Comment l’éditeur Fayard, passé sous pavillon Bolloré, a tenté d’imposer un assistant éditorial condamné pour pédocriminalité

La domination du groupe Hachette Livre, succursale de Lagardère, sur le secteur de l’édition a redoublé de dangerosité depuis que le magnat de la presse d’extrême droite Vincent Bolloré a mis la main dessus, en novembre 2023.

Entre cure d’austérité dans les comptes du géant de l’édition et virage idéologique imposé à coups de publications des livres des Jordan Bardella et consorts, le milliardaire breton a réussi à tordre la structure à sa guise, pour qu’elle devienne la projection de son projet politique.

Parmi les victimes de cette prise de contrôle, la maison d’édition Fayard. « Chaque semaine on se demande ce qui va nous tomber sur la tête », avoue Laura, une salariée interrogée par le journaliste Quentin Müller, dont l’enquête a été publiée vendredi 18 juillet par le média indépendant Blast.

Les salariés ont par exemple découvert que l’éditorialiste réactionnaire Sonia Mabrouk, qui possède son rond de serviette sur les plateaux de CNews, doit lancer une collection intitulée… « Pensée Libre ». La publication des trois premiers ouvrages est prévue pour l’automne prochain.

Évincé de l’École normale supérieure

« La semaine dernière, il y eut plus inquiétant encore, explique le journaliste indépendant. Certains salariés ont appris par un logiciel interne le recrutement d’Arthur P..» Ce dernier, âgé de 27 ans, s’est fait connaître des cercles parisiens après avoir postulé à l’Académie française à l’âge de 15 ans, mais aussi pour avoir été élu meilleur lycéen de France à 17 ans.

C’est ainsi que les salariés ont reçu, mardi 15 juillet, un mail de la direction leur demandant de réserver un « accueil chaleureux », à la nouvelle recrue, arrivée le jour même, qui « sera ravie de faire connaissance avec chacun d’entre vous ». Un point brumeux de son parcours a néanmoins interrogé plusieurs d’entre eux : son éviction de l’École normale supérieure (ENS).

« Un décret ministériel datant du 31 mai 2024 stipule en effet que l’élève fonctionnaire stagiaire a été exclu définitivement de l’établissement, rapporte ainsi Blast. Après enquête, il ressort que l’ENS est à l’origine d’une plainte contre Arthur P. suite aux signalements d’élèves. »

La nouvelle recrue de Fayard a ainsi été condamnée à six mois de prison avec sursis, à dix ans d’interdiction d’enseigner à des mineurs et à une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais), en première instance et en appel.

En cause : la diffusion d’images à caractère pédopornographique, annonce la décision de justice que Blast a pu consulter. « Le jeune homme s’est pourvu en cassation, rappelle le média indépendant. Il est donc, selon la loi et dans l’attente d’un jugement définitif, toujours présumé innocent. »

Gabriel Matzneff est devenu son « conseiller conjugal »

« Il faut dire que depuis plusieurs années, il vante sa proximité avec… Gabriel Matzneff, écrivain ayant longtemps défendu la pédophilie et ayant été lui-même accusé d’attouchements sur des enfants », révèle Quentin Müller. Arthur P. aurait ainsi expliqué, à l’occasion d’un entretien dont la page internet a récemment disparu, que l’écrivain est devenu son « conseiller conjugal » quelques années auparavant.

L’assistant éditorial aurait envoyé une lettre à Gabriel Matzneff à l’âge de 16 ans pour recevoir « des conseils sur (sa) vie amoureuse ». De plus, Arthur P. se trouverait au centre d’une seconde procédure pénale – toujours en cours – pour des faits de violence sexistes et sexuelles dénoncés par plusieurs femmes. Blast a pu s’entretenir avec plusieurs anciens élèves de la classe préparatoire d’Arthur P..

Margaux Catalayoud – qui a accepté de témoigner en son nom – raconte comment elle a découvert les obsessions sexuelles d’Arthur P., en 2020. Entendue une première fois par la police dans le cadre du procès, elle explique avoir fait la connaissance de deux amis « matzneviens » : Arthur P. et Emmanuel C. le 12 décembre de cette année, lorsque le premier l’appelle pour lui proposer de le rejoindre, lui et ses deux amis, Emmanuel C. et Anthony Normand, alias Soleil Hakansson. Ces derniers ont fondé la revue L’Interdite, dont le slogan est « Sulfureuse sous le manteau » et dont le premier numéro était consacré à Gabriel Matzneff.

« J’arrive donc chez Emmanuel, se rappelle-t-elle. Peu après, Arthur demande à Emmanuel de passer sur son projecteur une vidéo pédopornographique, les deux amis semblent la connaître par cœur en rejouant les injonctions obscènes assénées tout au long de la vidéo. » Margaux Catalayoud explique qu’elle se trouvait alors assise dans un canapé, avec Emmanuel C. à sa droite et Arthur P. à sa gauche.

« La vidéo viendrait du darknet. Il s’agit là d’un père qui filme sa fille – d’environ 10 ans, elle est absolument impubère et en surpoids – en caméra subjective, il lui demande d’écarter son sexe, ses fesses jusqu’à la pénétrer », ajoute-t-elle. Oreilles bouchées et le regard ailleurs, Margaux Catalayoud explique que les trois amis rigolaient et se moquaient de son « incapacité à regarder de pareilles images ».

C’est donc ce profil, au centre d’enquêtes judiciaires, qui devait être au centre d’un « accueil chaleureux » de ses nouveaux collègues. Arthur P., qui devait publier un premier roman en janvier 2026, a finalement été licencié en réaction aux révélations de Blast, a annoncé Quentin Müller sur son compte Instagram.

Cette affaire prend une autre ampleur quand on la replace dans un contexte plus global à propos du groupe Bolloré… premier défenseur de Jean-Marc Morandini, condamné pour corruption de mineurs.

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