Budget 2026 : que va-t-il se passer après le rejet de la partie "recettes" du projet de loi de finances par les députés ?

C'était un peu la chronique d'un rejet annoncé. Les députés ont voté contre le volet "recettes" du budget de l'Etat, dans la nuit du vendredi au samedi 22 novembre, à une écrasante majorité. Même si chaque groupe politique a pu modifier pendant la discussion le texte initialement présenté par le gouvernement, aucun camp ne s'est dit satisfait du résultat global à l'issue de l'examen de cette première partie du projet de loi de finances pour 2026. Les groupes de gauche et le RN ont voté contre ; ceux du camp gouvernemental se sont divisés entre votes contre et abstentions. Le seul à voter pour a été le député du groupe centriste Liot, Harold Huwart.

Conséquence immédiate : l'examen s'arrête à l'Assemble nationale et c'est la copie initiale du PLF, c'est-à-dire celle proposée par le gouvernement, qui est transmise au Sénat. De nombreuses étapes attendent encore le budget, dont l'avenir est toujours aussi incertain dans un calendrier de plus en plus serré.

Près de 3 000 amendements discutés

Ce vote intervient après 14 jours d'examen par les députés, entamé dès le 24 octobre mais interrompu le 4 novembre pour se pencher sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). A l'expiration du délai prévu par la Constitution, le gouvernement a envoyé le budget de la Sécurité sociale au Sénat, sans que les députés aient terminé leur examen. Ils ont ensuite repris leurs travaux sur le projet de loi de finances le 13 novembre.

Au fil des séances parfois tardives et marquées par la fatigue, ils ont examiné près de 2 900 amendements et largement remanié le budget de l'Etat. L'enjeu était de taille : le gouvernement s'était engagé à transmettre tous les amendements votés à l'Assemblée au Sénat, même si les députés ne parvenaient pas à terminer l'examen avant le 24 novembre, date prévue pour envoyer le texte à la chambre haute du Parlement.

Chaque bloc a revendiqué des victoires. Les députés ont très largement approuvé un amendement de La France insoumise sur l'impôt sur les bénéfices des multinationales. La gauche a en revanche échoué à faire adopter la taxe Zucman ou sa version allégée. La droite a fait voter la défiscalisation des heures supplémentaires. Le Rassemblement national a durci l'"exit tax", un impôt visant à freiner l'évasion fiscale des actionnaires. L'Assemblée a aussi rayé de la copie le gel du barème de l'impôt sur le revenu tandis qu'une alliance de députés socialistes, RN et MoDem a approuvé un impôt sur la fortune improductive.

Vers un texte remanié au Sénat

Mais tout ce travail tombe (au moins temporairement) aux oubliettes. En effet, en cas de rejet d'un texte par l'Assemblée, c'est la version initiale qui est envoyée au Sénat. Et l'examen du texte s'arrête net : les députés ne vont donc pas se pencher sur les dépenses de l'Etat pour 2026.

Dès le 26 novembre, les sénateurs travailleront à partir de la copie présentée par le gouvernement fin octobre. La majorité de droite au Sénat avait de toute façon prévenu qu'elle comptait défaire bon nombre d'arbitrages des députés. Et elle compte elle aussi amender largement la version initiale du PLF. Le gouvernement pourra lui aussi déposer des amendements lors de l'examen au Sénat, qui ne devrait pas procéder au vote solennel sur ce budget avant le 15 décembre.

Ce calendrier ne laisserait ensuite que quelques jours aux parlementaires des deux chambres pour s'accorder en commission mixte paritaire (CMP). Cette instance réunit des députés et sénateurs chargés de trouver un compromis. De l'avis de plusieurs sources parlementaires, un consensus pourrait être trouvé dans le huis clos de la CMP, mais il faudrait ensuite qu'il soit approuvé par les députés, ce qui semble très improbable à ce stade.

Une course contre la montre à venir

En cas de commission mixte paritaire non conclusive, ou bien si le compromis issu de la CMP est rejeté par l'une des deux chambres du Parlement, on repartirait pour une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, dans une course contre la montre pour respecter le délai de 70 jours prévu par la Constitution, qui expire le 23 décembre.

Même s'il a renoncé à utiliser le 49.3 pour faire adopter son budget sans vote, le Premier ministre Sébastien Lecornu dispose toujours de leviers, même s'il assure ne pas vouloir s'en servir : il pourrait faire adopter le budget de l'Etat par ordonnances, à l'expiration des délais, comme le permet l'article 47-1 de la Constitution. Une loi spéciale permettrait à l'Etat de continuer à percevoir des impôts, en attendant un éventuel nouveau débat budgétaire au début de l'année 2026.