«Mariage rouge», «opération Narnia» : comment Israël a préparé en secret ses stupéfiantes attaques contre l’Iran

Les attaques israéliennes contre l’Iran visant à tuer des dirigeants militaires clés et à entraver le programme nucléaire du pays ont été préparées pendant des décennies, révèle le Wall Street Journal (WSJ) . Et pourtant. Le succès et la rapidité de ces opérations auraient même pris par surprise ses planificateurs. «Il était très difficile de savoir que cela fonctionnerait», a déclaré au quotidien américain le général de division Oded Basiuk, chef de la direction des opérations militaires israéliennes. Rembobinons. En novembre 2024, l’armée israélienne réunit 120 responsables du renseignement et de l’armée de l’air pour décider qui et quoi serait dans leur ligne de mire, lorsque des combats contre l’Iran commenceraient.

En fin de compte, la réunion dresse une liste de plus de 250 cibles, y compris les scientifiques que les Israéliens voulaient tuer, des sites nucléaires, des lanceurs de missiles iraniens et des responsables militaires. Le 13 juin, Israël lance une attaque directe contre l’Iran, affirmant que Téhéran «s’approchait du point de non-retour» dans le développement d’une arme nucléaire. Une opération, surnommée «Mariage rouge» d’après le tristement célèbre massacre de Game of Thrones  qui a tué plusieurs des héros de la série de manière brutale, élimine les plus hauts commandants militaires iraniens dans les heures qui suivent.

Des Iraniens se recueillent devant le cercueil drapé du drapeau d’un soldat iranien tué lors d’une frappe israélienne, lors d’une procession funéraire à Téhéran le 26 juin 2025. AFP

Stupéfaction au Moyen-Orient et dans le monde entier. Une autre opération clé de cette attaque initiale, considérée comme si fantastique qu’elle a été appelée «Opération Narnia» d’après la série fictive de C.S. Lewis, réussit à tuer neuf scientifiques nucléaires iraniens presque simultanément à leur domicile à Téhéran. De quoi définitivement marquer les esprits sur la puissance de renseignements que possède l’État hébreu. Et elle ne date pas d’hier. 18 responsables de la sécurité israéliens et américains, actuels et anciens, se sont entretenus avec le Wall Street Journal.

Entraînement aérien et chute du régime syrien

Ils expliquent que l’origine de ces opérations remonte au milieu des années 1990, lorsque les services de renseignement israéliens ont commencé à mettre en place un vaste réseau d’agents à l’intérieur de l’Iran pour faciliter une campagne de sabotage, qui comprenait deux explosions sur l’un des principaux sites d’enrichissement du pays et l’assassinat de scientifiques. Les agents du Mossad passaient des mois à utiliser des valises, des conteneurs d’expédition et des camions pour faire passer en contrebande des pièces pour des centaines de drones équipés d’explosifs. Sauf que les cibles d’Israël se trouvent à plus de 1600 kilomètres de chez eux. Les pilotes doivent ainsi apprendre à voler en formations de 6 à 10 avions autour d’un seul avion-citerne, en se relayant pour se ravitailler en carburant plusieurs fois pendant le voyage.

Ils doivent également apprendre à positionner parfaitement leurs avions de sorte que leurs missiles, une fois largués, atterrissent entre 15 à 20 secondes d’intervalle pour une efficacité maximale, indique le WSJ. Cet entraînement a débuté en 2008, lors de l’opération «Glorious Spartan», où plus de 100 avions de chasse israéliens ont parcouru plus de 1600 kilomètres jusqu’en Grèce pour s’entraîner. Alors que le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a été à plusieurs reprises ces dernières années empêché de lancer une attaque aérienne contre l’Iran, le récent renversement du régime syrien a libéré l’espace aérien pour Israël, rapporte toujours le Wall Street Journal.

Double ruse

Benyamin Netanyahou et ses conseillers militaires ont pris la décision finale le 9 juin d’attaquer quatre jours plus tard, selon un responsable de la sécurité israélienne. Ils savaient qu’ils devaient dissimuler leurs plans pour s’assurer que les Iraniens ne prennent pas de mesures de précaution, telles que la dispersion de leurs scientifiques et de leurs chefs militaires. Alors, le bureau du premier ministre israélien a annoncé qu’il prendrait congé pour un week-end férié, suivi du mariage de son fils aîné, Avner, le lundi 16 juin. Sauf qu’aucun des participants, y compris Avner ou l’épouse de Benyamin Netanyahou, Sarah, ne savait qu’il prévoyait de retarder le mariage, a déclaré plus tard le premier ministre.

Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à Jérusalem, le 21 mai 2025. Ronen ZVULUN / AFP

Dans une autre ruse, les responsables israéliens ont également divulgué aux médias des informations suggérant que Netanyahou et le président américain Donald Trump étaient divisés sur la question de savoir s’ils lanceraient une attaque. En réalité, alors que Trump écrivait sur Truth Social «Nous restons engagés en faveur d’une résolution diplomatique de la question du nucléaire iranien !», des avions israéliens se préparaient à décoller. Au cours des 12 jours de guerre, au moins 1190 Iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes, selon une ONG de défense des droits de l’homme basée à Washington, et 4475 autres personnes ont été blessées. L’Iran a riposté après ces attaques en lançant une série de missiles sur Israël, ciblant notamment les villes de Beer-Sheva et Tel Aviv. Ces tirs ont fait 28 morts et plus de 3 000 blessés, selon le Times of Israel .