Reconnaissables à leur bracelet jaune, une dizaine de femmes se sont réunies en début de semaine dans un café du 2ᵉ arrondissement de Paris. Toutes partagent un combat commun : protéger leurs enfants victimes d’inceste paternel et affronter une justice répressive. À l’origine de cette rencontre : le collectif Incesticide. Soutenu par la députée MoDem Sandrine Josso, il organise vendredi 23 mai un colloque à l’Assemblée nationale pour alerter sur les défaillances institutionnelles.
« Le combat de ces mères protectrices, c’est l’enfer sur Terre, en France, en 2025 », résume Sihem Ghars, fondatrice du collectif. Entourée de personnalités venues relayer leurs voix, elle rappelle que le Comité contre la torture des Nations unies a rendu, le 2 mai, un rapport sévère sur le traitement judiciaire des victimes d’inceste en France, évoquant des « tortures institutionnelles ».
« Un système judiciaire qui marche sur la tête »
C’est ce système défaillant que dénoncent mères protectrices et personnalités publiques. « La parole des victimes d’inceste est clairement minimisée », fustige Héloïse Martin, comédienne, elle-même victime. « J’ai bientôt 30 ans et quinze ans après mon procès, rien n’a changé. »
Selon la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France et 70 % des plaintes sont classées sans suite. Caroline Darian, fille de Gisèle et Dominique Pelicot, déplore le classement sans suite de la plainte déposée par son neveu contre son grand-père. « Cela revient à dire qu’il n’y a qu’une victime dans cette famille et que nous mentons », estime-t-elle.
À l’invisibilisation s’ajoutent les poursuites engagées contre des mères protectrices. « C’est un système judiciaire qui marche sur la tête. Quand les mères portent plainte, la justice se retourne contre elles et place leurs enfants chez le père violeur », dénonce Sihem Ghars. Déborah* fait partie de ces femmes « mortes vivantes », que le combat contre l’inceste a exposées à la répression et la précarité. « J’ai pris quatre mois avec sursis, 800 000 euros d’amende pour avoir protégé ma fille. Je vis avec zéro euro depuis quatre ans. »
Nombre de mères se détournent alors de la justice. « Je ne conseille à aucune mère de porter plainte », confie l’une d’elles. Pour l’actrice Coline Berry, il est « urgent de faire évoluer la loi ». Elle plaide pour l’imprescriptibilité de l’inceste au civil et la qualification de crime pour les violences sexuelles sur mineurs.
Un tabou sociétal
Dénonçant l’inaction politique, Sihem Ghars interpelle : « Voulons-nous une société où le viol des enfants est autorisé ? » Coline Berry renchérit : « Trop souvent, on entend : « Ce qui se passe en famille doit y rester. » » Des mots qui résonnent chez Marie*, mère de deux filles victimes d’inceste. « J’ai coupé avec ma famille car on m’a dit de mettre cela sous le tapis. Mais j’en parle pour que la parole des enfants se libère. »
Dans cet esprit, Incesticide dépose ce vendredi une proposition de loi à l’Assemblée nationale, après l’obtention d’une question prioritaire de constitutionnalité. Objectif : créer une commission d’enquête parlementaire sur l’inceste paternel et faire reconnaître l’injustice des poursuites contre les mères protectrices.
*Les prénoms ont été modifiés.
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