Anxiété, idées suicidaires... : nouvelle alerte sur la dégradation de la santé mentale des jeunes
Dépression, idées suicidaires ou anxiété dès le plus jeune âge... Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge sonne l’alerte sur la dégradation de la santé mentale des enfants et des adolescents dans un avis adopté le 22 novembre. Un dernier rappel, à quelques semaines de l’année de la Grande cause nationale dédiée la santé mentale...
• Un jeune sur deux a déjà vécu un épisode dépressif
Les cris d’alarmes se sont multipliés ces dix dernières années sur le défaut de prise en charge des plus jeunes, émanant des pédopsychiatres comme d’instances publiques et d’associations. Et les chiffres inquiétants ne finissent pas de s’accumuler. Dernier en date, un sondage Ifop* réalisée auprès des 11 à 24 ans pour l’entreprise de coaching IAMSTRONG, révèle qu’un jeune sur deux (48%) a déjà vécu un épisode dépressif, dont un quart durant les 12 derniers mois.
• Augmentation des passages aux urgences
En septembre, une nette augmentation des passages des 11 – 17 ans aux urgences ou chez SOS Médecins pour lésions auto infligées, intoxication médicamenteuse et idées suicidaire (par rapport au même mois des années précédentes) était également signalée dans le dernier bulletin mensuel sur la santé mentale de Santé publique France.
• Eco anxiété et cyberharcèlement
Ces chiffres inquiétants sur la santé mentale des plus jeunes peuvent résulter de «la hausse du repérage des troubles et de la libération de la parole sur des violences qui engendrent des psychotraumatismes comme les violences sexuelles et le harcèlement» et de l’apparition de nouveaux troubles chez les plus jeunes «comme l’écoanxiété et le cyberharcèlement», analyse Emmanuelle Rémond, présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam).
Alors que l’attente peut durer un an ou plus pour obtenir un rendez-vous dans un Centre Médico-Psychologique pour Enfants et Adolescents, elle rappelle qu’un an c’est «une éternité pour un enfant». «II existe un effet ciseaux entre l’augmentation de la demande de soin de santé mentale chez les jeunes et une diminution de l’offre», pointe Emmanuelle Rémond.
• Les difficultés de recrutement de pédopsychiatres aggravent la situation
«Cela fait des années que nous sommes confrontés à une crise de la pédopsychiatrie et que nous alertons. Le manque d’argent n’est pas nouveau. Aujourd’hui, les difficultés de recrutement de soignants et de pédopsychiatres aggravent la situation. C’est devenu notre principal problème. Beaucoup de lits sont fermés par manque de soignants, décrit Isabelle Sabbah Lim, cheffe de service du GHU Paris psychiatrie et neurosciences pour les 10-15 ans à l’hôpital Sainte-Anne et de la structure d’accueil ATRAP. On ne peut pas se contenter de dire que les ados vont mal. Ils sont confrontés à un système de santé fragile, à une école en difficulté et à une société anxiogène».
• De plus en plus des jeunes se scarifient
Dans son service, cette psychiatre reçoit beaucoup d’adolescents avec des conduites suicidaires mais aussi «de plus en plus des jeunes qui se scarifient» pour «tenter de diminuer leurs tensions internes» et «de jeunes filles dans des conduites sexuelles à risque, voire de prostitution».
Tous les jours, médecins et internes se voient obligés de «trier» les enfants, faute de pouvoir tous les accueillir. «Ce matin par exemple, nous avons dû arbitrer entre sept demandes pour trois places disponibles. Prioriser, c’est devenu notre quotidien. Faute de place, nous priorisons les jeunes patients sans parents, qui n’ont personne pour les aider, et ceux qui ont le moins accès aux soins», raconte Isabelle Sabbah Lim.
• Explosion de la consommation de psychotropes par des enfants
Dans ce contexte, le Haut Conseil à la Famille s’inquiète à nouveau du risque de remplacer des prises en charge par de simples prescriptions de médicaments, «y compris faute de capacité à répondre et dans des délais raisonnables de la part d’un système de soins en grande difficulté».
En 2023, son rapport sur l’explosion de la consommation de psychotropes par les enfants et adolescents pointait une hausse de 62 % pour les antidépresseurs, 155 % pour les hypnotiques et sédatifs et 48 % pour les antipsychotiques dans cette population entre 2014 et 2021. Selon l’instance consultative, placée auprès du Premier ministre, la prescription de psychotropes toucherait désormais près 5% de la population pédiatrique.
«On peut interpréter ces chiffres de deux manières. Ils peuvent indiquer que les pathologies mentales sont mieux diagnostiquées chez les enfants et adolescents. L’autre hypothèse, c’est que faute de temps et de place pour les prendre en charge, on leur prescrit plus de médicaments», analyse Isabelle Sabbah Lim.
• «On rentre souvent dans un parcours de soins par l’urgence»
Les médecins généralistes, première porte d’entrée du soin, «réadressent peu les enfants vers des spécialistes», note la présidente de l’Unafam. «Il y a aussi des mauvaises prises en charge avec des jeunes à qui on prescrit directement des psychotropes sans suivi psychiatrique, ajoute-t-elle. Aujourd’hui, malheureusement, on rentre souvent dans un parcours de soins par l’urgence».
Comme cette jeune fille de 16 ans, prise en charge de manière inadaptée par un «coach» et qui s’est scarifiée de manière dramatique. «Elle a été hospitalisée en urgence. Faute d’adressage correct par un médecin généraliste, les parents se sont tournés vers quelqu’un qui n’était pas du tout adapté à la gravité de la situation», rapporte Emmanuelle Rémond.
Alors que les troubles psychiques apparaissent en grande majorité entre l’âge de 15 et de 25 ans, l’association soutient l’émergence de lieux dédiés à la prévention ciblée pour prendre en charge avec des soins immédiats des troubles en train d’émerger. Avant une hospitalisation dans des conditions dramatiques... «Cela permet d’éviter des prises en charge pour des comportements très graves comme des tentatives de suicide», plaide l’Unafam qui soutient, notamment, les actions et la plateforme de détection précoce du Réseau transition.