Les députés ont beau encore ferrailler à propos du projet de loi de finances (PLF), ils vont devoir désormais s'atteler au budget de la Sécurité sociale (PLFSS). Les membres de la commission des affaires sociales ont déjà eu une semaine de débats animés sur ce dossier, qui s'est soldée par un rejet du texte vendredi soir. C'est donc la version initiale, présentée par le gouvernement, qui va être examinée dans l'hémicycle, à partir du mardi 4 novembre.
Le PLFSS prévoit pas moins de 17,5 milliards d'euros d'économies en 2026. De l'aveu même de la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, interrogée samedi dans Ouest-France, "ce budget demande des efforts à tous. Aux assurés, comme à l'ensemble des acteurs de la Sécurité sociale". "Une bonne partie du musée des horreurs se trouve dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Ce sera un moment âpre de débat parlementaire, de rapports de force", a pour sa part prévenu le chef des députés socialistes, Boris Vallaud, dans La Tribune dimanche.
Le gouvernement a mis sur la table des mesures qui divisent la classe politique, même si le Premier ministre, Sébastien Lecornu, se dit prêt à renoncer à certaines d'entre elles. Voici les points du texte qui risquent d'animer les débats jusqu'au 12 novembre.
La suspension de la réforme des retraites
Les socialistes ont fait une condition en vue d'une non-censure du gouvernement : la suspension de la réforme des retraites de 2023, par une lettre rectificative (PDF). Le texte suspend jusqu'à janvier 2028 la marche en avant vers les 64 ans, tout comme le relèvement du nombre de trimestres à cotiser pour partir à taux plein. La mesure coûtera 400 millions d'euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027, selon le gouvernement.
En commission, le texte a été approuvé par 22 voix contre 12, avant que le texte global soit rejeté. Les élus du Rassemblement national et du Parti socialiste ont voté pour. "Ce n'est qu'un petit report" mais utile à "la France qui travaille", a expliqué l'élu RN Thomas Ménagé. Le vote favorable permet de "continuer la discussion" avec le gouvernement, a pour sa part justifié le socialiste Jérôme Guedj.
Les députés Les Républicains et Horizons ont eux voté contre cette suspension, tout comme ceux de La France insoumise, pour des raisons diamétralement opposées. Les premiers souhaitent le maintien de la réforme, les seconds estiment que voter en faveur de sa suspension revient à approuver un horizon de départ à 64 ans, même décalé.
De leur côté, les Ecologistes se sont abstenus, demandant l'intégration des carrières longues au dispositif et des pistes de financement différentes ne reposant pas sur les assurés. Les députés Renaissance ont fait le même choix, mais pour leur part afin de ne pas entraver la "discussion" budgétaire, tandis que le MoDem s'est divisé entre abstentions et votes pour.
Le gel des prestations sociales
Le financement de la suspension de la réforme des retraites devait reposer initialement sur les complémentaires santé et les retraites, via notamment une sous-indexation des pensions par rapport à l'inflation. Dans la version initialement défendue par le gouvernement, le PLFSS prévoit le "gel de l'ensemble des retraites de base" en 2026 ainsi qu'un gel des prestations sociales (allocations familiales, le revenu de solidarité active, aides personnalisées au logement...) habituellement indexées sur l'inflation. Le projet de budget prévoit également des économies à plus long terme, sous-indexant les pensions de retraite de 0,9 point en 2027, puis de 0,4 point pour les années suivantes, jusqu'en 2030.
Mais ces mesures crispent une partie des députés. Le Premier ministre s'est lui-même dit prêt à lâcher du lest. Après le rejet des amendements pour instaurer la taxe Zucman, âprement défendue par les socialistes, Sébastien Lecornu a annoncé que "le gouvernement [était] favorable à regarder l'ensemble des amendements qui viendront dégeler les pensions de retraite", avant de faire une déclaration similaire pour les minima sociaux. L'idée d'une "année blanche" a du reste déjà été rejetée en commission par les oppositions.
Le doublement des franchises médicales
C'est une autre mesure rejetée en commission. Le gouvernement veut doubler le montant et les plafonds "des participations forfaitaires et franchises afférentes aux actes de soins ou aux médicaments", ces petites sommes restant à charge des patients lors d'une consultation médicale ou de l'achat d'un traitement.
La franchise sur les boîtes de médicaments et les actes paramédicaux est ainsi relevée à 2 euros, la participation forfaitaire sur les actes médicaux à 4 euros et la franchise sur les transports sanitaires à 8 euros, selon le texte écrit par le gouvernement. L'exécutif souhaite également étendre cette logique aux consultations chez les dentistes et aux dispositifs médicaux, comme le souligne l'article 18 du PLFSS. Les assurés "les plus fragiles", soit environ 18 millions de personnes, ne seront pas concernés, a promis la ministre de la Santé sur franceinfo.
Les dépenses de l'Assurance-maladie
Les dépenses de santé (dont celles liées au fonctionnement des hôpitaux) augmentent naturellement chaque année d'environ 4%, en raison notamment du vieillissement de la population. Mais le PLFSS fixe un objectif national de dépenses de l'Assurance-maladie de 270,4 milliards d'euros en 2026, soit une hausse de seulement 1,6% par rapport à 2025. Lors des débats en commission, les élus ont rejeté ces prévisions. Le Premier ministre a ouvert la porte pour "desserre[r] un tout petit peu la pression sur les économies telles qu'elles avaient été envisagées par le gouvernement (...) sur l'hôpital".
La limitation du premier arrêt de travail à quinze jours
Le gouvernement propose de limiter à quinze jours la durée du premier arrêt de travail, s'il est prescrit par un médecin de ville, et trente jours à l'hôpital. Toute prolongation sera par ailleurs limitée à deux mois. Les médecins pourront toutefois déroger au plafond prévu "au regard de la situation du patient" et en le motivant sur leur prescription. Pour justifier cette mesure, le gouvernement pointe notamment la croissance des dépenses d'indemnités journalières.
Cet article a été adopté en commission. Ses défenseurs plaident pour un suivi "plus régulier des patients, donc une réévaluation au meilleur rythme de leur état de santé", selon le rapporteur général du texte, Thibault Bazin (LR). Mais ses détracteurs y voient une manière de s'"immiscer dans la relation entre le patient et le médecin", comme l'a souligné la députée de La France insoumise Ségolène Amiot. Elle pointe un potentiel manque de visibilité pour les employeurs voulant "prévoir un remplaçant" avec un premier arrêt limité à 15 jours. En outre, cette limitation "part du postulat que l'augmentation des arrêts de travail est une augmentation de la fraude et c'est faux", pointe Hendrik Davi, du groupe écologiste.