La future chirurgienne générale des États-Unis, nommée par Trump, a tué son propre père lors d’un accident d’arme à feu
L’administration de Donald Trump est décidément atypique. La future chirurgienne générale des États-Unis nommée par Donald Trump et qui doit encore être validée à son poste par le Sénat n’est pas un ponte de la science médicale ou des politiques de santé publique, comme il est de coutume de l’être au poste d’«administrateur de la santé publique des États-Unis» aussi surnommé «médecin de la nation». Simple médecin urgentiste, devenue célèbre pour ses contributions à la chaîne conservatrice Fox News dès 2019, la Dr Janette Nesheiwat a aussi une autre particularité, qu’a révélée le New York Times le 6 décembre : à l’âge de 13 ans, elle a tué son propre père lors d’un accident d’arme à feu.
Un traumatisme qui a en partie déclenché en elle la vocation de médecin. C’était en février 1990, dans la ville d’Umatilla en Floride : à la recherche de ciseaux, l’adolescente se rend dans la chambre où dort son père. En saisissant dans l’obscurité une boîte de matériel de pêche, «quelque chose est tombé et il y a eu un grand bruit. J’ai vu du sang sur l’oreille de mon père», a-t-elle alors expliqué aux policiers. À ses pieds, l’objet de l’accident mortel : un pistolet de calibre .380, déchargé. Une balle a atteint Ben Nesheiwat à la tête ; il mourra le lendemain à l’hôpital. Sur le moment, sa fille a bien tenté de le sauver avant d’appeler le 911, mais il était trop tard. «Sauver des vies, pensait-elle, l’aiderait à surmonter la douleur et le sentiment d’impuissance qu’elle ressentait à la suite de la mort de son père», écrit le quotidien américain.
Porte-parole de la santé publique
«Quand j’avais 13 ans, j’ai regardé, impuissante, mon cher père mourir dans un accident, tandis que le sang giclait de partout. Je n’ai pas pu lui sauver la vie.» Dès la première phrase de ses mémoires Beyond the Stethoscope : Miracles in Medicine, qui paraîtront mi-décembre, elle évoque la mort accidentelle de son père et le traumatisme subi qui l’orientera vers la médecine. Mais aucun détail, tout au long de 260 pages, ne laisse supposer l’horrible drame et le rôle indirect qu’elle a joué. Sauf que le New York Times, qui a retrouvé la piste d’un vieil article de la presse locale datant du 25 février 1990, est parvenu à mettre la main sur le rapport de police de l’époque.
Quel impact ce traumatisme familial aura-t-il sur la future chirurgienne générale, alors que le débat sur les armes à feu fait rage depuis des années aux États-Unis, sur fond de fusillades et d’accidents (500 morts par an pour ces derniers, seulement 1% des décès par armes à feu, rappelle le New York Times) réguliers ? Donald Trump, à l’image de son camp républicain, est un ardent défenseur du 2e amendement de la Constitution, qui garantit le droit au port d’arme, et s’oppose à toute réglementation.
«Comme elle le dit dans son livre, elle est devenue médecin à cause de la mort tragique et accidentelle de son père. Elle est devenue médecin pour sauver des vies, et c’est ce dévouement pour la vie de ses compatriotes américains qui a poussé le président Trump à nommer le Dr Nesheiwat au poste de chirurgien général. Elle et sa famille regrettent leur père et espèrent qu’il est fier d’eux», a simplement expliqué Brian Hughes, le porte-parole de l’équipe de transition de Donald Trump dans un communiqué. L’actuel administrateur de la santé publique des États-Unis, le Dr Vivek H. Murthy, qui appartient à l’actuelle administration démocrate, considère les décès par arme à feu comme une crise de santé publique urgente et a publié en juillet un avis sur la «violence par arme à feu».
Aux États-Unis, le chirurgien général (qui a étonnamment grade de vice-amiral ou d’amiral selon les cas) est directement sous la responsabilité du secrétaire adjoint à la Santé (l’équivalent du ministre de la Santé). «Il a peut-être un contrôle limité sur la politique de santé, mais il est chargé de communiquer des informations clé sur la santé au public», précise le New York Times.
«Don de Dieu»
La Dr Janette Nesheiwat dépendra donc directement du controversé Robert Francis Kennedy Jr., nommé à ce poste ministériel par Donald Trump, et en sera de facto la principale porte-parole. La quadragénaire, qui a fait l’essentiel de sa carrière dans une chaîne de clinique privée comme médecin urgentiste, loin des grands centres de recherches ou institutions prestigieuses du monde de la santé, a néanmoins tenu des positions moins radicales sur le Covid-19 que l’ex-démocrate et descendant du président assassiné, accusé de répandre diverses théories du complot.
Au début de l’épidémie, elle défendait les vaccins contre le Covid-19 - un «don de dieu», disait-elle en 2021 - et le port du masque, conseillant même d’en porter deux. Elle affirme d’ailleurs avoir soigné elle-même 20.000 patients atteints de cette forme de coronavirus. Fin 2022, elle évolue dans son analyse. « Nous devons arrêter de semer la peur. Nous ne sommes plus dans une situation d’urgence liée au Covid», explique-t-elle. Et c’est alors que Donald Trump la remarque. «Docteure Janette, je suis un de vos grands fans», salue-t-il, évoquant une «fervente défenseure et une excellente communicatrice de la médecine préventive et de la santé publique», « l’une des cinq enfants élevés par une mère immigrée veuve».