Reconnaissance par la France de l'État de Palestine : la Cisjordanie toujours grignotée par les colons israéliens
Sur les collines verdoyantes de Cisjordanie, des drapeaux d'Israël flottent ostensiblement dans les 140 colonies installées. Depuis les attaques du 7 octobre 2023, le rythme des constructions s'accélère, et le gouvernement vient d'annoncer 22 nouvelles implantations. Certaines existent déjà mais n'étaient pas encore reconnues, comme celle d'Havot Yair. Les habitants pourront désormais profiter du réseau d'eau, d'électricité et de fonds israéliens.
Sarah Ziberberg s'y est installée il y a cinq ans, en face d'un village arabe dont on entend le muezzin. "Ça ne me dérange pas de l'entendre. Je prie de mon côté et ils peuvent prier aussi de leur côté", dit-elle. Pour cette jeune maman de trois enfants, comme pour sa voisine, venir habiter sur ces terres disputées semblait une évidence. "Quand je regarde autour de moi, je vois beaucoup de souvenirs et d'héritages du judaïsme. Ici, il y avait un village juif, là aussi, et je sens que je suis revenue là où mes aïeux habitaient avant que les musulmans ne s'installent", raconte-t-elle.
Des colonies illégales selon la Cour de justice internationale
Les constructions sont portées par des promoteurs immobiliers militants, qui vantent leur réalisation pour y attirer toujours davantage de familles. "À l'origine, quatre familles sont venues ici. Tout autour, c'était vide. Et maintenant, il y a 150 familles", se réjouit Sarah. Mais selon la Cour de justice internationale, ces colonies sont illégales et les accrochages sont fréquents. Il y a quelques jours encore, des colons radicaux ont mis le feu à des habitations arabes près de Ramallah.
Sefi Geldsoar le déplore, même si le jeune père de sept enfants revendique un choix politique, quand il a planté son drapeau à Nofei Prat, une autre colonie en passe d'être légalisée. Il défend ardemment le projet des 22 nouvelles colonies, même s'il manque d'ambition à son goût. "J'espère qu'il y aura des centaines et des milliers de colonies. Parce que je veux pouvoir donner une maison à chacun de mes enfants, que la maison soit la leur. Car cet endroit doit être le lieu où les juifs se sentent chez eux et qu'ils puissent se sentir eux-mêmes", argue-t-il.
France Télévisions propose à Sefi d'aller confronter son point de vue aux Bédouins installés à 5 kilomètres de là, et qui pourraient être délogés pour construire l'une des nouvelles colonies. "L'État leur construira un bon quartier plus loin. Là-bas", dit-elle.
Dialogue de sourds entre colons juifs et Palestiniens
Le colon juif et l'éleveur arabe ne s'étaient jamais rencontrés. Sous la tente traditionnelle, malgré le thé de bienvenue, le ton monte rapidement. "Toi et moi, on est des êtres humains. Comment tu peux dire que c'est à toi ? Mon frère, ce n'est pas à toi. Ces terres sont à nous. (...) Il peut construire des maisons, il peut amener du béton, faire des immeubles, de belles fenêtres et tout. Et moi, je n'ai pas le droit", avance Ibrahim Abu Dahouk, un Bédouin installé à Nofei Prat. Le dialogue de sourds est interrompu par l'appel à la prière, au coucher du soleil. Un moment suspendu qui réunirait presque les deux hommes, l'un tourné vers la Mecque, l'autre vers Jérusalem.
"L'objectif du gouvernement israélien est de doubler le nombre de colons en Cisjordanie pour passer de 500 000 à 1 million. Cette colonisation débridée risque de tendre un peu plus les relations entre Israël et une grande partie de la communauté internationale", explique Valéry Lerouge, envoyé spécial en Cisjordanie.