Opéra royal de Versailles: en avant la musique!

Victor Jacob, les impatiences d’un choriste devenu chef

Victoire de la révélation chef d’orchestre, qu’il a reçue conjointement avec sa consœur Lucie Leguay il y a un an et demi aux Victoires de la musique classique, Victor Jacob en tire «une fierté personnelle, qui vient confirmer la pertinence des missions artistiques (qu’il s’est) fixées». Depuis, le jeune Français, lauréat du prix spécial du concours de direction de Besançon il y a cinq ans, a fait du chemin. À 33 ans, l’ancien chanteur de la Maîtrise de Radio France n’est plus un inconnu, et c’est auréolé de nombreuses expériences comme chef invité aux pupitres des orchestres nationaux de l’Hexagone et internationaux qu’il retrouvera cette saison l’Orchestre de l’Opéra royal. «Avec Versailles, je partage plus que des projets: je vis une histoire et j’y suis très attaché. Je vois évoluer l’orchestre depuis quelques années, et je suis fier d’être associé à son développement ainsi qu’à son ouverture vers différents répertoires», explique celui qui fit ses premiers pas avec la phalange dans la Cinquième de Beethoven, au printemps dernier. «J’ai eu la chance de diriger toutes les symphonies de ce compositeur avec différents orchestres ; pourtant, l’entente musicale - tant au niveau du style que de la sonorité - avec l’Orchestre de l’Opéra royal du château de Versailles était unique», se souvient-il.

Les prochains rendez-vous du chef à Versailles se feront autour d’un répertoire qui lui tient particulièrement à cœur. «J’ai hâte de retrouver l’orchestre en mai pour la Symphonie inachevée de Schubert. Mais le projet qui me tient le plus à cœur est d’enregistrer et diriger en concerts le Requiem de Fauré, accompagné du programme que j’ai construit autour. Ce sera la première fois que je dirigerai dans la sublime Chapelle royale du château de Versailles, mais surtout je rencontrerai le Chœur de l’Opéra royal dans un programme pensé spécialement pour lui», dit-il.

Une rencontre qui parle au choriste qu’il a été, et qui s’initia à la direction dans le cadre même de sa formation maîtrisienne, grâce à son premier mentor, Toni Ramos, avant de parfaire ses études de direction à la Royal Academy de Londres (où il suivit entre autres les master class d’Antonio Pappano) puis dans la classe d’Alain Altinoglu au CNSMD de Paris. «En tant qu’ancien choriste, la voix est et restera probablement toujours le grand amour de ma vie, poursuit-il. a pratique du chœur nécessite un engagement physique et humain très fort. Le chef de chœur doit donc refléter cela: confiance, bienveillance, énergie, mais aussi souffle, phrasé ou encore posture du choriste… J’aime rechercher ces qualités et ces aspects musicaux dans ma direction en général, qu’elle soit d’orchestre ou de voix.» Avant de prévenir: «S’il y a un défi avec le Requiem de Fauré, il n’est toutefois pas, selon moi, sur l’aspect vocal, au contraire! Ce serait plutôt celui d’en faire une version à la hauteur des nombreux enregistrements existants, et ce avec un jeune ensemble. J’ai hâte de pouvoir modeler les voix et le son de l’orchestre comme je l’entends, pour faire résonner la clarté profonde des harmonies fauréennes de ce chef-d’œuvre dans sa version de 1893…» Celle qui parle généralement le plus aux choristes eux-mêmes.

«Requiem» de Fauré, le 12 octobre à la Chapelle royale. «Les Prodiges du Romantisme», le 15 mai à l’Opéra royal.

Le Ballet de Naples sur une nouvelle orbite

Trois ans que Clotilde Vayer a pris la direction du Ballet du San Carlo et la voilà qui l’amène à Versailles ; ce sera sa toute première tournée en France. «J’ai choisi de programmer trois ballets de Jerome Robbins, En sol, Le Faune et In the Night, parce que j’adore son travail et qu’il me semblait qu’il était temps que mes danseurs s’y frottent. Ils ont dansé Noureev et Balanchine. Robbins est le condensé de tout cela. Ses ballets semblent faciles, ils sont très difficiles. Les danser, c’est à la fois faire et ne rien faire pour que ce soit respectable dans l’idée qu’il s’en faisait», dit Clotilde Vayer.

