Décollages d’Ariane-6 et de Starship le même jour : Elon Musk et l’Union européenne poursuivent leur guerre de l’espace
Après le premier lancement, le 16 janvier dernier, de la fusée New Glenn, fleuron du constructeur Blue Origin – fondé par le milliardaire Jeff Bezos -, l’Europe et Elon Musk poursuivent la course à l’espace en cours depuis plusieurs décennies. La première mission commerciale de la fusée Ariane-6, comme le test de la mégafusée – la plus grande jamais conçue – Starship sont prévus pour ce lundi 3 mars.
Après plusieurs reports, la fusée lourde européenne doit décoller de Kourou, en Guyane française, à 13 h 24 locale (17 h 24 à Paris), tandis que le dernier modèle conçu par SpaceX, au centre d’une explosion du deuxième étage de la fusée en janvier dernier au-dessus des Caraïbes, doit s’élancer dans le ciel depuis Boca Chica, au Texas, à partir de 17 h 30 locale (peu après minuit en France).
« C’était très important de retrouver cet accès autonome à l’espace »
Avec ces deux lancements consécutifs, l’Europe comme les États-Unis espèrent ainsi prendre une longueur d’avance sur la concurrence, à l’heure où la compétition spatiale rime avec les bouleversements politiques de ces derniers mois. Ariane-6 doit par exemple permettre la mise en orbite d’un satellite militaire français. Ce satellite CSO-3 (« composante spatiale optique ») doit compléter la mini-constellation de surveillance de la Terre pour le ministère français de la Défense.
Une mission de grande importance pour l’armée française, car le CSO-3 attend d’être lancé depuis 2022. La réussite de ce lancement doit aussi, selon les États derrière le projet Ariane, sceller la souveraineté de l’Europe spatiale dans un contexte de rapprochement entre les États-Unis et la Russie, sur fond de guerre en Ukraine. « C’était très important pour la France et pour l’Europe de retrouver cet accès autonome à l’espace, a estimé Lionel Suchet, patron par intérim du Centre national d’études spatiales (Cnes), auprès de l’Agence France-Presse (AFP). On ne peut pas avoir de politique spatiale aujourd’hui sans avoir les moyens d’envoyer nos satellites dans l’espace de façon autonome. »
Pour rappel, l’Europe a été privée d’espace pendant plusieurs mois, ne pouvant plus disposer de Soyouz depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. L’autre fusée européenne légère, Vega-C, n’a quant à elle repris les vols qu’en décembre 2024, après avoir été immobilisée pendant deux ans dans la foulée d’un accident ayant entraîné la perte de satellites.
Initialement envisagée en décembre, puis fixée au 26 février, la mission a été reportée au lundi 3 mars, le temps d’examiner les données issues du vol inaugural. En juillet, Ariane 6 n’emportait pas de satellites commerciaux, mais seulement une dizaine de microsatellites d’universités. Le dernier retard a quant à lui été provoqué par des problèmes logistiques concernant les moyens de transport du satellite.
Le premier des 32 que compte le carnet de commandes d’Ariane-6
« Ce qui compte dans ces cas-là, c’est d’être sûr que tout est sécurisé, souligne Lionel Suchet. Il peut se passer des problèmes sur le lanceur, sur le satellite. On s’assure que tout soit prêt et si on prend quelques semaines de plus, quelques mois de plus, ce n’est pas un problème. » Ce vol opérationnel sera le premier des trente-deux que compte désormais le carnet de commandes d’Ariane-6 offrant des années d’activité au centre spatial de Kourou.
Le lancement de Starship, colosse haut de 123 mètres – soit la taille d’un immeuble d’environ quarante étages – doit, de son côté, permettre à SpaceX de mener différents tests sur le deuxième étage de la fusée et récupérer le premier étage – ayant propulsé l’ensemble. Après le décollage et la séparation des deux étages, le propulseur nommé Super Heavy doit entamer, lundi 3 mars, une descente contrôlée vers le pas de tir avant d’être immobilisé par des bras mécaniques installés sur la tour de lancement. Elon Musk ambitionne ainsi que Starship soit entièrement réutilisable.
Un objectif qui doit lui permettre de réduire considérablement les coûts et les ressources nécessaires à de telles entreprises. L’entreprise compte ainsi récupérer aussi, à terme, le vaisseau Starship, qui constitue le deuxième étage de la fusée et donne son nom à l’ensemble. Mais pour ce vol, le vaisseau devrait finir sa course dans l’océan Indien, comme lors de précédents tests.
Une manœuvre complexe, mais que l’entreprise fondée par le milliardaire et nouvel homme de confiance de Donald Trump a déjà réussi en janvier dernier, pour la seconde fois. Mi-janvier, le précédent vaisseau avait explosé après quelques minutes de vol, entraînant une pluie incandescente de débris dans le ciel des Caraïbes et des dégâts matériels dans l’archipel des îles Turques-et-Caïques, situé à plus de 2 500 kilomètres du site de lancement.
Le régulateur américain de l’aviation, la FAA, avait dû détourner brièvement des avions pour éviter d’éventuelles collisions avec les débris et avait ordonné une enquête et une suspension des vols. Si cette explosion est loin d’être la première enregistrée lors d’un vol d’essai de Starship, SpaceX ne compte pas freiner les lancements.
Au contraire, l’entreprise d’Elon Musk compte sur la multiplication des tests pour développer ses fusées à toute vitesse et corriger rapidement les problèmes rencontrés en situation réelle de vol. Soit un symbole de la toute-puissance financière et politique du propriétaire du réseau social X, obsédé par l’idée de coloniser la planète Mars, qui peut se permettre de réaliser son plan sans encombre.
Des associations ont ainsi porté plainte contre les autorités américaines en les accusant d’en avoir mal évalué l’impact environnemental, alors que la base spatiale texane est située à proximité de zones protégées, sur le littoral. Et la grande proximité d’Elon Musk avec le président Donald Trump fait désormais craindre de possibles ingérences dans les actions des autorités de régulation. Sous la présidence de Joe Biden, l’homme le plus riche au monde avait souvent mis en cause la FAA, l’accusant d’exercer une surveillance excessive sur son entreprise.
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