Sommet en Alaska : guerre en Ukraine, échanges commerciaux… Quels sont les points-clés de la rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump ?
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Un sommet à hauts risques en Alaska. Vendredi 15 août, le président américain, Donald Trump, et son homologue russe, Vladimir Poutine, doivent se retrouver à partir de 11h30, heure locale (21h30 heure de Paris), sur la base militaire d'Elmendorf-Richardson, à Anchorage, pour un face-à-face très attendu sur la guerre en Ukraine. Une rencontre à laquelle ni le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, ni les dirigeants européens ne sont conviés.
Trois ans et demi après le début de l'invasion russe, "il ne faut sans doute pas s'attendre à la paix", prévient toutefois Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur de France à Moscou. La Maison Blanche elle-même a tenu, mardi, à "minimiser les attentes", rapporte le Washington Post.
Donald Trump souhaite d'abord "tâter le terrain"
A quelques heures du sommet entre Vladimir Poutine et Donald Trump, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a évoqué, mercredi, l'espoir d'un "cessez-le-feu immédiat". Les signaux venus de Moscou ne laissent toutefois guère espérer une trêve en Ukraine. Si le Kremlin a assuré, jeudi, que les deux chefs d'Etat discuteraient du conflit en Ukraine et plus globalement de la sécurité internationale, le ministère des Affaires étrangères russe a affirmé que la position russe restait "inchangée", rapporte CNN. Une position qui inclut la reconnaissance par Kiev de l'annexion des quatre régions partiellement occupées (Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson), en plus de la Crimée, le renoncement à toute adhésion de Kiev à l'Otan et l'arrêt des livraisons d'armes occidentales.
Lors d'une récente conversation avec Donald Trump, Vladimir Poutine avait également réitéré sa volonté de "continuer à poursuivre ses objectifs visant à s'attaquer aux causes profondes" du conflit. Une formule qui, depuis 2022, englobe la remise en cause de l'existence même de l'Ukraine comme Etat souverain, selon le média américain.
Du côté de Washington, la Maison Blanche a tenu à calmer les attentes, dès mardi, sur un cessez-le-feu, lors d'une conférence de presse. Ce sommet doit ainsi être considéré comme un "exercice d'écoute" destiné au président américain "pour mieux comprendre comment nous pouvons, espérons-le, mettre fin à cette guerre", a soutenu Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison Blanche, lors d'une conférence de presse, rapporte Reuters. Donald Trump a lui-même déclaré, mercredi, vouloir "tâter le terrain" avec son homologue russe et a présenté deux issues possibles à la fin du sommet, selon l'AFP. Si la rencontre se passait bien, elle déboucherait alors "presque immédiatement" sur une réunion à trois avec Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine. "La deuxième rencontre sera très, très importante, car ce sera celle où ils concluront un accord", a assuré Donald Trump jeudi sur la radio Fox News. A l'inverse, si l'entrevue en Alaska tourne mal, "il n'y aura pas de seconde rencontre" pour mettre fin au conflit. Le président américain a également prévenu que la Russie ferait face à des "conséquences très graves" si elle refusait d'accepter la fin de la guerre. Donald Trump a estimé à "25%" le risque d'échec de sa rencontre de vendredi.
Pour les experts du Center for Strategic and International Studies (CSIS), l'histoire joue également contre toute hypothèse d'un cessez-le-feu à l'issue du sommet. "Les accords de paix mettent rarement fin aux guerres", rappelle notamment Seth G. Jones, notant que depuis 1945, seules 16% des guerres interétatiques se sont conclues par un traité. Et sur le terrain, l'avantage reste à Moscou. "Poutine pense qu'il est en train de gagner, et c'est le cas. Il pense que le temps joue en sa faveur, et il a probablement raison", observe de son côté Mark F. Cancian, également expert au CSIS.
Volodymyr Zelensky ne sera pas présent au sommet
L'un des enjeux majeurs de la rencontre d'Anchorage réside dans l'absence de Volodymyr Zelensky à la table des discussions, alors que Donald Trump et Vladimir Poutine risquent d'y aborder la question des concessions territoriales. Lundi, le président américain a ainsi laissé entendre qu'il était prêt à envisager des "échanges" de territoires pour mettre rapidement fin au conflit. A Kiev, la réponse a été immédiate : Volodymyr Zelensky a répété, mardi face à la presse, dont CBS News, que l'Ukraine "ne cédera[it] pas ses terres à l'occupant" et a prévenu que quitter le Donbass "de notre propre gré ou sous pression" reviendrait à "encourager une troisième guerre". Mais le président finlandais, Alexander Stubb, présent lors des tractations mercredi entre Donald Trump et les dirigeants européens, a assuré de son côté qu'il n'y aurait "pas de discussions concernant les territoires". Jeudi sur Fox News, Donald Trump a répété son souhait de voir le règlement du conflit passer par un échange de territoires entre Russes et Ukrainiens : "Je ne veux pas utiliser le terme 'se partager les choses', mais d'une certaine manière, ce n'est pas un mauvais terme. Il y aura du donnant-donnant en ce qui concerne les frontières, les territoires." Alyona Getmanchuk, cheffe de la mission ukrainienne auprès de l'Otan, estime quant à elle auprès du New York Times que Vladimir Poutine "veut obtenir par la diplomatie ce qu'il a échoué à obtenir par la force".
