REPORTAGE. Tour de France 2025 : jour de fête nationale sur le mont Ventoux, pour la première victoire française de cette édition

Même lui n’y croyait plus. D’habitude si prompt à s’enflammer pour les coureurs français, le mont Ventoux était bien calme, mardi 22 juillet, dans les heures précédant le passage de la 16e étape du Tour de France. Le calme avant la tempête, évidemment. Et on ne parle pas ici de vent, car la tempête n’allait pas venir du ciel, mais du bitume, avec un maillot bleu, blanc et rouge pour réveiller soudainement les milliers de fans partis à l’assaut du géant de Provence. Comme toute tempête, elle avait un nom : Valentin Paret-Peintre.

Il fallait bien la première victoire d’étape française de ce 112e Tour de France pour enflammer le mont chauve. Sous un soleil de plomb, adoucit par les brises, le public attendait surtout Tadej Pogacar. "C’est lui qui va passer ici en premier, même si on aimerait que ce soit Primoz Roglic. Pogacar est un grand champion, mais Roglic on l’aime peut-être encore plus", assurait ainsi Roman, venu de Slovénie exprès pour cette étape : "On a installé notre tente samedi dans le Ventoux, depuis on a fait les trois ascensions. Mais aujourd’hui on l’a fait à pied, c’est plus simple pour la glacière."

Des fans de Tadej Pogacar dans le mont Ventoux avant la 16e étape du Tour de France, le 22 juillet 2025. (ADRIEN HEMARD DOHAIN / franceinfo: sport)
Des fans de Tadej Pogacar dans le mont Ventoux avant la 16e étape du Tour de France, le 22 juillet 2025. (ADRIEN HEMARD DOHAIN / franceinfo: sport)

Le Chalet fêtard

Dans les pentes du géant de Provence, les drapeaux slovènes et inscriptions à la gloire de Tadej Pogacar étaient presque aussi nombreux que les maillots de l’Olympique de Marseille. "Le Ventoux, c’est le Sud ! On va mettre une ambiance du Sud !", promettait ainsi Fabrice, tricot de l’OM sur le dos. Avec ses amis, le Phocéen avait choisi de s’installer au milieu d’un virage peint aux couleurs du Danemark. "Tu supportes quel club de foot ?", lançait-il, dans un anglais bancal, à un Danois. “L‘Olympique du Marseille”, répondait ce dernier, dans un français tout aussi bancal. "Ok, tu peux rester !".

Le verbe haut des Provençaux faisait patienter le public, et siffler les oreilles des forces de l’ordre. "Oh chef, mets-leur une prune là, ils roulent trop vite !", alpaguait ainsi un autre. Mais les gendarmes étaient plus préoccupés par les attroupements dans les virages qui suivaient le chalet Reynard, à mi-ascension. Là où les arbres s’effacent peu à peu pour laisser place aux paysages lunaires qui ont fait la légende du Ventoux, la communauté Rodar Cycling avait donné rendez-vous pour "essayer de mettre un peu l’ambiance dans l’étape au plus au sud de la France."

L'antenne du mont Ventoux au loin, avant le passage de la 16e étape du Tour de France, le 22 juillet 2025. (ADRIEN HEMARD DOHAIN / franceinfo: sport)
L'antenne du mont Ventoux au loin, avant le passage de la 16e étape du Tour de France, le 22 juillet 2025. (ADRIEN HEMARD DOHAIN / franceinfo: sport)

Evidemment, ils ont réussi : Marseillaise, Gloria Gaynor ainsi que la moitié du répertoire de Joe Dassin à l’appui. Quitte à faire paniquer les gendarmes en déclenchant une immense Pena Baiona en plein milieu des lacets du Ventoux. "On a des gens du Canada, d’Espagne, d’Italie, de Chine… On essaye de faire une belle fête, sans gêner la course évidemment. On fait ça en bonne intelligence, on encourage tous les coureurs. Avec quelques bières et quelques Ricard malgré tout", résumait ainsi Rodolphe, de Rodar Cycling, à l’origine du rassemblement.

