En Corée du Sud, les enquêteurs recommandent la mise en examen du président Yoon

Les enquêteurs sud-coréens ont recommandé, jeudi 23 janvier, que le président Yoon Suk-yeol, suspendu de ses fonctions, soit inculpé pour rébellion et abus de pouvoir, pour sa tentative ratée d'imposer la loi martiale.

Au terme de 51 jours d'enquête sur ce coup de force, le Bureau d'enquête sur la corruption (CIO), l'agence anticorruption qui centralise les investigations criminelles sur Yoon Suk-yeol, a remis ses conclusions au parquet.

Il y déclare avoir "décidé de demander au parquet du district central de Séoul d'engager des poursuites contre le président en exercice, Yoon Suk-yeol, dans le cadre d'allégations portant notamment sur la conduite d'une rébellion".

Le parquet a désormais 11 jours pour décider de lancer ou non des poursuites demandées. La rébellion est un crime passible de la peine de mort.

Yoon Suk-yeol a sidéré la Corée du Sud le 3 décembre en imposant soudainement la loi martiale et en envoyant l'armée au Parlement pour tenter de le museler. Il a fait marche-arrière quelques heures plus tard, sous la pression des députés et de manifestants. Le dirigeant conservateur s'est vu confisquer le pouvoir le 14 décembre par l'Assemblée nationale, qui a adopté une motion de destitution contre lui pour son éphémère imposition de la loi martiale 11 jours plus tôt.

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Entendu dans son procès en destitution

Dans une procédure distincte, celle de son procès en destitution, le président suspendu a comparu dans l'après-midi devant la Cour constitutionnelle.

Entendu comme témoin, le ministre de la Défense au moment des faits, Kim Yong-hyun, a assuré que le chef de l'État n'avait décrété la loi martiale qu'à contre-cœur.

Yoon Suk-yeol lui même a reconnu avoir alors vu de nombreuses failles juridiques dans le projet de loi martiale qu'avait préparé le ministre à sa demande. "Nous avons ri quand j'ai dit 'laissons tomber vu que ce n'est pas faisable'", a-t-il évoqué à la barre.

Élu en 2022, cet ancien procureur-star a jusqu'à présent toujours justifié son recours à la loi martiale, accusant le Parlement - contrôlé par l'opposition - de bloquer ses projets de loi, et évoquant des "éléments hostiles" menaçant le pays.

Les huit juges de la Cour constitutionnelle ont jusqu'à la mi-juin pour démettre définitivement Yoon Suk-yeol ou le rétablir dans ses fonctions. Six voix sont requises pour éventuellement confirmer sa déchéance. Une prochaine audience est prévue le 2 février.

Malgré sa suspension et son incarcération, un fait sans précédent pour un président sud-coréen en exercice, il reste officiellement le chef de l'État dans l'attente de la décision de la Cour constitutionnelle.

Enquête contestée

Depuis son placement en détention provisoire, Yoon Suk-yeol, qui dit ne pas reconnaître la légalité de l'enquête le visant, n'a cessé de repousser les convocations du CIO. Il "a constamment maintenu une attitude non coopérative", a déclaré aux journalistes Lee Jae-seung, le chef adjoint du CIO.

Le service de sécurité de Yoon Suk-yeol a "entravé les perquisitions et les saisies, y compris l'accès à des dispositifs de communication sécurisés tels que des téléphones confidentiels", a poursuivi Lee Jae-seung.

Compte tenu de l'attitude du président déchu, le CIO a jugé qu'il serait "plus efficace" de confier l'affaire au parquet, qui est en mesure de l'inculper.

En réponse, l'équipe juridique de Yoon Suk-yeol a exhorté le parquet à "mener une enquête qui respecte la légitimité juridique et les procédures régulières".

Dans les conclusions de son enquête, le CIO a indiqué que Yoon Suk-yeol avait "abusé de son autorité obligeant les policiers de l'unité de garde de l'Assemblée nationale et les forces de la loi martiale à accomplir des tâches qui dépassaient leurs obligations".

Dans la nuit du 3 décembre, Yoon Suk-yeol aurait ordonné à l'armée de prendre d'assaut le Parlement et d'empêcher les députés de voter une résolution demandant la levée de la loi martiale.

Selon les enquêteurs sud-coréens, Yoon Suk-yeol a également "entravé l'exercice du droit des législateurs à exiger la levée de la loi martiale".

Yoon Suk-yeol, lui, dément avoir ordonné à l'armée de "faire sortir" les députés du Parlement pour les empêcher de voter contre la loi martiale.

Son équipe juridique et lui tentent de défendre l'idée selon laquelle la déclaration de la loi martiale était nécessaire face à une fraude électorale, l'opposition ayant remporté haut la main le scrutin législatif d'avril 2024. Avec à la clef une majorité écrasante au Parlement.

En détention provisoire, Yoon Suk-yeol ne reconnaît pas la légalité de l'enquête criminelle et a promis de se "battre jusqu'au bout", haranguant ses soutiens par le biais de lettres transmises via ses avocats.

De son côté, la Cour constitutionnelle doit décider d'ici mi-juin si elle confirme la destitution du dirigeant conservateur ou si elle le rétablit dans ses fonctions. En cas de destitution, une nouvelle élection présidentielle devra être organisée dans les 60 jours.

La crise qui se prolonge a poussé la Banque centrale à abaisser lundi ses prévisions de croissance économique pour 2025, à 1,6 % - 1,7 %. Au quatrième trimestre 2024 déjà, la croissance du PIB de la quatrième économie d'Asie a ralenti à 0,1 %, son taux le plus faible de l'année.

Avec AFP