Portugal : percée de l’extrême droite, chute du PS et une majorité de droite en quête d’une solution pour gouverner

Malgré la victoire sans appel du gouvernement sortant – la coalition de droite Alliance démocratique (AD) -, le Parlement portugais reste figé dans l’instabilité. Le premier ministre portugais, Luís Montenegro, a beau avoir remporté les législatives anticipées du dimanche 18 mai, comme il y a un an, il n’a pas obtenu une majorité suffisante pour garantir le champ libre à son camp politique. Avec l’obtention de 32,1 % des suffrages, AD récupère 89 sièges sur 230. Soit un total en dessous des 116 élus nécessaires pour revendiquer la majorité absolue.

Ces nouvelles élections législatives resteront donc le synonyme d’une percée historique de l’extrême droite au sein du champ politique portugais. Le mouvement Chega (« Assez »), porté par son chef de file populiste et révisionniste André Ventura, s’est emparé de 22,6 % des suffrages, lui permettant de talonner le Parti socialiste (PS) et ses 23,4 % en termes de pourcentage. Les deux formations politiques terminent ainsi avec le même nombre de députés : 58. Les quatre mandats des circonscriptions de l’étranger ne seront, eux, attribués que dans les prochains jours.

Des soupçons de conflit d’intérêts

« Le peuple souhaite ce gouvernement. Le peuple souhaite ce premier ministre », s’est félicité Luís Montenegro dans la foulée de la victoire de son parti, dimanche soir, en promettant que son prochain exécutif sera « à la hauteur de la confiance renforcée qu’il a reçue des électeurs ». Cet avocat de 52 ans, qui a toujours refusé de gouverner avec le soutien de Chega, a été contraint de démissionner en mars sur fond de soupçons de conflit d’intérêts concernant les activités de sa société de conseil.

S’il a remporté le pari de s’en remettre au verdict des urnes pour assurer sa survie politique, ses gains sont insuffisants pour modifier de façon décisive le rapport de force à l’Assemblée. Trois voies possibles apparaissent pour Luís Montenegro : parier sur accord parlementaire avec le PS, qui soutiendrait des réformes au cas par cas, briser la promesse du « non, c’est non » et s’allier à Chega dans un gouvernement teinté de l’extrême droite, subir de nouvelles élections anticipées suite à un rejet de l’opposition dans son ensemble.

En attendant, « Chega est le grand vainqueur de la soirée », alerte la politologue Marina Costa Lobo, directrice de l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lisbonne (ICS) auprès de l’Agence France-Presse. Même constat amer pour l’hebdomadaire portugais Visao qui estime qu’il est « très clair que Chega devient la deuxième force politique » du pays. En cause : un rejet du projet socialiste, alors que le parti mené par Pedro Nuno Santos a subi une hémorragie sans précédent, avec une perte de 365 507 voix – soit une vingtaine de sièges.

Pedro Nuno Santos a, en réaction, annoncé sa démission dès dimanche soir en demandant des « élections internes » auxquelles il ne se présentera pas. « Luís Montenegro n’est pas idoine à exercer les fonctions de premier ministre, et les élections n’ont pas changé cette réalité », a-t-il toutefois réaffirmé. Ce dernier a aussi intimé aux membres du PS de rejeter un accord avec la majorité et d’endosser le rôle de principale force d’opposition.

Le président de Chega, André Ventura, a quant à lui assuré que « rien ne (serait) plus comme avant ». S’il rappelle que son mouvement n’a pas gagné ces élections, il estime vivre un tournant. « Nous avons écrit une page d’histoire, a lancé le juriste de 42 ans. Le bipartisme au Portugal est terminé. » Surfant sur les déboires judiciaires du premier ministre et l’arrivée de travailleurs originaires d’Asie du Sud, son chef de file a martelé la rhétorique habituelle des partis populistes contre la corruption des élites politiques et les immigrés.

Le tout en s’adressant tant à une population ouvrière qui se sent délaissée par les forces de gauche qu’à une jeunesse dont la mémoire du régime fasciste de Salazar est abstraite. Depuis sa fondation en 2019, Chega a ainsi connu une croissance fulgurante, obtenant en mars dernier 18 % des voix pour passer de 12 à 50 députés. Ses thématiques de prédilection – entre révisionnisme, racisme et populisme économique – ont, quant à elles, imprégné les débats.

S’il a lancé plusieurs mesures sociales – augmentation des retraites et du salaire minimum, amélioration des conditions de travail des fonctionnaires -, le gouvernement de droite n’a pas hésité à mener une politique répressive quant à l’immigration… qui ne cesse d’être durcie. Le Portugal semble donc s’engager sur une voie semblable à ses voisins européens.

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