hôpital. Un amendement socialiste a finalement été adopté pour que la durée soit d'un mois dans les deux cas, et que cette durée soit inscrite dans la loi. Il s'agit d'un amendement de repli, les socialistes ayant dans un premier temps souhaité supprimer la mesure, comme les communistes, les écologistes et LFI. 

Aucune durée maximale d'arrêt maladie n'est aujourd'hui prévue, mais des recommandations existent pour certaines pathologies. Les assurés sont par ailleurs soumis à un plafond de 360 jours d'indemnités journalières sur trois ans.

La fin de la visite médicale obligatoire après un congé maternité : rejetée

Les députés se sont également penchés sur l'examen de reprise du travail après un congé maternité, réalisé par un médecin du travail. Celui-ci est actuellement obligatoire, mais le gouvernement souhaitait le rendre facultatif. Les élus de la chambre basse ont finalement rétabli son caractère obligatoire dimanche soir.

La surtaxation des dépassements d'honoraires : rejetée

L'Assemblée nationale a aussi supprimé une mesure du PLFSS visant à surtaxer, pour les limiter, les dépassements d'honoraires de médecins, en forte croissance selon plusieurs rapports. Elle permettrait au gouvernement de rehausser par décret une cotisation payée par les praticiens sur leurs suppléments d'honoraires. Le rapporteur général du texte, Thibault Bazin (LR), a critiqué cette mesure, qui vise selon lui "indistinctement l'ensemble des médecins du secteur 2, quelle que soit l'ampleur des dépassements, (...) qu'ils participent ou non à la permanence des soins, quelle que soit leur spécialité".

L'amendement supprimant l'article a été adopté avec les voix des députés Renaissance, Horizons, LR, RN et leurs alliés ciottistes, ainsi que les communistes et Liot. Le PS, LFI et les écologistes ont voté contre. Les députés MoDem se sont quant à eux divisés sur le sujet.