La dette de la France atteint 114% du PIB au premier trimestre, soit 3345,8 milliards d’euros
«Il n’y a pas de hasards, il n’y a que des rendez-vous», écrivait Paul Éluard. C’est ainsi que, dans un parfait alignement thématique, le deuxième comité d’alerte sur les finances publiques, qui se tient ce jeudi à Bercy, coïncide à quelques minutes près avec la publication de la dette de la France au premier trimestre. Si la chose est fortuite, reconnaît Bercy, elle ne manquera pas de renforcer le message d’urgence porté par François Bayrou et, avant lui, Michel Barnier, sur l’impérieuse nécessité d’enrayer cette escalade.
Après avoir grimpé à 113% du PIB au quatrième trimestre 2024 (l’équivalent de 48.000 euros par Français, avait souligné le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici en mai), la dette publique française s’établit à 114% au premier trimestre 2025, selon les chiffres publiés par l’Institut national des statistiques (Insee). Soit une augmentation de 40,5 milliards d’euros sur cette période, la faisant ainsi passer de 3305 milliards d’euros à 3345,8 milliards - soit près de 48.800 euros par Français.
Plus de 1000 milliards d’euros en moins de dix ans
Au-delà de cette hausse trimestrielle, la tendance de plus long terme donne le vertige. Il y a un an, au premier trimestre 2024, la dette représentait 110,7% du PIB, à 3159,7 milliards d’euros. Et à la même période en 2017, année de la première élection d’Emmanuel Macron, elle n’atteignait «que» 98,9% du PIB, soit une hausse de plus de 1000 milliards en moins de dix ans. Accompagnant ce mouvement, la charge d’intérêts, soit l’ensemble des dépenses de l’État consacrées au paiement des intérêts de la dette, ne cesse de s’alourdir : d’un point bas de 35 milliards d’euros en 2018, celle-ci est remontée à 58 milliards en 2024.
Une situation dont le premier ministre a fait son cheval de bataille. «Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social», avait déclaré François Bayrou aux parlementaires en janvier. «On est au-delà du danger, on est presque à la catastrophe», renchérit Jean-François Husson (LR), rapporteur général de la commission des finances au Sénat.
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La crainte la plus immédiate est celle de la sanction des agences de notation. Plus rien ne sépare désormais la dette tricolore d’une dégradation, la faisant passer de la catégorie «AA» («bonne qualité» de crédit) à simple «A» («qualité moyenne»). Si Standard & Poor’s a laissé la note de la France et sa perspective négative inchangées fin mai, actant en creux qu’il était encore trop tôt pour se prononcer, la donne pourrait avoir considérablement évolué le 12 septembre, lorsque Fitch se positionnera à son tour. Entre-temps François Bayrou aura présenté ses arbitrages pour le budget 2026, censés permettre un abaissement du déficit à 4,6% du PIB. Et, en fonction, les oppositions auront fait savoir si elles comptent additionner leurs voix pour censurer son gouvernement. Celui-ci sera en effet autant scruté sur sa capacité à tenir ses engagements qu’à rester en place. « On est toujours sur le fil du rasoir, très près de passer à une note pénalisante. Ce serait une atteinte importante à notre signature », confie une source au sein du ministère de l’Économie. La France emprunterait alors à des taux plus élevés sous l’effet d’une baisse de la demande, certains investisseurs institutionnels s’interdisant d’acheter en dessous de «AA».
Croissance atone
Tout à sa recherche d’économies et de recettes plus ou moins avouées pour 2026, Bercy cherche en même temps à « limiter l’impact sur la croissance ». Or celle-ci ne donne pas de signes d’amélioration en 2025, bien au contraire. De 1,1% du PIB, la prévision de Bercy est passée à 0,9%, puis 0,7%. Des experts l’envisagent même à 0,6%, si ce n’est moins. La dissolution prononcée il y a un an par Emmanuel Macron n’y est pas étrangère : «Avec un impact de -0,2 point de croissance, nous estimons la perte de rentrées fiscales à 2,9 milliards d’euros», indique Maxime Darmet, économiste pour Allianz Trade. «L’augmentation du spread (l’écart de taux avec l’Allemagne, ndlr) de 25 points représente un coût supplémentaire de 1 milliard d’euros en charges d’intérêts de la dette, totalisant donc près de 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires à réaliser», ajoute-t-il.
À Bercy, on attend désespérément que les Français renouent avec la consommation pour sortir la croissance de son atonie, relancer les recettes, réduire le déficit et par conséquent ralentir l’endettement, le faire parvenir à un pic de 116,5% du PIB en 2027 et enfin entamer la décrue. Mais «les Français épargnent un peu trop en ce moment», s’agace-t-on à Bercy. Hors crise sanitaire, ils n’ont jamais autant mis de côté (18,8% de leurs revenus au premier trimestre). Le niveau est inédit depuis 45 ans. Hors immobilier, ils sont assis sur un total de plus de 4500 milliards d’euros...
Mais, fait remarquer un poids lourd socialiste au Sénat, «si on voulait que les Français consomment plus, il faudrait qu’on n’ait pas une telle dette. Car l’assurance-vie (donc l’épargne, ndlr) sert à la financer. Avec un tel niveau de dette, heureusement qu’on a une telle épargne», conclut-il avec un brin d’ironie.