Depuis sa palme d’or en 1989 avec son premier long-métrage, Sexe, mensonges et vidéo, à 29 ans, Steven Soderbergh n’a cessé de se réinventer, alternant les genres, les formats et les économies. Le cinéaste américain s’est d’abord pris pour un auteur européen (Kafka) avant de jouer le jeu de l’industrie hollywoodienne et de parvenir à s’y faire une place singulière (Hors d’atteinte, Erin Brockovich , Traffic, Ocean’s Eleven, Che…). Depuis quelques années, il alimente les plateformes en films (The Laundromat, La Grande Traversée, Magic Mike : dernière danse) et séries (The Knick, Full Circle). Quand il retourne au cinéma, c’est plus pour expérimenter, tenter des choses.
Son dernier film en salle, sorti en 2018, était un thriller tourné à l’iPhone, Paranoïa. Presence, aujourd’hui sur les écrans, relève du même prototype à partir d’un genre éculé : le film de maison hantée. Soderbergh a confié l’écriture du scénario à David Koepp, adepte du huis clos (Le Journal, Panic Room) comme des aventures en plein air (Jurassic Park , les deux derniers Indiana Jones).
On sent Soderbergh plus occupé à regarder ses pieds pour ne pas tomber qu’à s’intéresser à l’actionPresence met en scène une famille qui emménage dans une maison qui ne semble pas tout à fait vide. Les murs ont des oreilles. Ils ont aussi des yeux. La grande idée de Soderbergh est de tout filmer en caméra subjective, à travers le regard de la « présence », entité invisible et inodore nichée dans tous les recoins de la maison ou dans les placards, à la fois menaçante et protectrice. Une conception moins audacieuse que simpliste de la subjectivité au cinéma. Un peu comme si Hitchcock avait filmé Fenêtre sur cour entièrement du point de vue de James Stewart - au moins le spectateur n’aurait pas eu le tournis. Le dispositif lasse rapidement.
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«L’action», un bien grand mot
Soderbergh est lui-même au cadre, concentré pour ne pas rater les plans séquences. On le sent plus occupé à regarder ses pieds pour ne pas tomber qu’à s’intéresser à l’action. « L’action » est un grand mot. La dynamique de la famille occupe tout l’espace. La mère déborde d’amour et de sollicitude pour son grand dadais de fils et néglige sa fille, pourtant endeuillée par le décès de sa meilleure amie - une mort peut-être pas si naturelle. Le père fait ce qu’il peut pour rétablir l’équilibre. Le dénouement, sur fond de masculinité toxique, laisse pantois.
Presence, remake dépressif du Beetlejuice de Tim Burton, est suivi de très près du dernier projet de Soderbergh. The Insider, production luxueuse et coûteuse (60 millions de dollars de budget), avec Cate Blanchett et Michael Fassbender, sort en salle le 12 mars prochain. Toujours écrit par David Koepp, il ressemble à un film d’espionnage comme Hollywood n’en fait plus. On verra ce que Soderbergh, 62 ans, peut encore pour le cinéma à l’ancienne. Et réciproquement.
L’avis du Figaro : 1/4.