Des rafales de vent à 345 km/h : l’ouragan Melissa dévaste la Jamaïque

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Les premiers à quitter la Jamaïque ont été les oiseaux. Pour les humains, c’est une angoisse sourde, un « rugissement étrange qui semble venir de la mer », comme l’a rapporté une habitante de l’île à la BBC. « Erratic Melissa ! », titrait le Jamaica Observer, principal journal du pays, formule que l’on peut traduire par « irrégulière » ou « capricieuse ».

Ce que confirme Fabio D’Andrea, climatologue au CNRS et directeur du département de géosciences de l’École normale supérieure : « La particularité de cet ouragan est son amplification rapide, cela est difficile à prévoir selon nos modèles. » Melissa est passé en quelques heures de la catégorie 3 à la catégorie 5, la plus élevée sur l’échelle de Saffir-Simpson.

Au fur et à mesure que le monstre s’approchait, toute la Jamaïque se préparait au choc avec l’un des cyclones tropicaux les plus puissants : des vents soutenus de 282 km/h, avec des rafales pouvant atteindre 345 km/h, une pression de 892 hectopascals. Et une marée de tempête atteignant les 4 mètres de hauteur, avec des vagues dévastatrices, la menace majeure dans un pays où la plupart des villes sont littorales.

Les précipitations attendues étaient de l’ordre de 750 litres d’eau de pluie par mètre carré, un danger accru par le relief : « Les effets locaux dépendent de la géomorphologie : en Jamaïque, il y a beaucoup de montagnes et vallées, cela entraîne des crues très fortes et des glissements de terrain », précise Fabio D’Andrea. Autre particularité de Melissa : sa lenteur. Avec une vitesse de déplacement de l’ordre de 4 km/h, ses effets sont décuplés par sa persistance.

7 heures du matin, le début du cauchemar

Le choc a débuté, comme prévu, aux alentours de 7 heures du matin (13 heures en France), ce mardi, en touchant le centre et l’ouest de l’île caribéenne. À l’heure où ces lignes étaient écrites, le bilan humain s’élevait à sept morts, mais dans une île très densément peuplée, celui-ci pourrait être catastrophique.

Et alourdi par le fait que beaucoup de Jamaïcains ont refusé de se rendre dans l’un des 800 abris mis en place, préférant rester chez eux. « Les abris ne sont pas confortables comme des maisons, mais ils sauvent des vies », a exhorté le ministre de la Santé, Christopher Tufton.

En tant que tel, un phénomène comme Melissa n’est pas inédit. « D’un point de vue physique, c’est un ouragan très puissant, mais pas si rare », décrit Fabio D’Andrea. Si le dérèglement climatique n’a pas pour conséquence une hausse du nombre de cyclones, il se traduit par contre par un accroissement de leur intensité. Ce qui fait dire au climatologue que, « dans le futur, on doit s’attendre à des phénomènes comme celui-là de plus en plus fréquents ».

Il ne fait aucun doute que cet événement climatique extrême est lié au dérèglement mondial. Selon Leanne Archer, chercheuse à l’université de Bristol, « l’ouragan Melissa est un rappel brutal que les îles comme la Jamaïque sont les plus touchées par l’accélération des phénomènes climatiques extrêmes, amplifiés par le changement climatique, bien qu’elles soient parmi celles qui sont les moins responsables du problème », a-t-elle déclaré au Washington Post.

La cause principale : la hausse de la température des eaux de surface. « Les ouragans sont très difficiles à modéliser, mais c’est la condition qui les favorise », ajoute Fabio D’Andrea.

Toute la Caraïbe menacée

Ce qui fait craindre le pire pour la Jamaïque tient surtout à sa vulnérabilité, pour reprendre le terme utilisé en géographie des risques. Avec « un habitat précaire, comme l’exemple de Mayotte (ravagée par le cyclone Chido en décembre 2024 – NDLR) l’a montré », rappelle le climatologue, qui pointe aussi « les infrastructures, l’état du bâti ». Mais comme l’a rappelé Christopher Tufton, « aucune infrastructure ne peut résister à une tempête de catégorie 5 ».

Après la Jamaïque, l’ouragan devait se diriger vers le nord, toucher Cuba ce mercredi, puis les Bahamas et sans doute les Bermudes. Mais toute la Caraïbe est concernée : en Haïti, où Melissa n’était catégorisée « que » comme tempête tropicale, trois personnes sont mortes, et une autre en République dominicaine. Le phénomène météorologique devrait perdre de son intensité au fur et à mesure qu’il frappe les terres, mais il va rester très dangereux : à Cuba, les vents pourraient atteindre 200 km/h.

Le premier ministre jamaïcain, Andrew Holness, a annoncé avoir déjà reçu « des appels de soutien de nos partenaires : les Nations unies, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, (…) et tous les pays de la Caricom (la Communauté caribéenne – NDLR) ont tendu la main pour promettre leur soutien ». Son gouvernement a assuré « réfléchir déjà à la deuxième phase, celle des secours, puis la troisième, celle du relèvement et de la reconstruction ». Mais pour l’heure, la Jamaïque compte ses morts.

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