«Le monde est fait d’herbivores et de carnivores» : d’où vient cette expression employée par Macron au sujet de l’Europe ?

«Le monde est fait d’herbivores et de carnivores.» Ce jeudi 7 novembre, le président de la République Emmanuel Macron s’est rendu à Budapest, en Hongrie, lors du sommet de la Communauté politique européenne. À cette occasion, au lendemain de la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, Emmanuel Macron a souligné sa volonté d’affirmer la puissance du Vieux continent en convoquant la métaphore des «herbivores et carnivores géopolitiques». «Si on décide de rester des herbivores, les carnivores gagneront», a indiqué le président français. Avant de poursuivre : «Je pense que ce serait pas mal de choisir d’être des omnivores.» Mais d’où vient cette image, et que signifie-t-elle ? 

En France, cette métaphore animale est régulièrement citée depuis 2020 par l’ancien ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Hubert Védrine. «Nous sommes des herbivores géopolitiques, dans un monde de carnivores géopolitiques. Bientôt nous serrons des végans et nous allons finir comme des proies», avait-il déclaré en janvier 2020 lors du compte rendu de la chaire des grands enjeux stratégiques contemporains de l’université parisienne Panthéon Sorbonne. Quelques mois plus tard, en 2021, face à des élèves de classe préparatoire du prestigieux lycée versaillais Sainte-Geneviève, il avait réitéré son propos, précisant que les herbivores, ce sont «nous, Européens». Par la suite, dans les médias, il a réutilisé la formulation à plusieurs reprises.

Une citation empruntée à un ministre allemand

Mais Hubert Védrine n’a jamais caché qu’il n’était pas à l’origine de cette expression. Invité sur Sud Radio en février 2022, il confiait reprendre une «formule d’un grand ministre allemand», en citant l’ancien ministre fédéral des Affaires étrangères et désormais président fédéral Frank-Walter Steinmeier, sans certitude. «Je ne suis pas sûr du ministre mais je suis sûr que c’est un ministre allemand», a-t-il précisé. En réalité, l’expression des «herbivores et carnivores géopolitiques» aurait d’abord été employée en 2018 par le social-démocrate allemand, Sigmar Gabriel

Par cette image, Emmanuel Macron critique la position de l’Europe face à nos voisins américains et chinois. Plutôt que de rester «sous la coupe» des États-Unis, notamment en matière de défense, l’Europe devrait affirmer sa puissance, d’autant plus au lendemain de la réélection de Donald Trump qui envisage une guerre commerciale à travers le monde. Ce qui donne, dans la bouche du président français : «Je n’ai pas envie de laisser l’Europe comme un formidable théâtre habité par des herbivores que des carnivores, selon leur agenda, viendront dévorer.»

Pour lui, l’Europe ne doit pas avoir peur des mots et ses dirigeants doivent tous «prendre conscience» qu’il s’agit d’«une puissance géopolitique sans égal». «Simplement, nous ne nous assumons pas jusqu’alors comme une puissance pleinement indépendante. On pense qu’il faut déléguer notre géopolitique  aux États-Unis d’Amérique, qu’il faut déléguer notre modèle de croissance à nos clients chinois, qu’il faut déléguer notre innovation technologique aux “hyperscalers” américains. Ce n’est pas la meilleure idée», a conclu le président.