Guerre en Ukraine : ce que l'on sait de l'attaque de drones menée par Kiev contre des bases aériennes russes

A la veille de nouvelles négociations de paix, l'Ukraine a revendiqué une vaste attaque de drones, dimanche 1er juin, contre plusieurs bases aériennes situées en territoire russe, jusqu'en Sibérie. Cette offensive ayant pour nom de code "Toile d'araignée", a causé d'importants dégâts matériels, endommageant au moins 40 avions, selon Kiev, dont des bombardiers stratégiques capables de lancer des missiles de croisière.

Ce coup dur intervient alors que les délégations russe et ukrainienne doivent entamer une nouvelle série de pourparlers lundi à Istanbul, en Turquie, pour tenter de mettre fin au conflit déclenché par l'invasion russe en février 2022. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a salué sur le réseau social X les "résultats brillants" de l'opération, affirmant qu'elle avait été préparée pendant plus d'un an.

Un tiers de la flotte russe de porteurs de missiles de croisière, selon Kiev 

Jamais l'Ukraine n'avait revendiqué une opération d'une telle envergure en territoire russe. Selon Volodymyr Zelensky, 117 drones ont été utilisés lors de l'assaut mené dimanche. Le président ukrainien évoque sur X une préparation "minutieuse". Dans un communiqué publié sur Telegram, le Service de sécurité d'Ukraine (SBU) affirme que l'attaque a permis de neutraliser 34% de la flotte russe de porteurs de missiles de croisière, pour un préjudice estimé à 7 milliards de dollars. Ces chiffres n'ont toutefois pas pu être vérifiés de manière indépendante. "Il est déjà clair qu'il ne s'agit pas d'un coup dur, mais d'un sérieux coup d'arrêt pour l'ennemi", a salué sur Telegram Iryna Verechtchouk, vice-cheffe de l'administration présidentielle ukrainienne. 

Cette photo non datée et non localisée, publiée le 1er juin 2025 par le Service de sécurité d'Ukraine, montre des drones militaires ukrainiens. (HANDOUT / SECURITY SERVICE OF UKRAINE / AFP)
Cette photo non datée et non localisée, publiée le 1er juin 2025 par le Service de sécurité d'Ukraine, montre des drones militaires ukrainiens. (HANDOUT / SECURITY SERVICE OF UKRAINE / AFP)

Du côté russe, le ministère de la Défense a reconnu sur Telegram que "plusieurs appareils aériens [avaien]t pris feu" sur quatre bases militaires, assurant néanmoins que les incendies avaient été maîtrisés et qu'aucune victime n'était à déplorer.

Ces frappes, inédites par leur ampleur et leur portée, ont suscité de vives réactions au sein de la blogosphère militaire russe. Fighterbomber, proche de l'armée de l'air, a qualifié, sur Telegram, cette journée de "jour noir pour l'aviation". Un média prorégime, Rybar, a de son côté évoqué la perte "irrécupérable" de plusieurs bombardiers Tu-95 et Tu-22, déjà utilisés par Moscou pour lancer des missiles longue portée contre des cibles en Ukraine. 

Des drones introduits en Sibérie dans des containers

Les drones ont été introduits clandestinement sur le territoire russe, certains positionnés "juste à côté des bureaux" du Service fédéral de sécurité (FSB) de la fédération de Russie, a confirmé le président ukrainien dimanche sur X. Des vidéos géolocalisées par le New York Times montrent des drones décollant depuis des camions à proximité immédiate des aérodromes visés, et des colonnes de fumée s'élevant peu après.

L'attaque a ainsi ciblé plusieurs bases aériennes. Parmi elles, le territoire de Mourmansk, dans l'Arctique russe, proche de la frontière avec la Finlande, a confirmé sur Telegram le gouverneur de la région, Andrey Chibis, et celle de Belaïa, en Sibérie orientale, soit respectivement à plus de 1 500 et 5 500 kilomètres de Kiev. A cela s'ajoute celle de Diaguilievo, dans la région de Riazan (sud-est de Moscou), et celle d'Ivanovo (nord-est de la capitale).

Des images satellite de l'aérodrome de Belaïa, publiées par l'analyste Chris Biggers sur X, montrent au moins trois bombardiers lourds Tu-95 détruits et plusieurs autres appareils potentiellement endommagés, dont des bombardiers supersoniques Tu-22M3.

 

Le gouverneur de la région d'Irkoutsk, Igor Kobzev, a également confirmé dimanche sur Telegram l'attaque d'une unité militaire dans sa région, ajoutant qu'il s'agissait de la première attaque de drone en Sibérie russe. Une information par la suite confirmée par le ministère de la Défense.

L'intrusion de drones ukrainiens à plusieurs milliers de kilomètres de la ligne de front, depuis le sol russe lui-même, marque une rupture nette avec les précédentes tactiques de frappe, jusque-là menées sur de courtes distances depuis le territoire ukrainien.

La sophistication de l'opération a surpris jusque dans les rangs occidentaux. Un haut responsable du Pentagone, interrogé par Associated Press, a déclaré que les Etats-Unis n'avaient pas été informés à l'avance et considéraient cette attaque comme "un niveau de sophistication jamais observé auparavant".

Une portée symbolique dans un contexte militaire difficile

La portée exacte de ces frappes sur les capacités militaires russes reste difficile à évaluer, mais leur charge symbolique est forte, alors qu'une nouvelle session de pourparlers est prévue lundi à Istanbul. "Une pression est vraiment nécessaire, une pression sur la Russie qui devrait la ramener à la réalité", avait déclaré le 25 mai le président ukrainien sur X. 

Sur le terrain, cette offensive intervient alors que l'armée ukrainienne subit les bombardements russes. Les défenses antiaériennes ukrainiennes, affaiblies, sont sous pression.

En représailles, Moscou a lancé dans la nuit de samedi à dimanche ce que Kiev qualifie de plus vaste attaque de drones depuis le début de la guerre. L'armée ukrainienne affirme avoir intercepté 385 des 472 drones, ainsi que sept missiles balistiques et de croisière. Mais une frappe sur un centre d'entraînement militaire a tué 12 soldats et en a blessé plus de 60 autres.