Comme souvent au Ventoux, c’est au chalet Reynard que se concentrait la fête. Depuis quatre jours, les deux parkings mis à disposition pour les campeurs avaient fait le plein. L’ascension était dès lors interdite en voiture. Autrement dit : des centaines de personnes attendaient le passage du peloton depuis plusieurs jours. Ce qui leur a laissé le temps de réfléchir, visiblement, puisqu’on a assisté à des courses de dinosaures gonflables, tandis que des apprentis coiffeurs proposaient une coupe mulet gratuite, tout en faisant rugir une tronçonneuse (sans la lame, évidemment). Entre autres.

Un sommet qui se mérite

Pour retrouver le bruit des cigales, il fallait prendre de la hauteur. Etant fermé à la circulation depuis plusieurs jours, le sommet du Ventoux se mérite. Conséquence : plus on approche de la mythique antenne, plus les silhouettes du public se rapprochent de celle des cyclistes. "On a calé quatre jours de vacances pour vivre cette étape en vélo, et profiter un peu du Sud. On a pris l’orage en arrivant, donc on a attendu ce matin pour monter à vélo", témoignent ainsi Ronan et Marie, venus de Strasbourg pour l’occasion.

Marie et Ronan ont monté le mont Ventoux à vélo avant la 16e étape du Tour de France, le 22 juillet 2025. (ADRIEN HEMARD DOHAIN / franceinfo: sport)
Marie et Ronan ont monté le mont Ventoux à vélo avant la 16e étape du Tour de France, le 22 juillet 2025. (ADRIEN HEMARD DOHAIN / franceinfo: sport)

"C’est la troisième fois que je monte le Ventoux. J’ai fait une première ascension hier soir. J’ai dormi au sommet dans mon hamac mais il faisait un peu frais avec le vent, raconte de son côté Bastien, 21 ans, venu d’Aix-en-Provence. Donc je suis redescendu pour poser la musette et le hamac dans la voiture. Et je suis remonté ce matin, mais il y avait des milliers de personnes, c’était fou. Bizarrement, il y a moins de monde au sommet". Voyageuse à vélo partie de Suisse, Laura avait elle choisit un endroit bien précis pour vivre l’étape du jour : la stèle en hommage à Tom Simpson, coureur britannique décédé dans les pentes du Ventoux lors du Tour de France 1967. 

"C’est comme un modèle pour moi, par rapport à son amour, à sa passion extrême pour le vélo. C’est très émouvant d’être ici aujourd’hui, pour le passage du Tour", reconnaissait la jeune Suissesse. Un peu plus haut, à 500 mètres du sommet, Nans et ses amis avaient "laissé les jambes choisir l’emplacement", après avoir grimpé à pied, eux qui ont préféré venir dans le Ventoux plutôt que de voir le Tour passer, le même jour, dans leur ville d’Uzès.

A l’ombre des barrières, certains optaient pour une sieste méritée, après l’effort. D’autres se divertissaient en voyant les costumes inattendus du jour : mention spécial à Mario, Luigi, et leur ami pingouin maillot à pois. Après le passage de la caravane, alors que certains débattaient sur le dopage dans le peloton, d’autres cherchaient des informations sur la course. "Il parait qu’Alaphilippe est premier", s’enthousiasmaient plus d’un. Mais c’est finalement un autre Français qui a fait rugir la foule du Ventoux, en la personne de Valentin Paret-Peintre.

Après avoir déposé Ben Healy sur la ligne finale, le premier Tricolore à lever les bras sur le Tour de France 2025 pouvait savourer : "Une victoire sur le Tour, c’est extraordinaire mais au mont Ventoux, c’est encore quelque chose de différent... J’ai vraiment eu du mal dans les 100 derniers mètres pour le doubler. Je me suis dit : 'non tu ne peux pas lâcher, c’est incroyable, tu dois le faire'". Et Valentin Paret-Peintre l’a fait, rendant la fête encore un peu plus belle.