Manifestation à la Sorbonne : unis contre le « sabotage pédagogique » de l’université française

Devant le jardin du Luxembourg, mardi 11 mars, le cortège de la manifestation unitaire venu exiger « un autre budget pour l’enseignement supérieur et la recherche » marque une pause. Zakia tient une banderole plus grande qu’elle, indiquant que l’Upec (université Paris-Est Créteil) est « en lutte ». Elle précise qu’elle n’est « pas enseignant-chercheur. Je suis Esas : enseignante du secondaire affectée dans le supérieur ». Un de ces multiples statuts qui permettent aux universités d’aller puiser des enseignants dans d’autres viviers que, faute de postes, elles ne peuvent trouver du côté de la recherche.

« Le sentiment d’un sabotage pédagogique »

Comme les quelques milliers de manifestants autour d’elle, étudiants et enseignants mêlés, Zakia est inquiète : « L’Upec est passée en quelques années de 35 000 à 42 000 étudiants, mais notre dotation n’a pas augmenté. Nous sommes implantés dans un territoire populaire, avec trois fois plus de boursiers au taux maximum qu’ailleurs. Mais on ne peut pas proposer à nos étudiants le soutien dont ils auraient besoin pour réussir autant que les autres. On a le sentiment d’un véritable sabotage pédagogique à leur encontre. »

Elle dénonce « un cercle vicieux ». « Nous n’avons pas les moyens de mieux aider nos étudiants, donc nos taux de réussite sont moins bons. Et comme c’est un critère pour évaluer nos formations, elles se voient dépréciées par le Hcéres (Haut Conseil à l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, NDLR)… et cela devient un prétexte pour réduire encore nos moyens ».

Autre fac, mêmes soucis. Venue de la Sorbonne, où elle est inscrite en 1re année de licence droit et sciences politiques, Morgane redoute qu’« avec les coupes budgétaires, nous perdions l’accès gratuit à de nombreuses revues en ligne, bibliographies, manuels… dont nous avons besoin ».

Quand on a franchi victorieusement les herses de Parcoursup pour accéder à la prestigieuse Sorbonne, on ne s’attend pas à ça, ni au manque de salles, aux cours suivis assis par terre… « S’ils ne sont pas capables de mettre de l’argent ici, comment ce doit être ailleurs ? » s’interroge la jeune femme avec lucidité.

« 413 milliards pour l’armée, rien pour étudier »

Tandis que le cortège remonte le boulevard Saint-Michel, on aperçoit une rare écharpe tricolore : la députée Clémence Guetté (FI) dénonce « une politique antisociale qui met en cause l’accès à l’enseignement supérieur » et « des discours de guerre qui servent de justification à l’austérité ».

Tout près d’une pancarte qui dénonce justement « 413 milliards pour l’armée, rien pour étudier », Anne Roger, co-secrétaire générale du Snesup-FSU, pose l’enjeu : il s’agit de « sauver le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, le seul qui garantit l’égalité d’accès et de traitement sur tout le territoire et une recherche indépendante des lobbies ».

Christian, agent dans une bibliothèque universitaire (BU), clame son « ras-le-bol de devoir en faire toujours plus avec toujours moins », alors que 30 % à 40 % des personnels des bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, pédagogiques, sociaux et de santé (Biatss) sont déjà sous statut précaire. « À Angers, reprend-il, la BU a décidé de ne pas acheter de livres cette année, faute de moyens. Ailleurs, on arrête des services essentiels aux étudiants, comme le prêt d’ordinateurs. »

Antoine, lui, est en licence de sciences pour un monde durable à l’université Paris sciences et lettres – un cursus, précise-t-il, qui mêle « sciences sociales et expérimentales ». Il dresse un parallèle entre les attaques contre la science aux États-Unis et la « pente glissante » de l’université française : « Quand on coupe le financement de la recherche, on finit par fermer des formations », avant d’ajouter : « On dit qu’il n’y a plus de moyens, mais ce sont des choix qui sont faits. »

Une intersyndicale étudiante pour la première fois depuis des années

On n’en est pas encore à un mouvement massif, ce 11 mars, mais « on est plus nombreux à chaque fois », note Anne Roger. Fait significatif : pour la première fois depuis de (trop) nombreuses années, une intersyndicale étudiante, regroupant Unef, Union étudiante, Fédération syndicale étudiante et Solidaires étudiants, tenait une conférence de presse juste avant la manifestation.

Une nécessité « face à la situation dramatique des étudiants », soulignait Manon Moret, de l’Unef, et « pour faire front contre le danger fasciste » complétait Claire Vigneau, secrétaire générale de la FSE. « Riposter de manière unitaire est essentiel, ajoutait Éloïse Lefebvre-Milon, de l’Union étudiante. Nous devons construire un nouveau mouvement social. » La sauvegarde de l’université française ne mérite pas moins.

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