Réforme des retraites : en votant symboliquement pour son abrogation, l'Assemblée nationale risque de durcir les positions en fin de "conclave"

Certes ce vote du jeudi 5 juin, à l'Assemblée nationale, est un peu particulier, car il s'est organisé à l'occasion d'une niche parlementaire portée par la gauche pour abroger la réforme des retraites de 2023, qui porte l'âge de départ à la retraite à 64 ans. Mais la proposition a été validée très largement, par 198 députés contre 35 voixMême si cette résolution n'a aucune valeur contraignante, c'est la première fois que l'Assemblée nationale a pu s'exprimer par le vote sur la réforme des retraites - qui a été adoptée par 49.3.

Ce scrutin donne un signal : il renseigne sur la position des députés à propos de cette réforme et peut influencer le fameux "conclave" des partenaires sociaux, alors que cette négociation entre dans sa dernière ligne droite. Le gouvernement a laissé jusqu'au 17 juin aux syndicats et patronat pour tenter de trouver un compromis. Il leur reste donc une petite semaine à peine, avec trois séances prévues pour tenter de se mettre d'accord sur des aménagements à la réforme.

Un vote qui peut influencer dans un sens comme dans l'autre

Mais face à la pression des députés, le patronat va être tenté de durcir ses positions. François Bayrou a laissé entendre que s'il y avait accord des partenaires sociaux, il serait validé par le Parlement. Étant donné les résultats du vote, l'Assemblée nationale cherchera à apporter des amendements pour revenir sur l'âge légal de départ.

Or, c'est la grande peur du Medef depuis le début : que le conclave revienne justement sur l'âge de départ. Il ne voudra pas prendre le risque que les députés cherchent par tous les moyens à revenir sur les 64 ans. En face, au contraire, les syndicats qui sont restés dans le conclave - la CFDT, CFTC et CFE-CGC - veulent obtenir ce qu'ils appellent "un bougé" sur l'âge de départ. Ce vote fait donc office d'encouragement. Il peut donc limiter les chances d'un accord en amenant patronat et syndicats à camper sur leurs positions.

Coup de pression sur le gouvernement

Ce vote pressurise aussi un gouvernement qui cherche toujours 40 milliards d'euros d'économies supplémentaires pour 2026, dans un contexte budgétaire tendu, entre une croissance attendue faible et un chômage plutôt orienté à la hausse.

Ce scrutin ne va donc pas l'aider dans sa tentative de redresser les comptes du régime. On rappelle que, même en restant sur un âge de départ à 64 ans, la Cour des comptes estime qu'il manquera autour de 15 milliards d'euros d'ici 10 ans. Ce sera bien plus si on revient à 62 ans. On attend d'ailleurs, ces prochains jours, le nouveau rapport annuel du conseil d'orientation des retraites, qui devrait, sans surprise, confirmer ces besoins de financement.