À bord de la Flottille pour Gaza, tempête et persévérance

« Sumud » en arabe peut se traduire par « persévérance inébranlable ». C’est le nom que s’est donné, en hommage à la résilience dont fait preuve, depuis des décennies, le peuple palestinien, la flottille partie de Barcelone, ce 31 août. La Global Sumud Flotilla porte bien son nom. Rien ne semble pouvoir arrêter ses participants, ni les menaces du gouvernement israélien, ni les déboires rencontrés en mer.

Après une dernière journée de préparatifs, la flottille a pris le large, lundi 1er septembre en fin d’après-midi. Trois jours plus tard, la plupart des navires et leurs équipages sont au mouillage à proximité de l’île de Majorque. Certaines embarcations ont, cependant, dû opérer un demi-tour. C’est le cas du Bianca, à bord duquel l’Humanité a embarqué.

Un parlementaire polonais, un influenceur malaisien, une infirmière française…

La première nuit de navigation, certes mouvementée en raison d’un vent de force 5 sur l’échelle de Beaufort, s’est pourtant bien passée. Les moins amarinés des sept membres d’équipage ont bien dû faire avec le mal de mer. C’est le cas de Franck, un parlementaire polonais, d’Harees, un jeune influenceur malaisien, et de Malika, une infirmière niçoise membre des Blouses blanches pour Gaza. Mais jusque-là, rien d’anormal.

Cette nuit-là, Ismaël, un quarantenaire venu de Perpignan, Mohamed, le coordinateur de la délégation allemande, Alexandro, un militant italien enfermé deux ans au début des années 2000, pour une supposée participation à une action des Brigades rouges pour laquelle il fut finalement innocenté, et le chef de bord se relaient sur le pont.

« Personnellement je n’ai rien contre le peuple israélien, confie Ismaël. Aucune population n’est mauvaise en soi. En cassant ce blocus, je souhaite également casser l’endoctrinement dont ces peuples sont, cependant, souvent victimes. » Alexandro acquiesce : « Je suis communiste. Pour moi, tous les êtres humains sont les mêmes. » Et la nuit passe, dans une ambiance fraternelle.

Avaries en cascade

Cependant, quelques heures après le lever du soleil, sur une mer plus calme mais encore formée, une odeur de gasoil commence à se faire sentir. Le réservoir s’est entièrement vidé dans la cale. Le moteur est en panne sèche. Un incident fâcheux mais pas alarmant.

Tandis qu’Alexandro, second du capitaine, cherche un moyen de réparer, le chef de bord tente de suivre le reste de la flottille à la seule force de la voile. Mais en mer un problème n’arrive jamais seul. Moins d’un quart d’heure plus tard, la barre du bateau ne répond plus.

Les autres navires en sont immédiatement informés et le Syrius, le plus grand des voiliers de la flottille, se rapproche du Bianca pour aider à d’éventuelles réparations ou embarquer les passagers à son bord. Toutefois, un transbordement s’avère trop dangereux. Le capitaine du Bianca prend alors, à contrecœur, la décision d’appeler les secours pour faire remorquer le voilier et son équipage jusqu’à Barcelone.

À leur arrivée, deux autres bateaux de la flottille sont amarrés là. Ils ont, eux aussi, fait demi-tour en raison d’avaries. Et repartiront dès le lendemain. Pas le Bianca. Qu’à cela ne tienne, l’ensemble de l’équipage est déterminé à poursuivre la mission.

Alexandro contacte les navires qui partiront, d’ici à une semaine, des côtes siciliennes. Harees, lui, doit remonter sur un des bateaux qui repartent. Sa situation administrative, selon les lois espagnoles sur l’immigration, ne lui permet pas de quitter le port par un autre moyen. Les cinq autres s’envoleront finalement pour Tunis en vue d’embarquer sur un des navires qui rejoindront la flottille en fin de semaine. Déçus, mais leur détermination intacte.

Une mobilisation mondiale

Cette persévérance est même renforcée par l’ampleur de la mobilisation mondiale en soutien à la flottille. Les déclarations des dockers génois, menaçant de « bloquer l’Europe » s’ils devaient perdre contact plus de vingt minutes avec la flottille, l’annonce de l’ONG italienne Emergency d’affréter un navire de sauvetage en mer pour accompagner la flotte solidaire ou encore les importantes manifestations ayant eu lieu dans plusieurs villes du monde sont, pour l’équipage du Bianca, autant d’encouragements à poursuivre leur action.

Ne manque finalement pour les acteurs de cette flottille solidaire inédite que l’engagement des États dont ils sont ressortissants. C’est d’ailleurs ce que pointent les familles françaises des personnes embarquées. « Nous allons bientôt publier une lettre publique à l’attention du gouvernement français exigeant qu’il s’engage à protéger nos conjoints, nos frères, nos sœurs, nos enfants montés à bord des navires, explique l’épouse d’un des participants. Nous les soutenons avec détermination mais aussi avec inquiétude. L’État français doit fermement indiquer qu’il empêchera les autorités israéliennes de leur faire du mal. » Ce dernier a dorénavant rendez-vous avec l’histoire.

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