Garder le cap ou riposter ? Face aux droits de douane de Donald Trump, l'Union européenne confrontée à un choix crucial

Garder la tête froide. C'est ainsi qu'on peut résumer la stratégie et la position de l'Union européenne (UE) face aux menaces de Donald Trump concernant les droits de douane. Réunis en Conseil des affaires étrangères, lundi 14 juillet, les ministres du Commerce des 27 Etats membres devront réfléchir à la meilleure réponse à apporter au président américain, qui a annoncé des droits de douane de 30% pour l'UE à partir du 1er août.

Cette annonce est la dernier épisode d'un long feuilleton qui épuise les Européens. Le 2 avril, Donald Trump avait d'abord annoncé la mise en place de "droits de douane réciproques" comprenant un tarif plancher de 10%, ainsi que des surtaxes ciblées pour de nombreux pays – 24% pour l'UE. Pour laisser le temps à la négociation, et face à la réaction affolée des marchés financiers, le plan avait été mis en pause quelques jours plus tard. Nouvelle volte-face de la Maison Blanche et nouveau report, lundi 7 juillet, lorsque Donald Trump a décidé de repousser l'échéance au 1er août, alors que les nouveaux tarifs douaniers devaient entrer en vigueur le 9 juillet.

L'annonce de l'imposition de 30% de droits de douane supplémentaires apparaît désormais comme un camouflet pour l'UE, qui gère pour ses Etats membres les questions liées au commerce, alors que ses représentants négocient avec les Etats-Unis depuis plusieurs mois. Début juillet, Maros Sefcovic, le commissaire européen au Commerce, s'est même rendu à Washington avec l'objectif de finaliser un "deal". Sans succès. Selon les informations recueillies par France Télévisions auprès de sources diplomatiques, les discussions menées jusqu'ici se faisaient sur la base de droits de douane américains de 10%, avec plusieurs exceptions. Un taux similaire à celui obtenu par le Royaume-Uni début mai.

"L'UE a toujours donné la priorité à une solution négociée"

Face aux menaces du président américain, les Européens veulent toujours croire qu'un accord est possible. "L'UE a toujours donné la priorité à une solution négociée avec les Etats-Unis", a ainsi réagi samedi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans un communiqué(Nouvelle fenêtre) sa  au ton froid et factuel, bien loin des envolées épistolaires de Donald Trump. Le lendemain, la cheffe de l'exécutif européen a annoncé que l'UE allait prolonger la suspension des contre-mesures aux droits de douane américains sur l'acier et l'aluminium, qui devait expirer dans la nuit de lundi à mardi.

Une façon de montrer patte blanche à Washington. Car l'impact de nouveaux tarifs douaniers serait délétère pour l'UE, dont l'économie n'est pas au mieux. En 2024, l'Union européenne a ainsi exporté pour 532,3 milliards d'euros de biens et pour 334,5 milliards d'euros de service vers les Etats-Unis. Dans le sens inverse, les importations américaines représentaient 334,8 milliards d'euros pour les biens et 482,5 milliards d'euros pour les services, selon les chiffres du Conseil européen.

Confrontée aux revirements du locataire de la Maison Blanche, l'UE préfère pour l'instant garder le cap. "Elle n'est pas pressée et préfère ne pas réagir de façon impulsive, pour laisser les Américains se prendre les pieds dans le tapis de leur propre incohérence", analysait cette semaine pour franceinfo Sébastien Jean, professeur d'économie au Conservatoire national des arts et métiers et directeur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Des appels à "se défendre sans naïveté"

Cet attentisme ne signifie pas pour autant que les institutions européennes n'ont aucune carte en main. "Nous continuerons de préparer des contre-mesures afin d'être pleinement prêts", a ainsi précisé Ursula von der Leyen dimanche. La Commission a déjà préparé des droits de douane sur des produits américains pour une valeur d'environ 21 milliards d'euros, en réponse aux droits de douane de 25% imposés sur les importations d'acier et d'aluminium plus tôt cette année.

D'autres taxes supplémentaires, en discussion, pourraient être imposées aux Américains. Mais l'UE, toujours attachée au multilatéralisme, au libre-échange et au droit international, reste particulièrement frileuse sur le sujet. De quoi irriter certains, dont la France, qui l'appellent à plus de fermeté. "La Commission européenne doit avancer dans l'élaboration des contre-mesures pour agir en cas d'absence d'accord mutuellement acceptable", a lancé samedi Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe, sur X, invitant les Européens à se "défendre sans naïveté". Quelques heures plus tard, c'est Emmanuel Macron qui appelait la Commission à "défendre résolument les intérêts européens", en l'invitant à "accélérer la préparation de contre-mesures crédibles".

D'autres Etats, comme l'Italie, souhaitent encore discuter avec l'administration Trump pour obtenir un accord, quitte à faire des concessions. Le gouvernement allemand, pourtant longtemps sur cette ligne, semble disposé à changer d'avis. Des mesures "décisives" seront nécessaires si les négociations n'aboutissent pas à un accord "juste", a déclaré dimanche le ministre des Finances allemand, dans le journal Sueddeutsche Zeitung. "Notre main reste tendue, mais nous n'accepterons pas n'importe quoi", a-t-il poursuivi. "Même si des représailles peuvent être économiquement absurdes, d'un point de vue stratégique et de crédibilité, je ne vois pas comment les éviter", estimait également sur X Rupert Schlegelmilch, professeur au Collège de l'Europe et ancien directeur du commerce à la Commission européenne.