Pour Jean-Marc Durand, de la commission économique du PCF : « Bayrou nous mène à la récession »
Quelle image, quels mots vous viennent à l’esprit pour caractériser le projet de budget 2026 de François Bayrou ?
Jean-Marc Durand
Membre de la commission économique du PCF
Ça me fait penser à la chanson Antisocial, de Trust. Notamment au début du refrain : « Antisocial, tu perds ton sang-froid. » C’est exactement ça. Malgré tout ce qu’ils ont fait jusque-là avec la politique de l’offre, leur fiscalité douce avec les riches, ils ne parviennent pas à relancer le paramètre fondamental pour les capitalistes : le taux de profit.
En échec, ce gouvernement décide donc de prendre les mesures les plus terribles pour le pays et ses habitants. Son objectif est de désengager au maximum les financements publics de tout ce qui relève du service public ou de la sphère sociale pour les orienter vers la rentabilité du capital.
Quelles mesures vous permettent de dire cela ?
Ils vont mettre à sac les revenus des salariés et des retraités avec l’année blanche, la protection sociale déjà en grande difficulté avec 5 milliards d’euros de coupes, la fonction publique d’État avec le non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois, la fonction publique territoriale avec la mise à sec des collectivités, la santé avec des hôpitaux qui ne pourront plus fonctionner du fait des nouvelles d’économies imposées…
L’attaque est considérable. D’une certaine manière, il se passe en France ce que Trump fait aux États-Unis avec sa réforme budgétaire : tout en faveur du capital au prix du creusement de la dette.
Le projet de budget n’est-il pas au contraire fait pour baisser les déficits et la dette publics ?
Non, car toutes les mesures annoncées mercredi sont synonymes de récession pour la France en 2026. Pour 2025, la croissance va péniblement atteindre entre 0,3 % et 0,6 % du PIB. Avec ces mesures-là, nous serons en négatif l’année prochaine. Car pas de hausse des salaires ni des retraites équivaut à une chute de la consommation. Et de la production.
C’est un cercle vicieux. Cette logique nous mène vers un nouvel endettement. Bayrou dit qu’il veut boucher le trou, mais sans relance de l’économie, il va en créer un autre ailleurs car nous aurons besoin de trouver de nouveaux financements pour combler le déficit d’activité.
La dette publique française ne pose-t-elle pas problème ?
Il ne s’agit pas de nier le problème. Mais il peut être traité de deux manières. Soit prendre prétexte de ces difficultés pour servir encore plus le capital en espérant qu’il ruisselle. Il est évident que le premier ministre ne prévoit pas d’aller chercher de l’argent du côté des employeurs ni du capital. Nous connaissons les résultats de cette politique.
Ou bien relancer le pays en développant puissamment les services publics et une nouvelle industrie décarbonée. À ceux qui disent « il faut réduire les dépenses », nous répondons le contraire. François Bayrou prend le chemin totalement opposé de celui choisi par le nouveau chancelier allemand. Eux vont injecter 843 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires. Cette somme servira à développer leurs services publics, en renationalisant même des activités qu’ils avaient privatisées, et à relancer leur industrie.
Pour cela, ils font passer leur règle d’or budgétaire de 0,5 % de déficit public autorisé à 4,3 %. Ils font le choix de creuser leurs déficits parce qu’ils voient bien qu’ils sont en récession depuis deux ans. Sans relance, il n’y a aucune sortie positive.
Mais la France ne dispose ni des mêmes moyens budgétaires que l’Allemagne, ni de la même crédibilité vis-à-vis des marchés…
Nous ne sommes pas pour engraisser les marchés. L’argent est à chercher auprès des banques et de la BCE. Le pôle public bancaire créé autour de la Caisse des dépôts, de la Banque postale et de BPI France prête déjà chaque année 1 000 milliards d’euros. Vous en voyez la couleur dans le développement du pays ?
Nous, on veut un pôle public financier, financé à taux zéro par la BCE, et la constitution d’un fonds européen qui lui aussi finance les services publics à taux zéro. Et en ce qui concerne le développement des entreprises, prenons une part des 211 milliards d’euros des aides publiques qui leur sont versées.
Avec cet argent, incitons-les à contracter des prêts à taux zéro auprès des banques pour développer les emplois, augmenter les salaires, relancer la formation, la recherche, les technologies et les activités décarbonées.
Nous ne nous en sortirons qu’en réorientant l’économie vers l’humain et l’écologie, sous contrôle public et sous contrôle des salariés dans les entreprises.
Oui, on s’en doute : vous en avez assez
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