"Il est certain que Donald Trump, aujourd'hui, fait l'actualité de l'économie", note un économiste
"Donald Trump essaie de convaincre le monde économique que c'est lui qui, maintenant, va donner le rythme", a déclaré Philippe Dessertine, économiste, directeur de l’Institut de Haute finance, sur franceinfo jeudi 23 janvier, après le discours en visioconférence du président américain devant les patrons réunis au Forum économique mondial de Davos. Donald Trump a notamment exigé que les "taux d'intérêt baissent immédiatement", alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) doit se réunir mardi pour décider, ou non, de laisser ses taux inchangés.
Est-ce que le président américain Donald Trump va changer, selon vous, les règles du jeu de l'économie mondiale ?
Philippe Dessertine : Il est certain que Donald Trump aujourd'hui fait l'actualité de l'économie. Il change en tout cas complètement le contexte. Et lorsque l'on est en train d'essayer de faire des prévisions sur la croissance mondiale, sur la croissance américaine, sur la croissance européenne, nous sommes obligés aujourd'hui de tenir compte évidemment de ce changement très profond que vont connaître les États-Unis [...], sans que l'on sache exactement quels seront le choc, l'intensité de ce changement et sa portée véritable.
Quelle est la raison de cette intervention très suivie par les nombreux patrons présents à Davos ?
Ce qui est très frappant, c'est que nous avons un politique qui se lance dans l'économie et qui se lance même avec des discours agressifs et voire complètement détonants. Il faut rappeler que Donald Trump a intimé l'ordre, ce qui est totalement anticonstitutionnel aux États-Unis, au patron de la Réserve fédérale américaine de baisser les taux d'intérêt. C'est-à-dire qu'il est en train d'essayer de contrer les effets qu'il peut redouter du fait de sa politique et en particulier des logiques protectionnistes qu'il peut mettre en œuvre.
Mais si Donald Trump décide qu'il faut baisser les taux, vont-ils baisser ? Et ça, c'est en réalité probablement ce que recherche Trump : l'idée qu'il pourra imposer un certain nombre de mesures dans l'économie, un certain nombre d'évolutions qui ne sont pas des évolutions naturelles. Mais rien n'est moins sûr. Parce que lorsqu'il est obligé de prendre ce type d'incantations, d'éclats de voix, comme on en entend très rarement dans l'histoire économique, en réalité, il souligne un certain nombre de faiblesses de la logique qu'il déroule, qui paraît imparable quand on l'écoute au premier abord, mais qui l'est beaucoup moins quand on creuse un tout petit peu la réalité de l'économie américaine.
Pourquoi doit-on mettre des barrières douanières ? Parce que le déficit du commerce extérieur américain est abyssal, parce que les États-Unis consomment des produits qu'ils ne fabriquent plus depuis longtemps. Pourquoi est-il obligé de vouloir baisser les taux ? Parce que les taux sont élevés aux États-Unis et risquent de monter du fait des tensions inflationnistes. Donc, nous sommes bien dans un certain nombre de mesures, de prises de parole, de violences verbales, où Donald Trump essaie de convaincre le monde économique que c'est lui qui, maintenant, va donner le rythme, même contre toutes les attentes, contre tous les principes, contre toutes les logiques.
Vous le disiez, Donald Trump a mis la pression sur le patron de la Fed. De quels taux parle-t-on ?
Ce sont des taux qui concernent tous les acteurs économiques. Ce sont les taux directeurs de la Banque centrale américaine qui normalement donnent le "la" des taux d'intérêt aux États-Unis et, dans une grande mesure, aux taux d'intérêt mondiaux. [...] Lors de son premier mandat, Donald Trump avait déjà sidéré le monde financier américain en disant que, si le président de la Fed décidait de monter les taux, il serait débarqué la semaine suivante. Et à l'époque, le président de la Fed avait décidé de ne pas monter les taux. Il y avait donc déjà eu une interférence.
Donald Trump et ses équipes identifient un certain nombre de fragilités pour les jours, les mois qui viennent. Ils tentent donc d'allumer des contre-feux. La question qui se pose, c'est : est-ce que ces contre-feux fonctionnent ? Est-ce que la planète économique entend les ordres de Trump et finalement les respecte ? Et c'est la raison pour laquelle Trump a réservé ce type d'annonce tonitruante au sommet de Davos. Le but est d'arriver à obliger le monde économique à intégrer une autre logique qui est la logique normale du mode de fonctionnement de l'économie. Il n'est pas sûr du tout que cette logique-là finisse par s'imposer. Il est même possible que ces informations soient comprises par l'ensemble des acteurs économiques, et notamment les marchés, comme étant finalement des facteurs de danger.