Au Groenland, des élections pourraient peser lourd sur l’avenir de cette province autonome danoise
Pressés par le prédateur états-unien, rarement les 57 000 habitants de la plus grande île du monde n’auront eu les projecteurs autant braqués sur leur avenir. Les Groenlandais sont appelés aux urnes, ce mardi 11 mars, pour élire le nouvel Inatsisartut – parlement local – composé de 31 sièges. Hormis pour les questions de défense et les affaires étrangères, le Groenland dispose, depuis une loi votée en 2009, d’un statut d’autonomie élargie vis-à-vis du Danemark, ouvrant la voie à un futur référendum sur son indépendance.
Sauf rebondissement, la majorité actuelle – coalition gouvernementale de gauche écologiste menée par le parti Inuit Ataqatigiit dont est issu le premier ministre, Mute Egede, et le Siumut, parti social-démocrate – devrait conserver le pouvoir. Un rare sondage réalisé en janvier par l’institut Verian donnait le premier à 31 % et le second à 22 %.
Laissant planer l’idée d’un vote sur l’indépendance dans la foulée des législatives en cas de victoire, Siumut pourrait prendre le leadership de cette alliance. Crédité de 17 % des voix, le Nalerak, principal parti d’opposition nationaliste, pourrait également créer la surprise avec sa ligne indépendantiste dure à l’encontre de Copenhague et une volonté à peine dissimulée de discuter avec Donald Trump.
Un forceur à la Maison-Blanche
L’ombre du leader nationaliste états-unien plane comme jamais sur ce scrutin au point de confiner à l’ingérence, lui qui ne cesse de réaffirmer ses volontés expansionnistes sur la « terre verte », recouverte à 80 % de glace, en raison de ses sous-sols infiniment riches en terres rares et du retard pris sur son rival chinois dans la course à l’Arctique. Cela n’a pas échappé à la Russie : fin février, les services de renseignement danois se sont inquiétés d’une possible ingérence russe durant l’élection.
Pas plus tard que dans la nuit de dimanche à lundi, le président américain a tenté, de son côté, une énième opération de séduction sur les réseaux sociaux, promettant aux Groenlandais d’investir « des milliards de dollars pour créer de nouveaux emplois et enrichir » le territoire. « Et, si vous le souhaitez, nous vous accueillons pour faire partie de la plus grande nation au monde, les États-Unis d’Amérique », a-t-il ajouté.
« Inadmissible » à la veille du vote, a répondu Aaja Chemnitz Larsen, députée de la majorité Inuit Ataqatigiit. La danse du ventre du locataire de la Maison-Blanche a également agacé Mute Egede, n’hésitant pas à le qualifier d’être « très imprévisible » qui « inquiète les gens » à la télévision publique danoise.
La menace trumpiste précipite de fait la question de l’indépendance de la terre glacée. Ses citoyens, des Inuits dans leur écrasante majorité, ne veulent « être ni américains ni danois », a martelé le premier ministre groenlandais. En fait, les six formations politiques qui se disputent les sièges à l’Inatsisartut partagent le même désir de s’émanciper définitivement de Copenhague, le point d’achoppement résidant dans le calendrier à mettre en œuvre.
S’agissant d’un hypothétique rapprochement avec les États-Unis, des partisans zélés du MAGA (Make America Great Again), à commencer par Don Jr., le fils du président républicain, se sont rendus en début d’année dans la capitale, Nuuk, pour relayer la propagande de leur mentor auprès de la population. Sans succès. D’après un autre sondage réalisé par Verian au mois de janvier, 85 % des Groenlandais se sont ainsi opposés à ce scénario.
Enjeu des terres rares
Plus que l’indépendance, le véritable enjeu de cette élection est la manière dont la province autonome peut parvenir à diversifier son économie, essentiellement fondée sur le tourisme et sur la pêche, cette dernière concentrant à elle seule 90 % de ses exportations.
Le Groenland est encore aujourd’hui largement dépendant du Danemark et de sa subvention annuelle d’environ un demi-milliard d’euros, soit un cinquième de son PIB. D’autant que, dès 2021, la coalition au pouvoir a interdit l’exploitation du pétrole et de l’uranium, en terre comme en mer, du fait de l’impact écologique colossal qu’elle génère.
Le pays recèle surtout une myriade de terres rares et de minerais – lithium, cuivre, nickel, etc. – convoités par l’industrie pour la transition énergétique. Réchauffement climatique oblige, la fonte des glaces s’accélère et laisse entrevoir une opportunité économique majeure, ce sur quoi misent plein gaz certains indépendantistes.
Mais les conditions polaires et le manque d’infrastructures sont autant de raisons qui génèrent une phase d’exploration périlleuse et un coût d’exploitation exorbitant, de quoi refroidir les investisseurs. Reste que les débats sur l’indépendance ont dominé à outrance l’élection, ce au détriment de la misère sociale qui règne au Groenland : 1 % de la population est sans domicile fixe et le pays connaît l’un des taux de suicide les plus élevés au monde.
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