Les très riches heures de l’Opéra royal de Versailles: une saison cousue d’une main experte

Chacune des programmations de Laurent Brunner pour la saison musicale du château de Versailles ressemble à un patchwork. D’une qualité particulière. Les étoffes assemblées sont rares, resplendissantes et vintage. Cette saison nouvelle, pensée sous la houlette du nouveau président de Château de Versailles, Christophe Leribault, ne déroge pas. Le rare ? Il tient à certains titres et interprètes. Voilà donc Alberto Miguélez Rouco, contreténor et chef d’orchestre espagnol, curieux comme on l’est à 30 ans. Formé à l’Académie Jaroussky, il a trouvé la messe de requiem écrite par José de Torres pour Louis Ier d’Espagne. Baptisé Louis dans le but d’un rapprochement avec la France, ce fils de Philippe V meurt de la variole cent cinquante jours après être monté sur le trône à 17 ans. Du jeune roi ne reste que la splendide musique de cette messe. Autre rareté: Jean-Baptiste Nicolas, trompettiste et chef d’orchestre qui dirige la Messe à quatre chœurs de Charpentier. Une partition sans doute imaginée par le compositeur qui voyage à Rome à l’âge de 17 ans et reste marqué par les chœurs du Vatican et les couleurs particulières de la musique vénitienne entendue sur la route.

Célébration des 10 ans de l’Ador

La fête? Elle tient au décor de l’Opéra royal, ses ors et ses bleus, et aux anges qui trompettent dans la chapelle, mais aussi au goût affiché de la célébration. À Versailles, on ne rate pas les commémorations. Cette saison, Fauré, d’où la programmation du Requiem, et Bizet, d’où celle de Carmen, dans la mise en scène historique conçue par le compositeur, Johann Strauss, occasion d’un grand concert éloge du divertissement. Combien de champagne a coulé depuis que son Beau Danube bleu tourbillonne dans les Concerts du Nouvel An? Cette année, la fête tient encore à la célébration des 10 ans de l’Ador, association des amis de l’Opéra royal de Versailles. «C’est un cercle amical, dont les membres se réunissent dans un gala annuel avec spectacle, dîner et feu d’artifice, versent à partir de 400 euros de mécénat par an et tissent souvent des liens assidus avec les artistes et les programmes. Certains membres assistent à 40 concerts par an», dit Laurent Brunner, précisant que les dons de l’Ador profitent directement aux productions et soutiennent trois à cinq projets par an.

Le plus resplendissant ? Ce sont les opéras scéniques, conçus pour émouvoir et éblouir

Le plus resplendissant? Ce sont les opéras scéniques, conçus pour émouvoir et éblouir, d’autant que Christian Lacroix met la main aux costumes du Polyphème de Porpora, compositeur rival de Haendel à Londres, qui évoque la rencontre d’Ulysse, Acis et Galatée devant le terrible géant. Et de La Fille du régiment, en avril, avec Gwendoline Blondeel dans le rôle de Marie, défi vocal avec ses neuf contre-ut. Grand frisson encore, un Didon de Purcell avec Sonya Yoncheva dans le rôle-titre. Et pour ceux qui ne l’auraient pas encore vu, le poignant David et Jonathas dans la Chapelle royale.

Reste le vintage. Il réunit une farandole de concerts baroques. Et culmine dans L’uomo femina, de Galuppi, rival de Vivaldi, sous la baguette de Vincent Dumestre et son Poème Harmonique. Deux naufragés échouent sur une île gouvernée par les femmes, où les hommes sont dociles, coquets et même un peu craintifs. Cela vous fait penser à quelque chose? Agnès Jaoui, à la mise en scène, devrait en faire une présentation éminemment réjouissante!