Retraites, arrêts-maladies, franchises médicales… Que contient le projet de budget de la Sécurité sociale, examiné à l'Assemblée à partir de mardi ?

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 arrive dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Le texte, qui a été rejeté en commission vendredi 31 octobre, est examiné en séance publique par les députés à partir du mardi 4 novembre et jusqu'au mercredi 12 novembre. La version débattue, qui est celle du gouvernement, prévoit notamment la suspension de la réforme des retraites, concession faite au Parti socialiste pour qu'il ne censure pas le Premier ministre Sébastien Lecornu.

Le gouvernement a également intégré dans ce texte budgétaire des éléments sur les complémentaires santé, les franchises médicales ou le congé de naissance, avec l'objectif général de réduire le déficit de la Sécurité sociale à 17,5 milliards d'euros en 2026, contre 23 milliards en 2025. Avant le début des débats à l'Assemblée et la modification attendue du texte, franceinfo fait le point sur les principales mesures défendues par le gouvernement.

La suspension de la réforme des retraites

L'annonce a été faite par Sébastien Lecornu dans sa déclaration de politique générale, le 14 octobre. Elle a été transcrite dans le PLFSS à l'article 45 bis, ajouté par le gouvernement par une lettre rectificative déposée le 23 octobre à l'Assemblée. Validé en commission, avant le rejet global du texte, ce nouvel article vise à "suspendre le calendrier d'augmentation de l'âge légal de départ et de la durée d'assurance".

Seule la génération née en 1964 profitera de cette suspension du report progressif de l'âge légal, mais les générations de 1965 à 1968 pourront partir à la retraite trois mois plus tôt que prévu. Le mode de financement de cette mesure, qui coûtera 400 millions d'euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027, selon le gouvernement, donnera lieu à un débat. Pour financer cette suspension, l'exécutif prévoit l'augmentation à 2,05% de la taxe exceptionnelle sur les organismes complémentaires en 2026 (à l'article 7) et "un renforcement de la sous-indexation des pensions de retraites en 2027" (à l'article 44).

La revalorisation des retraites et des minima sociaux

Voilà un exemple de mesures qui ne figurent pas dans le PLFSS initial, mais qui vont tout de même être défendues par le gouvernement. Vendredi, pour tenter de s'assurer la non-censure du Parti socialiste, Sébastien Lecornu a annoncé qu'il était favorable au dégel des pensions de retraite et des minima sociaux pour 2026, une position défendue par les députés au même moment en commission. Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets. Il pourrait compenser ce manque à gagner par une hausse de la CSG sur le patrimoine, déjà approuvée à l'initiative de la gauche en commission.

Une meilleure prise en compte des carrières des femmes

C'est l'une des rares mesures améliorant les prestations des assurés sociaux : les femmes qui ont obtenu des trimestres cotisés supplémentaires grâce à leurs enfants pourront les utiliser pour partir en retraite avant l'âge légal dans le cadre du dispositif carrières longues, dans la limite de deux trimestres. Par ailleurs, le salaire de référence pour le calcul des pensions sera calculé sur 24 années (et non 25) pour les femmes ayant eu un enfant, et 23 années pour les femmes ayant eu deux enfants et plus.

La création d'un congé de naissance

Prévu à l'article 42, ce nouveau congé de naissance doit permettre aux parents de prendre jusqu'à deux mois supplémentaires chacun pour accueillir leur enfant. Le montant de l'indemnisation de ce congé, qui s'ajoute aux congés maternité (16 semaines) et paternité (28 jours), sera précisé par décret dans un second temps. "Chaque parent pourra prendre le congé simultanément ou en alternance avec l'autre, d'où la possibilité d'ajouter jusqu'à quatre mois" pour garder ses enfants, peut-on lire dans le projet présenté par le gouvernement.

La hausse limitée des dépenses de santé

Les dépenses de santé, qui augmentent naturellement chaque année d'environ 4% en raison notamment du vieillissement de la population, seront nettement limitées : le gouvernement fixe un objectif national de dépenses de l'Assurance-maladie de 270,4 milliards d'euros en 2024, soit une hausse de seulement 1,6% par rapport à 2025. Pour y parvenir, malgré des revalorisations tarifaires prévues pour certains soignants, le gouvernement prévoit 7,1 milliards d'économies dans le champ de la santé.

Le doublement des franchises médicales

C'est l'une des mesures les plus contestées de ce PLFSS – elle a d'ailleurs été rejetée en commission. Le gouvernement prévoit de doubler, par décret, le montant et les plafonds "des participations forfaitaires et franchises afférentes aux actes de soins ou aux médicaments". La franchise sur les boîtes de médicaments et les actes paramédicaux s'élèvera à 2 euros, la participation forfaitaire sur les actes médicaux à 4 euros et la franchise sur les transports sanitaires à 8 euros, précise le gouvernement.

La participation forfaitaire et les franchises médicales sont aussi étendues aux consultations chez les dentistes et aux dispositifs médicaux, comme il est écrit à l'article 18 du PLFSS. Les assurés actuellement exonérés, soit environ un tiers des assurés, continueront de l'être, soit 18 millions de personnes, selon la ministre de la Santé, Stéphanie Rist. Lors des débats en commission, les députés se sont prononcés contre ces mesures d'économies.

Le déploiement des maisons France Santé

"Le gouvernement a annoncé la mise en place d'un réseau de 5 000 maisons France Santé d'ici 2027 sur l'ensemble du territoire pour améliorer l'accès aux soins", est-il écrit dans la présentation du PLFSS. Comme il l'a annoncé jeudi, en déplacement dans la Manche, Sébastien Lecornu veut consacrer 130 millions d'euros dans le budget de la Sécurité sociale aux futures maisons France Santé, qu'il veut développer pour faire face à la désertification médicale. Cette somme sera proposée dans le cadre d'un amendement au texte.

La réduction de la durée maximale des arrêts-maladies

Face à la "très forte progression des dépenses liées aux arrêts de travail", qui n'est "pas soutenable", le gouvernement veut limiter "la durée de l'arrêt de travail initial pouvant être prescrit (un mois en primo-prescription en cas d'hospitalisation et 15 jours en cabinet de ville, puis les renouvellements par tranche de deux mois maximum". "Les arrêts de travail pourront aller au-delà de ces durées si cela est justifié médicalement", précise le gouvernement.

Les motifs de l'arrêt devront figurer sur l'arrêt de travail "à des fins de contrôle par l'Assurance-maladie". La durée précise de la limitation des arrêts-maladie serait fixée par décret, et les députés ont approuvé ce principe en commission, alors que de nombreux professionnels sont hostiles à cette mesure. Le gouvernement souhaite aussi mettre fin au régime des affections de longue durée (ALD) dites "non-exonérantes", qui ouvrent le droit à des indemnités journalières ALD et des arrêts-maladies de plus de six mois.

Le recours "systématique" au dossier médical partagé

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale "porte une mesure visant à rendre systématique l'usage par les professionnels de santé du dossier médical partagé de 'Mon Espace Santé', qu'il s'agisse de l'alimenter ou de le consulter, pour mettre fin à la redondance de certaines prescriptions et améliorer la coordination des soins", défend le gouvernement, ce qui fait bondir les associations de professionnels.

En cas de manquements, l'exécutif fait le choix d'introduire des sanctions. "Le montant maximal de la pénalité à l'encontre des professionnels de santé est fixé à 2 500 euros par manquement constaté, sans pouvoir excéder 10 000 euros par année", précise l'article 31. Le montant maximal de la pénalité à l'encontre d'un établissement passerait à 25 000 euros, avec un plafond de 100 000 euros par année.