« Inégalitaire », « injuste », « un braquage » : le budget de Bayrou sous le feu des critiques
Un plébiscite ! Les annonces budgétaires de François Bayrou font l’unanimité contre lui à gauche. Et l’objet de critiques à droite. Il en est ainsi de sa proposition de supprimer deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8 mai. « Bayrou sacrifie le 8 mai, jour de capitulation des nazis, pour satisfaire ses velléités budgétaires qui s’effectueront, une fois de plus, sur le dos des Français », a dénoncé Pierre Ouzoulias, sénateur communiste. Son collègue socialiste Rémi Cardon rappelle que « la suppression d’un jour férié rapporterait 4,5 milliards d’euros par an. Selon un rapport de France Stratégie, la suppression de l’ISF a causé un manque à gagner de 4,5 milliards d’euros ».
L’annonce offre de plus un boulevard à Jordan Bardella, patron du RN, pour poursuivre son entreprise de dédiabolisation et draguer la droite : « La suppression de deux jours fériés, par ailleurs aussi chargés de sens que le lundi de Pâques et le 8 mai, est une attaque contre notre histoire, contre nos racines et contre la France du travail. » Plus tôt dans la journée, le secrétaire général adjoint des « Républicains », Pierre-Henri Dumont, qui souhaite une baisse des dépenses publiques, avait estimé que la suppression de jours fériés revenait à du « travail gratuit » et serait aux antipodes des valeurs de droite : « Travailler plus pour gagner plus. » La proposition est donc accueillie froidement y compris au sein même du socle commun.
Un braquage en bande organisée
Et pour cause. Elle ressemble fort à un leurre. La mesure pourrait être retirée pour donner l’illusion d’un compromis et permettre de faire passer tout le reste. Et quel reste… Les dépenses pourraient être gelées en 2026 (hors service de la dette et dépenses militaires) afin de réduire le déficit de 5,8 % en 2024 à 4,6 % du PIB en 2026. C’est la fameuse « année blanche ». « C’est un braquage en bande organisée auquel nous assistons ! Supprimer deux jours fériés pour nous faire travailler gratuitement. Baisser le remboursement des maladies graves. Geler les salaires et les pensions. Plus que jamais, il y a de nouvelles Bastille à prendre ! » a dénoncé Fabien Roussel, secrétaire national du PCF.
La porte-parole des députés du groupe Écologiste et social, Léa Balage El Mariky, s’inquiète, elle aussi, du gel des dépenses de l’État, des prestations sociales et des pensions qui pourrait entraîner le même scénario que celui qu’a connu la Grèce en 2015 : une « récession historique », ajoute-t-elle. « Bayrou durcit encore l’absurdité de la politique macroniste : détruire l’État et les services publics pour ouvrir l’espace au marché », analyse l’insoumis Jean-Luc Mélenchon.
La gauche, qui soutient la création de nouvelles recettes fiscales, dénonce un premier ministre qui s’acharne à répéter que « multiplier les impôts est une thèse dangereuse ». « Demander toujours plus à ceux qui ont peu… et si peu à ceux qui ont beaucoup n’est ni sérieux, ni efficace, ni juste », prévient le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Boris Vallaud. Le député LFI Hadrien Clouet ironise : « « Tout le monde participera à l’effort. Les entreprises ne doivent pas supporter cet effort. » Bayrou dans son sketch du 15 juillet. »
Les macronistes assurent le service après-vente
De manière plus que vague, le locataire de Matignon a certes évoqué la possibilité de récupérer « quelques milliards d’euros » sur certaines subventions ou allègements de cotisation en échange de libertés pour les entreprises. Et a même cité le rapport sénatorial de Fabien Gay (PCF) sur les 211 milliards d’euros d’aides aux entreprises versées en 2023. « Le premier ministre cite notre rapport publié la semaine passée. Il appelle à une rationalisation sans la chiffrer. Chiche ! Nous avons 26 recommandations adoptées à l’unanimité. Je suis disponible pour y travailler ! » a réagi le sénateur communiste (et directeur de l’Humanité).
Du côté des macronistes, on assure le service après-vente. « Réduire notre dette, c’est nous redonner des marges de manœuvre. Plein soutien aux mesures pour soutenir la production, simplifier, sanctionner les mauvais joueurs et réformer la commande publique », a salué la députée macroniste Olivia Grégoire. Réduire la dépense publique et la dette « est un enjeu de compétitivité, de souveraineté, de liberté pour notre pays », argue Benjamin Haddad, ministre chargé de l’Europe. Du côté de l’extrême droite, le député RN Jean-Philippe Tanguy dénonce « une purge sociale et fiscale ». Manière de jouer sur deux tableaux : la colère des classes populaires et les attentes de la bourgeoisie. Marine Le Pen menace déjà le gouvernement de censure s’il ne revoit pas sa copie. La cheffe des députés RN, sans qui nulle censure ne peut passer, fait ainsi monter les enchères.
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