Productivité, sécurité, relations sociales… L’omniprésence du smartphone au travail inquiète les entreprises

Après le téléphone au volant, c’est le téléphone au travail qui génère des inquiétudes. Une étude de l’Ifop pour l’Observatoire santé Pro BTP, publiée ce mercredi, met en lumière l’inquiétude croissante des dirigeants d’entreprise quant à l’usage exagéré des smartphones sur les lieux de travail. Plus de neuf dirigeants sur dix (96%) se disent en effet préoccupés par au moins un aspect lié à cette problématique. En premier lieu par l’impact sur les relations sociales (88%), mais aussi par la qualité du travail des salariés (86%), les relations de travail au sein de l’entreprise (83%), ou encore la sédentarité et le manque de sommeil (80%).

Selon de nombreux dirigeants interrogés dans cette étude, le smartphone, favorisant l’individualisation des employés, rend le travail en équipe moins performant. Un peu plus de la moitié des dirigeants sondés (56%) ont fait état d’un effet négatif sur la proximité entre les collaborateurs. Ce phénomène aurait un impact important sur la communication entre salariés et donc sur la collaboration générale entre eux. Ces conséquences sociales empiètent ainsi sur la performance économique des entreprises : 63% des dirigeants constatent une réelle baisse de la qualité du travail des employés à cause du téléphone. Le fonctionnement des entreprises s’en retrouve dégradé et l’efficacité freinée.

S’ajoute également la question de la sécurité : 78% des dirigeants se disent préoccupés par les effets du smartphone sur la sécurité des salariés et de leurs données. L’usage du téléphone portable affectant les capacités cognitives des salariés, notamment leur concentration, selon 61% des dirigeants. Ce qui peut être particulièrement risqué lors de situations comme «la surveillance d’un appareil médical» voire «une chaîne d’opérations mécaniques ou chimiques», souligne Sandrine Losi, avocate associée au sein du cabinet Capstan Avocats. Plus de la moitié des dirigeants interrogés (57%) affirment déjà avoir déjà observé au moins au un impact négatif du smartphone sur la sécurité. Il n’est pas illogique de retrouver l’industrie (68%), où la sécurité est un véritable enjeu, au premier rang des secteurs où ont été mises en place des mesures visant à encadrer le recours au smartphone.

Une interdiction pure et simple du smartphone dans certaines entreprises

«Réguler ces usages, c’est poser les bases d’un équilibre durable entre qualité et bien-être au travail», estime Hervé Naerhuysen, directeur général de Pro BTP et président de l’Observatoire santé Pro BTP. Les mesures disciplinaires établies dans les entreprises vont d’une simple sensibilisation jusqu’à l’interdiction des téléphones sur les lieux de travail. C’est cette dernière qui est la plus observée, puisque 41% des entreprises ayant mis en place des mesures sur le sujet privilégient l’interdiction générale du smartphone pendant le temps de travail. Elles sont par ailleurs 31% à intégrer des règles relatives à l’usage du smartphone dans leur règlement intérieur.

Cependant, malgré une prise de conscience croissante, encore près d’une entreprise sur deux n’a pas mis en œuvre de dispositifs spécifiques et ne compte pas le faire. Ces mesures disciplinaires restent en effet difficiles à mettre en place, avec le risque d’être confrontées pour les dirigeants à des problèmes juridiques et humains. En cas de sanction, les employeurs craignent d’être accusés d’atteinte aux libertés individuelles. D’un autre côté, l’employeur se doit aussi d’assurer la sécurité de ses salariés. Ce qui peut mener à des tensions entre l’employeur et le salarié.

Or «le respect mutuel et la bonne coopération entre collègues sont essentiels pour favoriser la performance collective», juge Sandrine Losi. Selon l’avocate, c’est en posant un cadre que «l’entreprise peut concilier sécurité, efficacité, bien-être et respect des libertés», d’où la nécessité de sensibiliser sur le sujet. Hervé Naerhuysen suggère qu’il serait plus utile de «proposer aux salariés un test sur la réalité de leur rapport au smartphone afin qu’ils puissent l’évaluer par eux-mêmes». Le problème est d’autant plus prégnant avec l’arrivée sur le marché du travail de nouvelles générations très connectées, qui ont été élevées avec leurs smartphones. «On n’en est qu’au début, affirme Hervé Naerhuysen. Le sujet va prendre de l’ampleur selon sa prise en compte par les nouvelles générations.»