À Taïwan, la "Terreur blanche" continue de diviser la société

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Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’île de Taïwan, occupée depuis cinquante ans par le Japon, est confiée à la Chine, alors gouvernée par le Parti nationaliste chinois, le Kuomintang, de Tchang Kaï-Chek. Mais les troupes chinoises qui débarquent font face, en 1947, à des émeutes de la population locale, dont les conditions de vie se dégradent. La répression tourne au massacre. Commence alors la "Terreur Blanche", qui dure quarante ans.

La main de fer se crispe encore à partir de 1949, lorsque le Kuomintang est chassé de Chine par les communistes et que Tchang Kaï-Chek se replie à Taïwan, où il établit la République de Chine, dont il devient président à vie. Il déclare la loi martiale. Sous cette dictature, les droits politiques des Taïwanais sont supprimés et plusieurs milliers d’entre eux, accusés d’être des opposants politiques, sont exécutés. Des dizaines de milliers d’autres sont emprisonnés.

Il faut attendre 1987 pour que la loi martiale soit levée et que Taïwan entame sa marche vers la démocratie. L'île se réveille doucement d'un cauchemar douloureux et réalise les exactions commises pendant toutes ces années. Comment juger les responsables de la "Terreur Blanche" ? Comment réhabiliter les victimes ?

La première alternance politique précipite les débats. Mais c'est surtout l'actuelle présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen - qui a tenu tête à Pékin durant ses deux mandats à la tête du pays -, qui prend le sujet à bras le corps. Lors de son discours de début de mandat en 2016, elle promet : "Pour que notre démocratie progresse, nous devons d’abord trouver un moyen d’affronter ensemble le passé. Je créerai une Commission Vérité et Réconciliation au sein du Bureau présidentiel, pour aborder le passé historique de la manière la plus sincère et la plus prudente (...) À partir de maintenant, l'Histoire ne divisera plus Taïwan".

FocusFace au discours chinois, les Taïwanais redécouvrent leur histoire

Difficultés

En 2018, une Commission de justice transitionnelle est donc créée. Pendant quatre ans, elle œuvre à la réconciliation de la société : la grande majorité des symboles de l'autoritarisme sont retirés, des milliers d'archives politiques sont collectées, déclassifiées, analysées, des équipes travaillent à la recherche d’anciens prisonniers politiques pour les réhabiliter et les dédommager, des centres thérapeutiques sont ouverts pour les victimes et leurs proches…

Mais la mise en œuvre de la justice transitionnelle est complexe : le Kuomintang a continué de gouverner Taïwan pendant des années, après la levée de la loi martiale. Il est aujourd’hui encore l’un des principaux partis politiques de l'île. Les dissensions politiques et idéologiques avec son parti rival, le Parti démocrate progressiste, rendent difficile la recherche d'un consensus sur la manière de traiter le passé, notamment sur l’identification des responsables de la "Terreur Blanche". Le Kuomintang promeut d’ailleurs une version de l'Histoire qui minimise les abus de cette période de répression politique : pour le parti, elle était essentielle pour se prévenir d’une invasion communiste.

Par ailleurs, beaucoup d’archives ont disparu, notamment avec la dissolution de la police secrète. Et la dictature reste un tabou dans de nombreuses de familles taïwanaises… Aujourd'hui encore, la "Terreur blanche" reste la bataille mémorielle qui divise la société taïwanaise.

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