Un an après, la dissolution décidée par Emmanuel Macron sème toujours la confusion

C’était il y a un an. Au soir de la défaite de son parti aux européennes du 9 juin 2024, Emmanuel Macron faisait le choix de dissoudre l’Assemblée nationale, au risque de perdre sa majorité déjà relative et de s’affaiblir encore davantage.

Un an plus tard, ce choix est considéré comme une mauvaise décision par 71 % des Français, selon un sondage Elabe, publié samedi 7 juin, sur La Tribune Dimanche et BFMTV. Et parmi les sondés, ils sont 63 % à estimer que l'absence de bloc majoritaire à l'Assemblée est "une mauvaise chose pour le pays", car "cette situation provoque des blocages et ralentit les prises de décision".

De fait, la dissolution a abouti à une situation politique encore plus confuse et délétère que celle qui précédait, dont chacun semble pourtant s'accommoder en attendant 2027. Tour d’horizon.

  • Un président sans prise

Doublement désavoué par les électeurs, deux ans à peine après sa réélection, Emmanuel Macron avait tergiversé tout l'été pour ne pas nommer un Premier ministre de gauche. Quitte à se retrouver sur la touche, comme en cohabitation avec le LR Michel Barnier.

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche l'a cependant remis au premier plan sur la scène internationale, dans un rôle de chef de file du soutien européen à l'Ukraine.

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Après la censure du gouvernement Barnier, le chef de l'État s'est vu forcé de nommer son allié François Bayrou à Matignon. Il tente depuis de revenir sur les sujets intérieurs (budget, éducation, réseaux sociaux...) en faisant miroiter des référendums.

La déception a été à la hauteur de l'attente suscitée : aucune annonce lors de son interview sur TF1, révélant son impuissance face à des intervenants le questionnant comme s'il décidait encore de tout.

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"Sauf sur l'international, il n'a plus beaucoup de moyens d'action. Il est isolé alors que les Français attendent d'un président qu'il soit le grand chef, efficace et capable de modifier leur vie quotidienne", résume Luc Rouban, chercheur au Cevipof.

  • Un gouvernement sans cap

Nommé en plein bouclage budgétaire, Michel Barnier a chuté sur ce premier obstacle. Soutenu par un fragile "socle commun" de la droite et du centre, il a été renversé par ses oppositions de gauche et d'extrême droite qui ont censuré son gouvernement – une première depuis 1962.

Averti, son successeur François Bayrou a contourné le problème, en amadouant les socialistes à la fois sur le budget et avec un conclave social sur la réforme des retraites censé s'achever mi-juin.

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Mais depuis, il n'a pu présenter aucun texte au nom de son gouvernement, se contentant de reprendre ceux émanant d'un Parlement indomptable.

Son goût plus prononcé pour les constats que pour les réformes et son choix de rester maire de Pau ont alimenté son procès en immobilisme, y compris au sein de son camp. Au plus bas dans les sondages, l'hôte de Matignon renvoie au plan de redressement budgétaire annoncé d'ici le 14 juillet.

En attendant, son équipe polyphonique n'en finit pas d'étaler ses désaccords, notamment entre les poids lourds de l'aile gauche Élisabeth Borne et Manuel Valls, et ceux de l'aile droite Gérald Darmanin et Bruno Retailleau.

  • Une Assemblée en kit

La dissolution devait, selon Emmanuel Macron, aboutir à une "clarification". Résultat : une Assemblée nationale fracturée en trois blocs inconciliables et sans majorité possible.

Depuis le jeu de massacre du budget, l'exécutif ne se risque plus à y présenter de grands projets de loi et laisse la main aux initiatives parlementaires – même sur "l'aide à mourir" promise par Emmanuel Macron.

Sans fil conducteur, la chambre basse compte les points, tantôt pour Gabriel Attal sur la justice des mineurs, tantôt pour la gauche qui rejoue sans fin la bataille des retraites, toujours avec le RN en position d'arbitre. "L'Assemblée est en état de marche", rétorque pourtant sa présidente Yaël Braun-Pivet, arguant que bon an mal an, un budget a été adopté ou encore un texte sur le narcotrafic.

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Parfois déserté par des députés de plus en plus dépités, l'hémicycle devient un théâtre de guérilla parlementaire: débats émaillés d'incidents, obstruction et coups procéduraux.

"Ce blocage se retourne contre le Parlement" qui "ne réussit plus à examiner les textes nécessaires" à cause d'un "engorgement délibéré", a résumé François Bayrou en réponse a une énième motion de censure vouée à l'échec.

En parallèle, les commissions d'enquête prolifèrent avec l'intention à peine dissimulée de mettre le gouvernement en difficulté, comme sur les déficits publics ou l'affaire Bétharrami, du nom de l'établissement scolaire près de Pau, où des élèves ont subi des violences physiques et sexuelles.

  • Des partis à la carte

Réconciliés pour les législatives, PS et LFI ont de nouveau rompu au moment de la censure du budget Bayrou. De toute façon, les insoumis sont déjà en ordre de bataille pour une quatrième présidentielle de Jean-Luc Mélenchon.

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Le reste de la gauche navigue encore à vue. Vainqueur de leurs congrès respectifs, le socialiste Olivier Faure et l'écologiste Marine Tondelier plaident pour l'union, mais sans LFI pour le premier quand la seconde défend une candidature "unique" en 2027. La méthode divise aussi: quand François Ruffin propose une primaire, Raphaël Glucksmann la refuse.

À l'extrême droite, c'est la justice qui rebat les cartes. Condamnée en première instance dans le procès des assistants parlementaires européens, Marine Le Pen pourrait être empêchée de concourir et laisser la place à Jordan Bardella, non sans quelques réticences. Ils s'affichent toutefois ensemble, lundi, dans le Loiret lors d'un meeting avec plusieurs de leurs partenaires continentaux, un banquet champêtre qui entend montrer l'unité de leur binôme.

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Au centre, Gabriel Attal est décidé à livrer la bataille de la succession d'Emmanuel Macron mais il est surveillé de près, sur sa gauche par Yaël Braun-Pivet et Élisabeth Borne, sur sa droite par Gérald Darmanin.

Pendant ce temps, Édouard Philippe gère son avance et poursuit sa campagne au long cours, la barre fermement à tribord. Mais le nouveau capitaine des Républicains Bruno Retailleau se verrait bien lui ravir son statut de favori.

Avec AFP