« Charlie, envers et contre tout » : la rédaction de Charlie Hebdo filmée au quotidien
En 2006, Jérôme Lambert et Philippe Picard ont filmé la préparation du fameux numéro de la publication des caricatures de Mahomet. Ils en ont tiré un film, Charlie 712, histoire d’une couverture. Ce sont ces images, neuf ans avant l’attentat du 7 janvier 2015, qui ouvrent ce nouveau documentaire, sur la reconstruction du journal satirique. Cabu, son improbable coupe au bol et sa chemise bariolée, Tignous, derrière ses grosses lunettes, le regard grave de Philippe Honoré ouvrent donc ce film, qui ne se concentre pas sur l’évolution du journal, mais sur les conditions de sa reconstruction.
« La France est le seul pays où il peut y avoir Charlie Hebdo. Je n’en vois pas d’autre », s’exclame Wolinski. À cette scène, qui serre le cœur, dix ans après l’attentat de la rue Nicolas-Appert succède celle où l’on découvre la rédaction actuelle, filmée depuis septembre 2024, avec un procédé particulier : les réalisateurs ont posé, pendant plusieurs mois, des micros dans la rédaction hypersécurisée, et le dessinateur Juin les illustre. Puis Jérôme Lambert et Philippe Picard ont réuni dans une salle les membres de la rédaction, qu’ils ont interrogés tour à tour.
« Je sais pourquoi je suis Charlie »
Ce film raconte une reconstruction, la façon dont l’attentat « est devenu un événement historique », dit Riss. Les terroristes ont tué « toute une génération » de figures tutélaires, souligne le directeur de la publication, blessé lors de l’attentat. « Du jour au lendemain, je suis devenu un vieux. Les anciens ont disparu. Il a fallu transmettre, sans perdre de temps, aux jeunes qui arrivent, ce qu’était Charlie Hebdo », souligne-t-il.
En se noyant dans le travail, comme le note la dessinatrice Coco, mais aussi en ayant la conscience que « Charlie est fait pour avoir des ennemis, c’est un cadre de résistance », remarque le journaliste scientifique du journal, Antonio Fischetti. En n’étant pas dupes, non plus, sur toutes les instrumentalisations du journal. Comme la fameuse une de Cabu sur « Mahomet débordé par les intégristes », dont Gérard Biard, journaliste qui collabore à Charlie, affirme : « Cette une, pour ne pas la comprendre, il ne faut pas vouloir la comprendre. »
Ce sont surtout les jeunes qui racontent leur Charlie actuel : Biche, Juin, Yovan Simovic parlent de leur rapport à l’actualité, au dessin de presse, à ces grands noms. Très jeune et alors en alternance, ce dernier a été très ébranlé par le procès de Peter Cherif, qu’il a suivi pour le compte du journal, et la vision des images de vidéosurveillance du jour de l’attentat. Jusqu’alors, « le combat de Charlie Hebdo était très intellectualisé chez moi. Je sais pourquoi je suis Charlie, pour un certain nombre de valeurs. Je savais aussi ce qu’il s’était passé. Mais le fait de la voir très concrètement, ça m’a pris au bide et le combat est différent ».
Du procès de Mazan aux soubresauts de la dissolution de l’Assemblée nationale, d’un sondage sur Charlie à la nomination du gouvernement de Bayrou, le documentaire suit une rédaction vivante, blessée, dont on peut ne pas partager les combats, mais qui se tient encore debout. Et ce n’était pas gagné. Les terroristes ont perdu.
Charlie, envers et contre tout, France 2, 0 h10, mercredi 8 janvier
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