Sahara occidental : le Front Polisario prêt à négocier avec le Maroc, sous conditions

Ce pourrait être une étape historique pour le Sahara occidental, la dernière colonie d’Afrique. Le Front Polisario, le mouvement politique indépendantiste qui tient tête au Maroc depuis près de cinquante ans, est prêt à accepter – en partie – le plan d’autonomie de 2007. Du moins si ce dernier, proposé par le royaume d’Afrique du Nord, est validé par la population sahraouie via un référendum. L’annonce a été faite ce 23 octobre par Mohamed Yeslem Beissat, le chef de la diplomatie de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), qui se dit prêt à « un pacte d’association libre qui pourrait ressembler à la proposition du Maroc ».

Le ministre des Affaires étrangères sahraoui a donné des détails sur cette « proposition élargie », présentée lundi par le Front Polisario au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce dernier doit examiner les 30 et 31 octobre une nouvelle résolution sur le sort du territoire, et doit rendre une décision à propos de la fin de la Minurso, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, mise en place en 1991.

La proposition du mouvement « comprend les trois options prévues par le droit international : l’indépendance, l’intégration et le pacte d’association libre, qui pourrait ressembler à ce que propose le Maroc », a expliqué Mohamed Yeslem Beissat.

« Tout est prêt pour organiser le référendum »

Le Front Polisario fait ainsi « un pas vers les Marocains », mais « discuter de la proposition d’autonomie en dehors du cadre d’un référendum n’est pas envisageable et ne peut être accepté sous aucune forme », a-t-il prévenu. L’ONU appelle depuis plusieurs années le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie à reprendre des négociations pour parvenir à une « solution politique réalisable, durable et mutuellement acceptable ».

Selon Mohamed Yeslem Beissat, « il est impératif de présenter aux Sahraouis plusieurs options, y compris l’indépendance ». Il ajoute : « S’ils choisissent une option, quelle qu’elle soit, nous l’accepterons. » D’après le diplomate, « tout est prêt pour organiser le référendum depuis l’an 2000, après le recensement des électeurs effectué par les Nations unies ». Celui-ci était prévu depuis 1991 et le premier cessez-le-feu entre le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), mais les termes de l’accord n’ont jamais été respectés par le royaume chérifien.

Le Sahara occidental, colonie espagnole jusqu’en 1975, est contrôlé en majeure partie par le Maroc mais considéré comme un territoire non autonome par l’ONU, et reste donc à décoloniser. Un conflit y oppose Rabat, appuyé militairement par Israël et qui a construit entre 1980 et 1987 le « mur des sables », immense barrière de près de 3 000 km au milieu du désert, et les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie et la plupart des pays africains. La RASD fait d’ailleurs partie des pays membres de l’Union africaine depuis 1982. C’est dans le désert algérien, près de la ville de Tindouf, que vivent près de 180 000 réfugiés sahraouis, en exil depuis cinquante ans.

Passivité des Nations unies

En 2007, Rabat avait proposé un plan d’autonomie sous sa seule souveraineté pour ce vaste territoire désertique, riche en phosphates et aux eaux poissonneuses. Après l’annonce en 2020 par Donald Trump du soutien états-unien à cette proposition en échange d’une normalisation de ses relations avec Israël, le Maroc a obtenu successivement l’appui d’une série de pays occidentaux, dont l’Espagne, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Au mépris du droit international, qui stipule toujours que le peuple sahraoui dispose du droit « inaliénable, imprescriptible et non négociable » à l’autodétermination.

Or, si chaque année le Conseil de sécurité de l’ONU vote comme une formalité la reconduction de la Minurso et la poursuite de l’objectif de décolonisation, la donne a changé : les États-Unis ont présenté un projet de résolution qui s’appuie sur le plan marocain de 2007. Plan que reconnaissent aujourd’hui trois des cinq membres du Conseil de sécurité : États-Unis, France et Royaume-Uni. La Russie étant « dans une position constructive » mais a qualifié la proposition américaine d’« inacceptable », alors que la Chine reste attachée aux « résolutions précédentes ».

Le Front Polisario est donc contraint à la négociation sur ce texte états-unien, sous réserve qu’il soit amendé et que le droit à autodétermination reste effectif. Et a mis en garde les Nations unies dans une longue lettre adressée par le président sahraoui, Brahim Ghali, le 22 octobre. Il y dénonce la passivité de l’ONU et rappelle quelques faits : le viol du cessez-le-feu par le Maroc le 13 novembre 2020, les frappes de drones envers des civils sahraouis depuis lors, et la répression dans les territoires occupés par le Maroc. Pour les Sahraouis également, la « Pax Americana » se fait sans le peuple concerné.

Être le journal de la paix, notre défi quotidien

Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.

  • Qui informe encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
  • Combien de médias rappellent que les combats de décolonisation ont encore cours, et qu’ils doivent être soutenus ?
  • Combien valorisent les solidarités internationales, et s’engagent sans ambiguïté aux côtés des exilés ?

Nos valeurs n’ont pas de frontières.

Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !