Pourquoi la rencontre avec un membre d’un peuple non contacté en Amazonie brésilienne pose problème

La scène a eu lieu le mercredi 12 février en fin de journée dans le secteur de Mamoria Grande, du côté du Rio Purus, au sud de l’État d’Amazonas (Brésil). Un jeune autochtone vêtu d’un pagne, visiblement perdu et portant deux bûches de bois sous ses bras, tombe nez à nez avec ce qui semble être des riverains, qui lui montrent comment allumer du feu avec un briquet, le tout en le filmant. L’extrait fait depuis le tour du monde. D’aucuns s’en sont extasiés, mais cette interaction avec le membre d’un peuple isolé n’a rien de réjouissant.

Peu après ce contact éphémère, des professionnels de santé dépêchés par la Fondation nationale des peuples indigènes (Funai) – ici le mot indigène est tiré du portugais brésilien « indígenas », mais son utilisation en français est à proscrire du fait de sa connotation péjorative, liée à la colonisation – sont allés à la rencontre de l’individu, afin de s’assurer qu’il n’avait pas été exposé à des pathologies contre lesquelles lui et son peuple ne sont pas immunisés.

Seulement vingt-quatre heures après le premier contact, il a finalement été raccompagné auprès des siens, sans certitudes réelles sur son état de santé. « Ce sont des communautés extrêmement vulnérables, rappelle Lila Akal, chargée de relations publiques de Survival France. Paludisme, infections respiratoires telles que le rhume ou la grippe… Des peuples ont déjà été rayés de la carte suite à un simple contact. » L’ONG de citer l’exemple funeste de la tribu, récemment contactée des Ayoreo-Totobiegosode du Paraguay, décimée par une épidémie de tuberculose.

Accaparement du foncier

À Mamoria Grande, la Funai, autorité du gouvernement brésilien en charge des affaires autochtones, est consciente de la présence de peuples isolés depuis des décennies, bien que leur existence n’ait été officiellement reconnue qu’en 2022 et qu’une ordonnance temporaire de protection des terres n’ait été édictée qu’en décembre 2024. Un timing « aberrant », pour Lila Akal, face aux logiques de prédation à l’œuvre dans l’Amazonas, entre colons, missionnaires et agro-industrie.

Selon le gouvernement brésilien, cette mesure d’urgence interdit l’entrée, la traversée et l’installation de personnes non affiliées à la Funai sur ladite zone. Est également prohibée l’exploration de toute ressource naturelle existante. Malgré cette décision tardive, la communauté isolée ne bénéficie toujours pas d’un processus de démarcation officielle de son territoire, qui s’inscrit dans son droit à l’autodétermination.

S’agissant de ceux qui ont abordé l’autochtone, ces personnes se sont implantées le long du Rio Purus pour exploiter des ressources, notamment la noix du Brésil, et se seraient approchées « beaucoup trop près des terres autochtones ». Survival fait ainsi état d’une « forme de colonisation » dans la région. Ceci expliquerait la hausse des cas de confrontations inopinées ces dernières années, menant parfois à des violences.

Mamoria Grande fait partie de l’arc de la déforestation, l’une des zones les plus dévastées d’Amazonie, où règne l’accaparement du foncier. Présent sur place la semaine dernière, le procureur Daniel Luis Dalberto, rattaché au ministère public fédéral, a révélé à l’agence d’investigation brésilienne Publica que « le risque de génocide ou d’extermination, même involontaire, est très élevé ».

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