REPORTAGE. "On se sent impuissants" : les agents de la Cnav d'Île-de-France alertent sur la complexité accrue de leur mission

Surchauffe pour les agents de l'Assurance retraites d'Île-de-France. Sous-effectif, fatigue, stress... Depuis deux ans, les syndicats alertent sur les conditions de travail des agents franciliens de la Cnav, la branche retraite de la Sécurité sociale. Des agents d'autant plus préoccupés que le gouvernement a rouvert le chantier de la réforme, ce qui risque de changer à nouveau leurs outils. Les 400 agents de la Cnav d'Île-de-France sont appelés à faire grève, à partir de jeudi 23 janvier.

Assis derrière son ordinateur, cet agent regarde, consterné, la liste de tous les dossiers en cours. Parmi ces 200 dossiers à traiter, certains ont des dates de départs à la retraite qui remontent parfois à septembre, voire août dernier : "Cela fait déjà pratiquement six mois que la personne devrait toucher son droit. Et nous, on ne peut pas aller plus vite parce qu'on est au maximum de ce qu'on peut faire." Ces délais rallongés s’expliquent, d’après lui, par un sous-effectif et une complexité accrue des dossiers. Les carrières sont moins linéaires, plus souvent hachées et de nouvelles règles s'enchaînent, depuis quelques années : "À chaque fois qu'on ajoute un décret ou qu'on fait une réforme, les textes de loi changent et on doit, nous, ajuster ces textes au dossier de l'assuré. Et l'outil informatique n'est pas forcément paramétré pour."

"Un dossier qui se faisait peut-être en dix minutes il y a deux ans se fait maintenant en trois quarts d'heure."

Un agent de la Cnav

à franceinfo

À la surcharge de travail s'ajoute la charge psychologique. Avec ses collègues, il est en première ligne face aux nombreuses interrogations des futurs retraités, déboussolés : "On se sent impuissants. Beaucoup d'assurés essayent de nous joindre et on ne peut même pas forcément leur répondre et les rassurer. C'est humainement très compliqué."

"Les salariés de la Cnav répondront présents mais à quel prix ?"

Cet épuisement inquiète les syndicats. D'autant que la remise en chantier de la réforme des retraites risque d'aboutir à de nouvelles mesures et donc d'alourdir la charge de travail, alerte Alice Coulon, déléguée syndicale Unsa : "Les salariés de la Cnav répondront présents mais à quel prix ? La dernière réforme des retraites, on a dû tout faire à la hâte. Là, quand on voit qu'on revient possiblement sur cette réforme, nous, ça ne nous inquiète pas pour le savoir-faire parce qu'on l'a mais sur comment on va le faire, avec quels moyens." Les syndicats réclament des effectifs supplémentaires pour faire face à la hausse des missions.

Le directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse soutient que des embauches ont déjà été réalisées. Pour Renaud Villard, il faut laisser le temps aux nouveaux agents d'être formés : "Les effectifs, en 2024, ont augmenté de 80 personnes. Ensuite, on a une formation qui dure un peu plus d'un an. Mais une partie de cette formation est sur le terrain donc même quand on est en formation, on commence à traiter les dossiers."

Quant aux revendications salariales, la direction affirme qu'un accord de revalorisation des grilles a été signé mais ne peut pas être appliqué car il dépend du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, suspendu par la censure du gouvernement Barnier.

Les agents de la Cnav Île-de-France débordés : reportage de Laurine Benjebria