Droits de douane : quand Donald Trump impose ses surtaxes pour des raisons plus politiques qu'économiques
L'affaire n'est pas strictement commerciale. Depuis son retour au pouvoir fin janvier, le président américain Donald Trump a annoncé de grands changements concernant les droits de douane de son pays. Une surtaxe de 10% pour tous, puis des droits beaucoup plus élevés sur l'acier, l'aluminium, l'automobile… Jusqu'à menacer plusieurs pays d'un régime beaucoup plus sévère, provoquant des négociations en pagaille et des accords en série, avec le Royaume-Uni, le Japon et l'Union européenne notamment.
Mais le locataire de la Maison-Blanche semble aussi utiliser l'argument du commerce pour faire pression sur d'autres dirigeants dans d'autres dossiers. Dernier exemple en date : un message moqueur envoyé au Canada, jeudi 31 juillet, dans lequel il émet ses doutes la possibilité de conclure un accord commercial tant qu'Ottawa envisage de reconnaître la Palestine comme Etat. Une méthode qui vise également le Brésil et l'Inde, mais pour des raisons bien différentes...
Bras de fer avec le Canada concernant le conflit israélo-palestinien
En pleine tempête diplomatique avec le Canada, qu'il se verrait bien annexer et qu'il menace de lourds droits de douane, Donald Trump n'a pas apprécié la prise de position de son voisin du nord sur la question palestinienne. "Wow ! Le Canada vient d'annoncer qu'il soutient un Etat palestinien. Cela va devenir très difficile pour nous de conclure un accord commercial avec eux", a-t-il donc réagi jeudi sur son réseau Truth Social, après que le Premier ministre canadien, Mark Carney, a fait savoir que son pays reconnaîtrait officiellement la Palestine en septembre. "Oh, Canada !", a conclu Donald Trump dans son message, singeant l'hymne national du pays à la feuille d'érable.
La décision de Mark Carney n'a plu ni au gouvernement israélien, ni à la Maison Blanche, qui jette à nouveau le doute sur un règlement de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et le Canada. Dans un courrier en date du 10 juillet, Donald Trump posait un ultimatum au gouvernement canadien, menaçant de rehausser les droits de douane généraux à 35% à partir du 1er août, comme l'a rapporté Radio-Canada. "Ces droits de douane peuvent être modifiés, à la hausse ou à la baisse, en fonction de notre relation avec votre pays", glissait alors le président américain, qui a depuis prévenu qu'il ne ferait d'exception pour personne concernant son ultimatum.
Des pressions pour que l'Inde s'éloigne de la Russie
Une "taxe Russie". C'est ce que Donald Trump entend faire payer à l'Inde, qui continue d'acheter du pétrole à Moscou malgré les sanctions prises en lien avec la guerre en Ukraine. Le président américain avait déjà l'immense pays d'Asie dans son viseur, déplorant ses "droits de douane (…) parmi les plus élevés au monde" ainsi qu'"un énorme déficit commercial" pour les Etats-Unis. Des raisons suffisantes, selon lui, pour frapper les produits indiens d'une surtaxe de 25% à leur arrivée sur le sol américain, et ce, à partir du 1er août. Mais ce dossier a aussi pris une tournure politique.
Comme il l'a déclaré mercredi, toujours sur Truth Social, Donald Trump veut désormais pénaliser New Delhi pour ses liens avec Moscou. Le président américain accuse les Indiens d'avoir "acheté une majorité de leurs équipements militaires à la Russie", mais aussi d'être "les principaux clients de pétrole russe, avec la Chine, alors que tout le monde souhaite que la Russie arrête les massacres en Ukraine." Le montant de cette pénalité et ses modalités restent "non spécifiées".
Interrogé à la Maison Blanche après sa déclaration, Donald Trump a également justifié cette amende en citant l'implication de l'Inde dans le groupe des Brics (un acronyme pour les alliances entre les économies émergentes comme le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine), qu'il juge "hostile" aux États-Unis, a rapporté l'agence Reuters.
Un levier pour défendre l'ex-président Bolsonaro au Brésil
Dans une lettre adressée le 9 juillet à son homologue brésilien, Lula da Silva, Donald Trump a par ailleurs menacé d'imposer 50% de droits de douane additionnels sur les produits brésiliens en représailles aux poursuites lancées contre l'ex-président Jair Bolsonaro. "La manière dont le Brésil a traité l'ancien président Bolsonaro (…) est une honte internationale", écrivait-il alors, dénonçant une supposée "chasse aux sorcières [qui] doit cesser immédiatement". L'ancien président d'extrême droite, souvent décrit comme le "Trump brésilien", est jugé pour une tentative de coup d'Etat après sa défaite lors de l'élection présidentielle en 2022.
Trois semaines plus tard, Donald Trump a mis ses menaces à exécution. Il a signé mercredi un décret ordonnant l'instauration de 40 points supplémentaires de droits de douane sur les produits brésiliens, ce qui porte la surtaxe à 50%, a annoncé la Maison Blanche. Le département américain du Trésor a par ailleurs déployé, mercredi, une série de sanctions visant le juge de la Cour suprême brésilienne Alexandre de Moraes, chargé du procès contre Jair Bolsonaro.
Si le Brésil souhaite encore "trouver une solution" concernant les échanges commerciaux, les mesures contre le juge de Moraes ont provoqué un tollé au sein du pays. "L'application arbitraire et injustifiable par les Etats-Unis de sanctions économiques (...) contre un membre de la magistrature nationale représente une attaque grave et inacceptable contre la souveraineté de notre pays", a écrit sur la plateforme X(Nouvelle fenêtre) Jorge Messias, procureur général du Brésil.