REPORTAGE. Guerre en Ukraine : à la veille de la fête de l'indépendance, une manifestation pour demander des nouvelles des soldats disparus sur le front
L'envoyé spécial américain Keith Kellogg est à Kiev dimanche 24 août à l'occasion de la fête de l'indépendance de l'Ukraine. En marge de cette visite, de nombreuses familles de disparus ont manifesté samedi soir dans la capitale pour exiger des nouvelles de leurs proches.
Il y a les sirènes d'alerte, le sifflement des drones, les promesses du pouvoir et les journaux télévisés, en boucle. Mais la guerre peut aussi se rappeler aux familles par une phrase sèche. Vitalina savait que ce jour finirait par arriver. "J'ai reçu un message qui me disait que mon fils avait disparu sur le front, raconte-t-elle. J'ai appelé partout et on ne sait rien. Il a 26 ans, et c'est mon seul enfant."
Dans ce silence, les familles deviennent enquêtrices, mais chaque démarche se heurte à la même consigne : attendre. Et ce sont souvent les femmes qui tiennent la chronique de l'absence. Zoryana est épouse, et Valeria sœur de soldat disparu. Elles manifestent depuis deux ans. "Personne ne fournit d'informations sur le nombre de morts et de disparus", déplore Zoryana.
"L'armée reste silencieuse. Elle nous dit seulement de patienter."
Zoryana, épouse d'un soldat disparuà franceinfo
"Je n'ai aucune information sur mon frère, lance Valeria. Je ne sais pas s'il est mort ou s'il est encore en captivité. Tout ce que je sais, c'est qu'il est quelque part et que je me battrai. Je me battrai jusqu'au bout, jusqu'au moment où j'aurai une réponse. C'est la seule chose qui me donne la force de continuer."
Une affaire politiquement sensible
Pas une demande de rendez-vous n'a été accordée par le palais présidentiel, l'affaire est trop sensible politiquement. Ainsi, plus de 10 000 familles se sont tournées vers le bureau ukrainien du Comité international de la Croix-Rouge, selon son porte-parole, Pat Griffiths. "Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, affirme-t-il. Car au moins, ces personnes-là savent qu'elles doivent s'adresser à nous pour lancer des recherches. Mais il y a beaucoup plus de familles qui soit ne savent même pas qu'elles doivent nous contacter pour ouvrir les demandes, soit ne sont pas en capacité de le faire."
Sciemment, la Russie ne fournit pas non plus de listes complètes des prisonniers et des corps d'Ukrainiens qu'elle détient. Au conflit militaire, susceptible de se terminer un jour, s'ajoute ainsi une bataille psychologique et rien ne dit que celle-ci aura une fin.