Le Ballet de Naples dans une reprise d’
In the Night, de Jerome Robbins. © ph.Luciano Romano / Teatro di San Carlo 2024

Première danseuse dans le Ballet de l’Opéra de Paris avant d’y rester maître de ballet adjointe à la direction de la danse pendant près de dix ans, elle a travaillé avec Robbins et fait répéter ses ballets. Elle se souvient des heures passées auprès du maître. «On croyait savoir, et plus les jours passaient, plus il en rajoutait, et moins on en savait. Il fallait travailler sur tel détail dans l’œil, telle façon de faire un geste. Il nous mettait dans une situation d’insécurité jusqu’à ce qu’il en sorte quelque chose de formidable. Il était aussi très généreux: pour le troisième pas de deux d’In the Night, il nous avait soumis à Isabelle Guérin, Pietragalla et moi-même, des histoires différentes en nous proposant de choisir celle que nous voulions raconter», se souvient Clotilde.

Traité des passions

Pour remonter Robbins, il faut avoir dans la troupe des personnalités: «Des gens qui s’engagent à fond dans leur interprétation. Ça peut être raté, c’est pas grave. Interdit en revanche de donner une version aseptisée!» Clotilde les guide avec ce dont elle se souvient du travail avec ce génie américain: «Jean-Pierre Frohlich, de la Fondation Robbins, a passé trois semaines ici et estampillé la chorégraphie. Maintenant, je continue le travail avec les danseurs, à partir de mes souvenirs et de mes appréciations.» Le choix de ces trois ballets, Clotilde les explique.

Aucun n’est dansé en Italie où les autres compagnies ont plutôt mis à leur répertoire Dances at the Gathering et Glass Pieces: En sol va bien à Naples qui est au bord de la mer, il ira bien aussi aux tournées en plein air souvent proposées en Italie. Faune, quand on connaît le chef-d’œuvre de Nijinski, est aussi passionnant que la relecture de Giselle par Mats Ek. L’idée de pur génie consiste à transposer les pâmoisons du Faune pour la nymphe, dans une salle de danse, et derrière son miroir qui reflète aussi l’ego.  Quant à In the Night, traité des passions sous les étoiles, la danse y est, comme jamais, à fleur de peau.

Je ne veux même pas penser au jeu des comparaisons ! Le Ballet du San Carlo est une compagnie qui monte. L’Opéra de Paris, une institution

Clotilde Vayer, directrice du Ballet du San Carlo

A-t-elle le trac de présenter sa compagnie à Versailles dans un programme où le public est habitué à voir le Ballet de l’Opéra de Paris? Clotilde Vayer se récrie: «Je ne veux même pas penser au jeu des comparaisons! Le Ballet du San Carlo est une compagnie qui monte. L’Opéra de Paris, une institution.» Le programme Robbins a été créé au San Carlo cet été, le 19 juillet.

Jerome Robbins par le Ballet du San Carlo de Naples, du vendredi 15 au dimanche 17 novembre.

Chloé de Guillebon, du clavecin à la baguette

Ses premiers pas avec l’Orchestre de l’Opéra royal du château de Versailles? Chloé de Guillebon s’en souvient comme si c’était hier. «Je venais de jouer comme continuiste au sein d’un autre ensemble, dans une production du Messie de Haendel à la Chapelle royale. Jean-Christophe Cassagnes, le délégué de l’Orchestre de l’Opéra royal, est venu me trouver en me disant qu’il cherchait un remplaçant de dernière minute pour accompagner l’orchestre dans leur grand récital annuel des Trois Contre-ténors. J’ai sauté sur l’occasion et ça a bien fonctionné. Je me suis tout de suite sentie à l’aise et très intégrée au groupe. Moins d’un mois plus tard, j’étais déjà sur un enregistrement des symphonies de Haydn avec eux. Et ensuite, les productions se sont enchaînées.»

Chloé de Guillebon. Eduardus Lee

Au point que ce n’est plus comme simple membre du continuo que la jeune claveciniste s’illustre désormais régulièrement au côté de la phalange, créée en 2019. Mais aussi comme chef. Elle met à profit sa formation de chef de chant baroque acquise au Conservatoire à rayonnement régional de Paris (auprès de Stéphane Fuget notamment), et ses cours de direction à la Schola Cantorum de Bâle. Elle a dirigé dans le cadre de tournées estivales, comme pour Les Leçons de Ténèbres de Charpentier, Couperin ou Clérambault données le mois dernier au Festival de Rocamadour. En juin, dans la galerie des Glaces, elle dirigera l’Académie de l’Opéra royal, dans Actéon de Charpentier. «La première fois que j’ai eu l’occasion de les diriger, c’était en fait l’hiver dernier, pour l’enregistrement des Quatre Saisons de Joseph Bodin de Boismortier. Une partition très peu enregistrée et que je ne connaissais absolument pas, mais qui s’est révélée pleine de surprises, et parfaitement dans l’esprit du baroque français qui constitue ma matrice», poursuit Chloé de Guillebon.

