Reprise du dialogue, efforts pour les soins palliatifs... Que prévoit exactement Michel Barnier pour la fin de vie ?

Après plusieurs mois de concertation entre les associations, le Parlement et le gouvernement, puis une Convention citoyenne, le sujet de la fin de vie avait été mis de côté en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier. Les députés n'avaient pas pu achever l'examen du projet de loi en première lecture, qui avait été présenté le 10 avril au Conseil des ministres. Un vote solennel était prévu le 18 juin. Ce mardi 1er octobre, le premier ministre Michel Barnier a affirmé lors de son discours de politique générale vouloir «reprendre le dialogue» début 2025 pour accompagner les personnes en fin de vie, avec les députés, les sénateurs, les soignants et les associations, «en début d'année prochaine sur le projet de loi dont l'examen a été interrompu». Il a également promis que, «sans attendre», les «efforts en faveur du développement des soins palliatifs seront renforcés dès 2025»

Au lendemain du discours, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui porte la proposition de loi jugée recevable par l’Assemblée le 23 septembre dernier avec le député apparenté MoDem Olivier Falorni et 200 autres députés, s’est toutefois dite «déçue», réclamant une reprise au plus vite de l’examen du texte par les députés. «Il ne s'agit pas de rouvrir un dialogue au début de l'année 2025, nous devons reprendre l'examen du texte là où nous l'avons interrompu», a-t-elle déclaré, proposant d’inscrire le texte à l’agenda de l’Assemblée la semaine du 2 décembre. Un avis partagé par Olivier Falorni, qui était rapporteur de la commission spéciale pour l’examen du projet de loi. «S’il s’agit de reprendre le dialogue, cela fait des années qu’il a eu lieu», explique-t-il au Figaro.

«Reprendre le travail où il a été interrompu»

Ce jeudi soir, sur le plateau de France 2 dans l’émission «L’événement», le premier ministre est revenu sur la question. Il a précisé être favorable à «reprendre le travail au moment où il a été interrompu», «pour gagner du temps». S’il a indiqué ne pas être «forcément d’accord avec tous les amendements», Michel Barnier a affirmé avoir adhéré au projet de loi dès le début du débat. Début juin, dans le texte qui était discuté à l’Assemblée, les députés avaient modifié les conditions à remplir par le malade demandant l'aide à mourir. Ce dernier devrait être atteint «d'une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale». Ils avaient supprimé la possibilité pour un proche du malade ou une personne tierce volontaire d'administrer la substance létale.

Pour Michel Barnier, la reprise du travail doit se faire «sérieusement, avec gravité, peut-être en écoutant aussi les soignants [...], les accompagnants», a-t-il ajouté. «Le Sénat doit aussi participer à ce travail.» De quoi faire réagir Olivier Falorni. «Tous les acteurs ont été auditionnés, aujourd'hui le temps n'est plus à la concertation à l'infini. Je souhaite que la proposition de loi puisse être étudiée avant la fin de l'année. Surtout si l'on doit relancer un dialogue avant de reprendre le débat», estime-t-il. Pour Agnès Firmin-Le Bodo, ancienne ministre de la Santé, qui a présidé la commission spéciale pour l'examen du projet de loi au printemps dernier, ces précisions supplémentaires apportées par le premier ministre sont positives. «Tout le monde sait que le travail a été fait pendant 18 mois. La question maintenant est de savoir dans quel délai et qui va reprendre le sujet : l’Assemblée nationale, le Sénat, ou autre ?», précise la députée Horizons.

L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), principale association pro-euthanasie en France demande à directement reprendre le travail à l’Assemblée nationale, comme c’était le cas début juin. «Les députés doivent continuer. Tout est prêt, il ne reste qu’à finir ce qui a été commencé. On veut des actes», considère Jonathan Denis, président de l’ADMD. À l’inverse, Alliance Vita, association pro-vie, pense qu’il n’y a «aucune urgence à rallumer ce débat dangereux». «Le contexte politique a changé», souligne Jonathan Denis. Pour lui, «la priorité, c'est l'accès aux soins [palliatifs] pour tous».

Urgence soins palliatifs

Au sujet des soins palliatifs, évoqués dans le deuxième volet du projet de loi sur la fin de vie, là aussi politiques, professionnels et associations réclament que les choses avancent plus vite. «Les malades n’ont pas le temps», lance Agnès Firmin-Le Bodo. «Il faut débloquer l’argent maintenant», abonde le président de l’ADMD. L'essentiel des mesures avait été répertorié dans une stratégie décennale, présentée au Conseil des ministres le même jour que le projet de loi. Plusieurs pistes étaient en réflexion, telles que faire valoir les droits des patients, ouvrir une unité de soins palliatifs dans chaque département et développer les maisons d’accompagnement, mobiliser les aidants ou encore faire évoluer la recherche et la formation. 

Pour y parvenir, la stratégie décennale projette de passer de 1,6 milliard d’euros investis dans les soins palliatifs à 2,7 milliards d’ici dix ans. «J’ai bon espoir que le premier ministre reprenne, en plus du projet de loi sur la fin de vie, cette stratégie décennale. Ce serait une vraie révolution», partage Giovanna Marsico, directrice du centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. Certains espèrent alors que des moyens financiers supplémentaires seront alloués ces prochaines semaines. «Outre la dimension législative, il y a aussi une question d’ordre budgétaire avec la stratégie décennale», note Olivier Falorni. Mi-octobre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale devrait être présenté. Avec à la clé, peut-être une bonne nouvelle pour le développement des soins palliatifs.