18 septembre : « l’acte trois d’une reconquête sociale et démocratique » pour le sociologue Maxime Quijoux
Les syndicats attendent 1 million de personnes dans la rue ce jeudi 18 septembre. Si tel était le cas, comment apprécier le niveau de cette mobilisation contre un budget ?
Quijoux Maxime
Sociologue et politiste
La mobilisation du 10 septembre a pu laisser croire dans un premier temps à une revisite du mouvement des gilets jaunes. Cette rentrée sociale apparaît en réalité comme une nouvelle pierre d’un processus démarré avec la mobilisation contre la réforme des retraites en 2023.
Certes, le rendez-vous du 10 surgit à l’occasion d’un budget d’austérité. Mais il s’inscrit en réalité dans la continuité d’une large opposition progressiste, allant des syndicats aux parlementaires de gauche, en passant par la société civile et la jeunesse, qui n’a jamais déposé les armes.
Les mots d’ordre aujourd’hui sont en effet à peu près les mêmes qu’en janvier 2023 : l’abrogation de la loi sur les retraites, la justice sociale et le respect de la démocratie.
La victoire du Nouveau Front populaire (NFP) aux législatives, autour d’un programme centré sur les services publics, la hausse du Smic et la fin de la réforme des retraites, a constitué le deuxième temps de cette séquence. La mobilisation actuelle apparaît comme le troisième acte de cette reconquête sociale et démocratique.
En 2023, la jeunesse avait remplacé les travailleurs grévistes dans les cortèges, après le 49.3. Cette fois-ci, une convergence peut-elle avoir lieu dès le début du mouvement ?
Une fois de plus, la continuité avec le mouvement des retraites interpelle. Au printemps 2023, les jeunes et les étudiants avaient pris souvent le relais au moment où la mobilisation s’essoufflait. On les retrouve dès le premier jour, le 10 septembre, en masse et déterminés, là où le mouvement des retraites les avait laissés.
Les syndicalistes étaient aussi très présents, tout comme nombre de manifestants non encartés. L’envie d’en découdre contre les politiques d’austérité est forte, alimentée par une séquence où le sentiment de colère a été objectivé ces derniers mois : le rapport parlementaire sur les 211 milliards d’aides aux entreprises, la pétition contre la loi Duplomb signée par plus de 2 millions de concitoyens…
Les préoccupations sociales et démocratiques forment les deux faces d’une même pièce, celle d’une confiscation du pouvoir politique au service exclusif d’intérêts de personnes ou de groupes très particuliers.
À l’issue du 10 septembre, le débat est-il clos sur l’importance des syndicats dans la grève ?
Le débat n’aurait pas dû se poser. Toutes les enquêtes montrent que la participation à la grève, tout comme aux élections professionnelles, est directement corrélée à la présence syndicale. De fait, des grèves sont constamment menées dans de nombreux secteurs, sans qu’on y prête vraiment attention.
Rappelons que les travailleurs se mobilisent le plus souvent en fonction de deux critères élémentaires : le coût économique d’une grève et la perspective de victoire. D’ailleurs, les mots d’ordre du mouvement « Bloquons tout » étaient tellement vagues qu’ils auraient pu apparaître comme un frein à l’engagement collectif.
Les secteurs professionnels qui se sont mobilisés le 10 septembre l’ont été par des syndicats, sur des revendications locales et nationales précises. Mais, dans un pays où 90 % des salariés ne sont pas syndiqués, l’appel du 10 a pu être perçu comme un moyen de prolonger le combat syndical.
De nombreux militants syndicaux l’ont d’ailleurs parfaitement compris en refusant l’attitude parfois condescendante exprimée à l’égard des gilets jaunes.
La faiblesse de l’exécutif est-elle un atout ?
Oui. Nous pouvons d’ailleurs déjà relever des victoires symboliques : le départ de François Bayrou, le recul sur la suppression de deux jours fériés, les craintes du patronat qui menace de se mobiliser à son tour…
La plus grande victoire actuellement est sans doute la cristallisation du débat politique et médiatique sur les enjeux sociaux et fiscaux. Ce qui constitue, dans un contexte global de montée de l’extrême droite, une incroyable opportunité dans les luttes progressistes.
Elle ne vient pas de nulle part et constitue de fait une convergence, souvent inconsciente, mais qui mérite d’être soulignée, allant du monde de la recherche, aux associations, en passant évidemment par les syndicats et les parlementaires.
Si on souligne souvent les inimitiés qui minent le camp progressiste, la convergence a toutefois déjà bien eu lieu, permettant à la fois de neutraliser les projets de la Macronie et de lutter efficacement dans la bataille des idées.
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