Concert de la Reine

La jeune lauréate du concours de clavecin de Pesaro, qui débuta par le piano à l’âge de 6 ans, le reconnaît bien volontiers: «En France, quand on commence le clavecin comme moi dès l’âge de 11 ans, les Couperin, Charpentier ou d’Anglebert font assez vite partie de la famille.» Pour sa part, il ne lui aura pas fallu longtemps pour rejoindre celle du clavecin français, qui depuis quelques années affiche une santé insolente. De Jean Rondeau à Justin Taylor en passant par la cohorte des Bertrand Cuiller, Jean-Luc Ho, ou Pierre Gallon.

«Tous des figures très inspirantes par leur poésie et leur goût de l’aventure», dit celle qui n’a pas hésité à se lancer elle-même dans la création de son propre ensemble, à la sortie du Covid: Le Concert de la Reine. «Au départ, ce n’était qu’un ensemble monté pour mon audition de fin de master. Mais ça a tellement bien marché entre nous qu’on a eu envie de continuer. Nous sommes aujourd’hui en résidence à Saint-Pierre de Montmartre, et nous sommes spécialisés dans le baroque anglais et français», conclut-elle.

«Actéon» de Marc-Antoine Charpentier, le 16 juin à la galerie des Glaces.

Simon Kalinowski, le souffle du continuo

Véritable phénomène, Simon Kalinowski illustre, à seulement 21 ans, la vitalité du paysage baroque, et de notre jeune scène française. Une scène dont les talents multiples et l’esprit d’initiative fleurissent d’année en année au sein des continuos de nos principaux ensembles baroques. Qu’ils soient clavecinistes, luthistes, théorbistes ou gambistes, ces jeunes musiciens, qui restent souvent dans l’ombre, n’en sont pas moins de formidables solistes en herbe. Témoins les Mathilde Vialle, Constance Taillard, ou la fratrie Rignol (Myriam et Gabriel), que l’on a vus émerger dans des ensembles comme Correspondances, Pygmalion ou encore A Nocte Temporis. À tous, l’Opéra royal de Versailles a offert lors des précédentes saisons d’importantes tribunes, tant au disque qu’à la scène.

Simon Kalinowski n’échappe pas à la règle. Cet ancien diplômé du Conservatoire de Versailles, qui se perfectionne actuellement en musiques anciennes au CNSMD de Paris auprès de Blandine Rannou et Olivier Beaumont, est déjà un collaborateur régulier du Concert de la Loge de Julien Chauvin ou encore des Musiciens de Saint-Julien de l’indispensable François Lazarevitch. Il collabore avec eux dans le cadre de leur académie de musique et de danse baroque.

Depuis un an, ce collectionneur d’instruments à ses heures perdues est aussi devenu l’une des chevilles ouvrières de l’Orchestre de l’Opéra royal et de son académie qu’il a rejointe en qualité de claveciniste… Mais aussi de pianofortiste ou même de flûtiste! «C’est un artiste plein de ressources et de surprises, à la fois tout-terrain, mais aussi et surtout passionné par le répertoire et toutes les redécouvertes qu’il peut susciter», se réjouit Laurent Brunner, directeur de l’Opéra royal. Gageons qu’il saura trouver une place durable dans le paysage baroque français… Tant sous les ors de Versailles qu’à l’extérieur!

Halidou Nombre, un appétit d’ogre

Il était l’impressionnant Golaud du Pelléas et Mélisande version chant-piano, mis en scène par Caurier et Leiser l’hiver dernier au Théâtre de l’Athénée. Il fut l’intriguant Kaino du Freitag aus Licht de Stockhausen, monté un an plus tôt par Le Balcon, à l’Opéra de Lille et à la Philharmonie de Paris. Il sera Énée, prince épris de la Didon de Sonya Yoncheva, cet automne, à l’Opéra royal. «Une œuvre totem, qui m’accompagne depuis le conservatoire puisque Énée est le premier rôle d’opéra que j’y ai chanté. C’est aussi une œuvre que j’ai moi-même mise en scène pour mon projet de fin d’études», sourit le baryton.

