Von der Leyen sera-t-elle bientôt reconduite à la tête de la Commission européenne ?

Ursula von der Leyen est en passe d’obtenir un second mandat à la tête de la Commission européenne. Sa désignation n’a pas encore été officiellement actée par les Vingt-Sept, réunis à Bruxelles ce lundi 17 juin dans une réunion informelle. Mais elle pourrait être annoncée à l’issue du sommet du 27 et 28 juin prochain. Le processus de nomination du président de la Commission européenne a parfois été critiqué pour son manque de lisibilité, voire son déficit de légitimité démocratique. En réalité, les modalités de cette désignation ont évolué ces dernières années et obéissent à des règles complexes et souvent méconnues.

Les institutions de l’UE dans leur ensemble, Commission comprise, suscitent d’ailleurs régulièrement l’incompréhension du grand public qui peut les juger trop éloignées ou «technocratiques». À la tête du principal organe de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen a pourtant joué un rôle de tout premier plan dans les politiques menées ces cinq dernières années à Bruxelles. De l’achat des vaccins anti-Covid au plan de relance européen post-épidémie, en passant par le Pacte Vert ou le Pacte migrations et asile, rien ne s’est fait sans l’ancienne ministre allemande de la Défense. La question de son éventuelle reconduction est donc hautement stratégique.

La présidence de la Commission européenne est attribuée par les Vingt-Sept tous les cinq ans à l’issue des élections européennes en tenant compte des résultats du scrutin. Depuis la mise en place du système des «Spitzenkandidaten» («Meilleurs candidats»), les partis politiques européens désignent leur candidat à la présidence de la Commission avant les élections. Le Conseil européen désigne ensuite le candidat du parti vainqueur. Ce système a été introduit lors des européennes de 2014 pour répondre aux critiques en renforçant la légitimité démocratique de cette nomination, mais n’est pas non plus exempt de controverses.

Le PPE grand gagnant des européennes

Le 9 juin dernier, c’est le Parti populaire européen (PPE - droite libérale et conservatrice) auquel appartient Ursula von der Leyen qui s’est imposé sans conteste comme le grand gagnant des élections. Avec 189 sièges, il est en position de force dans la «Grande coalition» qu’il forme avec les socialistes (S&D) et les centristes pour voter la plupart des textes européens. Ces derniers n’ont en effet obtenu respectivement que 136 et 81 sièges.

Mais tout n’est pas si simple à Bruxelles. Pour être reconduite, Ursula von der Leyen doit être désignée par les Vingt-Sept à la majorité qualifiée renforcée. Dans le jargon technocratique de l'UE, cela signifie que la proposition doit emporter l’adhésion de 72% des États membres, soit 20 sur 27, représentant au moins 65% de la population de l'Union européenne. Or le PPE est aussi majoritaire au Conseil européen, mais ne dispose pas d'une majorité qualifiée renforcée, la plupart des grands pays n'étant pas dirigés par la droite. Par exemple, ni Emmanuel Macron en France, ni Olaf Scholz en Allemagne, ni Pedro Sánchez en Espagne n'appartiennent à la mouvance PPE, alors même que leur voix pèse particulièrement au Conseil, eu égard à la taille de leur pays.

Pour autant, la désignation d’Ursula von der Leyen devrait n’être qu’une question de temps. Aucun autre nom ne semble en effet susceptible de réunir tous les suffrages nécessaires. D’abord, parce que Macron, Scholz comme Sánchez ne sont pas en position de force dans les négociations, les partis correspondant à leur sensibilité politique ayant été désavoués lors du scrutin du 9 juin. Le président français a ainsi abandonné l’idée de proposer l'ancien président italien de la Banque centrale européenne Mario Draghi, qu'il avait un temps défendu contre Ursula von der Leyen. Une alternative qui semblait quoi qu’il en soit compromise, puisqu'elle aurait nécessité que Draghi soit désigné par la première ministre italienne Giorgia Meloni comme commissaire pour l'Italie.

Surtout, la crise politique déclenchée en France par la dissolution surprise d’Emmanuel Macron plaide en faveur d’un choix de stabilité. Si le Rassemblement national entrait à Matignon à l’issue des législatives anticipées du 30 juin et 8 juillet prochains, nul doute que les secousses induites pour la vie politique française seraient ressenties jusqu’à Bruxelles.

Meloni faiseuse de reine

Cependant, quand Ursula von der Leyen serait effectivement reconduite fin juin, elle n’aurait franchi que la première étape. Depuis 2009 et le Traité de Lisbonne, le choix des Vingt-Sept doit désormais être validé par le nouveau Parlement européen, qui auditionne le candidat et organise un vote à la majorité absolue. Ursula von der Leyen devra donc recueillir la majorité absolue des voix (361 sur 720) des nouveaux députés européens qui voteront le 18 juillet à bulletin secret.

C’est sans doute devant les eurodéputés, davantage qu’au Conseil européen, que réside la véritable incertitude pour la démocrate-chrétienne allemande. En 2019, Ursula von der Leyen avait eu besoin de l’appui du PiS polonais qui siégeait au sein du groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) pour être élue... avec seulement 9 voix de majorité ! Alors même que la coalition tripartite censée la soutenir entre PPE, S&D et Renew comptait sur le papier 417 eurodéputés, soit près de 60 de plus que la majorité absolue. Dans le nouveau Parlement, cette «Grande coalition» ne rassemble plus que 408 élus...

Pour éviter une déperdition de voix fatale dans son propre camp, Ursula von der Leyen devrait se tourner vers Giorgia Meloni et les députés Fratelli d'Italia qui siègent chez ECR et dont les suffrages pourraient s’avérer décisifs. Suffrages que Meloni pourrait négocier, en échange d’un commissaire doté d’un portefeuille important à la Commission européenne.

Que se passerait-il si Ursula von der Leyen n’était pas adoubée par la nouvelle Assemblée de Strasbourg ? Dans ce cas de figure, les traités européens donnent un délai d’un mois au Conseil pour désigner un nouveau candidat, dont la nomination devrait là encore être validée par le Parlement. Mais les eurodéputés voudront-ils superposer à la probable crise française qui suivra les législatives anticipées, une crise européenne ? Réponse le 18 juillet.