Faute d'être présent physiquement en Alaska, Volodymyr Zelensky a multiplié les échanges en amont du sommet avec le gouvernement américain et a participé mercredi à un appel avec Donald Trump. "Vladimir Poutine ne veut pas la paix, il veut nous occuper. Il faut de la pression, de la pression, de la pression (…) pour mettre fin à la guerre", a assuré le chef d'Etat. Au début de la semaine, le président ukrainien avait également soutenu qu'un sommet sans l'Ukraine ne "fonctionnerait pas". "Les questions ukrainiennes devraient être discutées par au moins trois parties", avait-il alors insisté, réclamant la présence de l'Ukraine mais aussi celle de l'Europe.
Pour Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, l'absence de Kiev au sommet de vendredi représente un choix stratégique de Vladimir Poutine. Celui-ci "ne veut pas que Zelensky soit présent à cette table" car cela "révélerait qu'il ne souhaite en réalité pas négocier, mais simplement prendre une photo avec le président Trump", a-t-elle estimé auprès de CNBC.
Les Européens essaient de peser à distance dans les discussions
La capacité des Européens à peser sur les discussions figure aussi parmi les enjeux de la rencontre d'Anchorage. Ce sommet bilatéral entre Donald Trump et Vladimir Poutine, conçu sans participation ukrainienne ni européenne, présente même un double risque pour l'Union européenne : celui de voir s'imposer une logique de compromis qui fragiliserait l'intégrité territoriale de l'Ukraine, et celui de constater un affaiblissement du front occidental face à Moscou, d'après CNN.
"Poutine tentera (...) d'utiliser des offres économiques directement adressées à Washington afin d'isoler l'Ukraine et l'Europe", analyse de son côté Benjamin Jensen, chercheur au CSIS. Une inquiétude confirmée par Kaja Kallas. "L'unité transatlantique, le soutien à l'Ukraine et la pression sur la Russie sont les moyens qui nous permettront de mettre fin à cette guerre et d'empêcher toute nouvelle agression russe en Europe", a ainsi écrit la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne sur X.
Face à cette crainte, les Européens ont organisé une série d'appels bilatéraux et de consultations, avant le sommet, jusqu'à une rencontre à Londres réunissant de hauts responsables, en présence du vice-président américain J.D. Vance, jeudi. "L'objectif était de définir une position commune avec les Européens et de trouver un moyen de la communiquer à Trump", résume Oleksandr Kraiev, directeur du programme Amérique du Nord de l'institut Ukrainian Prism, auprès du New York Times.
Donald Trump et Vladimir Poutine comptent aussi "échanger sur leurs relations économiques"
Au-delà de la question ukrainienne, le sommet a pour objectif de relancer les discussions bilatérales entre les Etats-Unis et la Russie. "Ils doivent notamment échanger sur leurs relations économiques", observe Claude Blanchemaison, citant l'exemple des co-investissements dans la recherche pétrolière dans le Grand Nord. Les deux pays, qui détiennent "à eux deux 90% des têtes nucléaires dans le monde", selon l'ancien ambassadeur de France à Moscou, "ont aussi un intérêt à discuter des questions nucléaires, comme autrefois au moment de la guerre froide".
La composition de la délégation russe, avec la présence du ministre des Finances, Anton Silouanov, et celle de l'émissaire chargé des questions économiques à l'international, Kirill Dmitriev, illustre cet agenda parallèle. Le second multiplie d'ailleurs les messages sur X vantant les perspectives de coopération sur "l'environnement, les infrastructures et l'énergie dans l'Arctique et au-delà". Depuis plusieurs mois, le Kremlin parle également ouvertement de partenariats dans l'énergie, dans les technologies de pointe, l'exploration spatiale ou encore les projets d'infrastructures dans les régions arctiques, selon CNN.
Maria Snegovaya, chercheuse au CSIS, estime quant à elle que Vladimir Poutine pourrait utiliser le sommet comme une "reconnaissance diplomatique précieuse" afin de replacer la Russie comme un interlocuteur incontournable sur l'échiquier des discussions internationales.