Un éclectisme qui définit bien Halidou Nombre. À 34 ans, ce Monégasque aux mille vies fut ingénieur dans l’aéronautique puis banquier d’affaires, avant de se tourner vers le lyrique. «J’ai commencé les cours de chant lyrique en arrivant à Paris pour mes études d’ingé. J’ai continué, même après avoir commencé à travailler», explique-t-il. Le tournant a lieu à l’aube de ses 30 ans. «En une semaine, j’ai eu l’opportunité de passer trois auditions, pour Les Indes galantes à l’Opéra de Paris, pour un rôle à l’Opéra de Bordeaux et pour l’Académie de l’Opéra de Monte-Carlo. Les trois ont marché! Je me suis alors dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire

Ancien et contemporain

Il le dit lui-même: «Je veux dévorer à pleines dents cette carrière qui s’est ouverte à moi. J’aimerais être ce genre de baryton capable de tout chanter, des musiques anciennes au contemporain. Et d’aborder l’opéra sous tous ses aspects», dit-il. Au sortir de chaque répétition, il noircit de petits carnets pour y noter ses propres idées de mise en scène. Sa participation à l’Académie de l’Opéra royal est l’expression de cet appétit d’ogre pour toutes les musiques. «Je suis un mozartien dans l’âme, j’avoue une passion pour les grands opéras français comme Carmen, dont j’avais chanté Escamillo à mes débuts, au Théâtre royal de Mons (et qu’il retrouvera à Versailles, cette fois dans le rôle de Moralès et la mise en scène «historique» reconstituée de 1875, NDLR). Mais la musique ancienne manquait à ma formation. Or, celle-ci est essentielle dans le paysage français. Versailles est pour moi une fabuleuse opportunité de combler ce manque et d’avoir ce rendez-vous avec l’histoire.»

La première fois que j’abordais Bach en soliste, et ce fut une expérience d’une grande intensité émotionnelle

Halidou Nombre, baryton

Opportunité qui s’est concrétisée l’an dernier à travers plusieurs projets dont une première Didon et Énée à la galerie des Glaces (il chantait le rôle de la Sorcière), et surtout une Passion selon saint Jean, de Bach, à la Chapelle: «La première fois que j’abordais Bach en soliste, et ce fut une expérience d’une grande intensité émotionnelle», se souvient-il. Il se dit impatient de renouer avec cette expérience de l’oratorio baroque pendant les fêtes de fin d’année, pour Le Messie de Haendel (toujours dirigé par Gaétan Jarry).

Concert de gala de l’Ador, le 29 septembre à l’Opéra royal. Charpentier et l’Italie, le 12 novembre à la Chapelle royale .«Didon et Énée», du 18 au 20 octobre à l’Opéra royal. «Le Messie» de Haendel, les 21 et 22 décembre à la Chapelle royale . «Carmen», du 14 au 22 janvier à l’Opéra royal.

Sarah Charles, la voix du bon Dieu

Elle l’avoue en riant: «Chanter à côté de Sonya Yoncheva, dans un opéra mis en scène, c’est un peu comme le passage au collège ou au lycée: vous avez brusquement le sentiment de franchir un cap.» Ce cap, c’est avec le rôle de Belinda, dans Didon et Énée de Purcell, que la soprano Sarah Charles va le franchir. En octobre, elle endossera les habits de la sœur et confidente de la reine de Carthage dans la mise en scène poétique et fantasque de Cécile Roussat et Julien Lubek. «J’ai hâte de me confronter à leur vision», confie celle qui a déjà incarné le rôle en avril, dans une simple version mise en espace avec costumes de Christian Lacroix, à la galerie des Glaces et à l’Institut de France. «Les deux cadres étaient bien différents, mais à chaque fois il y avait une grande excitation et une énergie grisante, qui nous ont permis de monter ce spectacle en quelques jours», se rappelle-t-elle.

La soprano Sarah Charles. Hugo Bertin

De l’énergie, la jeune femme n’en manque pas. Pour sa première saison au sein de l’Académie de l’Opéra royal, elle a déjà participé à de nombreux projets, dont l’enregistrement des Saisons, de Boismortier. La saison prochaine, elle sera, outre Belinda, Elmira: l’épouse du roi Sosarme, dans le rare opéra éponyme de Haendel, ressuscité cet hiver sous les plafonds ornés du salon d’Hercule. «C’est une œuvre très peu jouée, c’est aussi pour ça qu’on fait ce métier», dit l’académicienne. Celle qui s’est découvert une vocation pour l’opéra à la fin du collège, après s’être d’abord rêvée à Broadway, aura été à la Maîtrise de Notre-Dame de Paris. «Le répertoire y est très large, du Moyen Âge au contemporain, avec un rythme très soutenu, quasi quotidien. Quelque chose que je retrouve aussi à Versailles», dit celle qui aura passé trois ans sur les bancs de la maîtrise et devrait y retourner pour accompagner la réouverture de la cathédrale.

Timbre aux accents lumineux

Dans l’avenir, la chanteuse se projette autant dans le répertoire sacré qu’à l’opéra. «Même si l’intensité vocale et théâtrale à l’œuvre dans le lyrique m’a tout de suite attirée, je ne m’imagine pas faire carrière sans garder un pied du côté de la musique sacrée», dit-elle. Lorsqu’elle ne rêve pas des rôles mozartiens qu’appelle son timbre aux accents délicieusement lumineux, elle regarde vers les grands oratorios du baroque français et italien. Logique, pour celle qui, de l’aveu du directeur de l’Opéra royal, Laurent Brunner, «a tout simplement la voix du bon Dieu».

«Didon et Énée», de Purcell, du 18 au 20 octobre à l’Opéra royal. «Sosarme, re di Media», de Haendel, le 16 décembre au salon d’Hercule.

L’Opéra de Paris version Junior Ballet

C’est une nouveauté voulue par José Martinez et patiemment montée par lui depuis son arrivée à la tête de l’Opéra de Paris. Avoir un Junior Ballet permettant de faciliter l’insertion professionnelle et la formation de danseurs venus d’ailleurs qui pourraient venir grossir les rangs de la compagnie. La maison Chanel s’est heureusement engagée pour permettre de soutenir ce projet entièrement porté par le mécénat.

Recrutés sur concours externe au début de l’été, ils sont maintenant, à Paris, dix-huit: neuf garçons et neuf filles coréens, italiens, australiens, néo-zélandais, japonais, américains et français (ces derniers sortis de l’école de danse de l’Opéra et du CNSMD). Leur contrat les lie pour deux ans. L’ambiance de cette nouvelle troupe française est délibérément internationale. Et, dans les studios transformés en Babel heureuse, les maîtres de ballet Jean-Christophe Guérri et Béatrice Martel, naguère sujets dans le ballet de l’Opéra de Paris, tâtent de différents sabirs pour essayer d’établir une langue commune.

Balanchine, Béjart, Martinez

Après une semaine au Palais Garnier avec les danseurs du ballet, les membres du Junior Ballet se sont installés à l’école de danse de l’Opéra de Paris, manière d’un côté d’apprendre le style français à la source, manière aussi pour l’école de voir comment les jeunes danseurs se forment aux quatre coins du monde. En effet, les membres du Junior Ballet sortent à peine de l’enfance de leur art: ils ont entre 17 et 23 ans. Le Junior Ballet est pensé comme une pépinière de jeunes talents. Mais ils peuvent bien être doués, ils ont tout à apprendre. Danser ensemble, défendre le style et la technique de l’Opéra de Paris, faire des créations, recevoir un répertoire qu’ils tourneront en France et dans le monde, sensibiliser à la danse classique de nouveaux publics.

Après un trimestre de formation intensive, ils s’immergeront, au deuxième trimestre, dans la compagnie pour La Belle au bois dormant. Au troisième trimestre, ils prépareront leur programme de tournée qui débute à l’Opéra royal du château de Versailles.

À l’affiche de la tournée du Junior Ballet à Versailles, Allegro brillante de Balanchine, Cantate 51 de Maurice Béjart, Requiem pour une rose d’Annabelle Lopez Ochoa, un zest de Don Quichotte de Noureev et Mi Favorita, créé en 2002 par José Martinez. La pièce est ravissante, virtuose et théâtrale. On l’a un peu oublié à force de le voir dans l’habit de directeur, mais José Martinez est également chorégraphe. On espère qu’il aura un jour le temps de créer à nouveau. Être dirigés par un chorégraphe est une chance pour les danseurs de l’Opéra de Paris: connaître les qualités et les défauts des interprètes pour lesquels on crée est déjà le gage d’une chorégraphie haute couture taillée sur mesure.

À la rentrée prochaine, six nouveaux danseurs seront recrutés faisant passer à 24 les effectifs du Junior Ballet.

Junior Ballet de l’Opéra de Paris les 12, 13 et 14 juin à l’Opéra royal.