Mort de Jean-François Kahn, patron de presse et fondateur de Marianne

Le journaliste et essayiste Jean-François Kahn est décédé ce mercredi 22 janvier, ont annoncé le journal Marianne et sa veuve Rachel Assouline Kahn. Homme de médias, reporter, il a fondé deux hebdomadaires, l’Évènement du Jeudi en 1984 et Marianne en 1997. Fils du philosophe Jean Kahn-Dessertenne, frère du généticien Axel Kahn décédé en 2021, il avait 86 ans.

Né en 1938, Jean-François Kahn a dû prendre le nom de jeune fille de sa mère, Ferriot, pour échapper à l’antisémitisme des nazis. Il n’a repris son nom qu’après la guerre, en 1950. Après sa licence d’histoire à la Sorbonne, il travaille aux PTT, rejoint le parti communiste, dont il reste adhérent deux ans, puis devient salarié dans une imprimerie. Il commence, un peu par hasard, une carrière de reporter, à 21 ans, en 1959, pour le quotidien Paris-Presse, qui l’envoie couvrir la guerre d’Algérie, dont il reviendra très marqué, à la fois par la brutalité du conflit, et par une presse « auto-intoxiquée » aux ordres.

Chantre de « l’honnêteté journalistique »

Il est ensuite recruté par le Monde, puis à l’Express. Il y couvre la guerre du Vietnam et révèle l’affaire Ben Barka, avec Jacques Derogy, en 1966. « Je me retourne et je me dis : « Mon Dieu, j’ai vécu ça ! » », écrivait-il en 2021 dans « Mémoires d’Outre-Vies ». Éditorialiste dans les années 1970 à Europe 1, il se méfie « du mythe de l’objectivité journalistique », et plaide au contraire pour « l’honnêteté journalistique ».

Côté politique, Jean-François Kahn a été un soutien fervent de François Bayrou, l’actuel Premier ministre, qui a d’ailleurs salué sa mémoire sur X : « Jean-François Kahn était un géant et un homme rare. L’incroyable créativité qui l’animait, son audace, lui ont fait fonder de véritables journaux-époque, L’Événement du Jeudi, Marianne. Il incarnait le « centrisme révolutionnaire », l’humanisme et la fidélité. Nous l’aimions ».

Le fondateur de l’Évènement du Jeudi et de Marianne avait pour ambition, depuis les années 80, de « dépasser le clivage gauche-droite ». Il a soutenu la candidature de François Bayrou à l’élection présidentielle en 2007 et 2012, et a même conduit l’une des listes du Modem aux européennes de 2009. Mais une fois élu au Parlement européen, il avait laissé sa place à la numéro 2 de sa liste, Nathalie Griesbeck.

Dans ses mémoires, relate Marianne, il définissait ainsi son engagement citoyen : « Outre un antifascisme sans concession, je suis resté accro à deux lignes de force assises sur un républicanisme démocratique et social de conviction. La phobie, quand elle se renouvelle, de l’éternelle trahison sociale-démocrate et le rejet presque viscéral des gauchismes. » Il a aussi, du temps où il dirigeait Marianne, largement revendiqué son hostilité à Nicolas Sarkozy.

Il savait parfois reconnaître ses erreurs de jugement : lorsque Dominique Strauss-Kahn fut accusé de viol sur Nafissatou Diallo, une femme de chambre new-yorkaise, Jean-François Kahn a estimé qu’« il n’y a pas eu tentative de viol », et qu’il ne s’agissait que de « troussage de domestique ». Devant le tollé provoqué par ses propos, il se retire du journalisme, même s’il continue par-ci par-là à réaliser des chroniques et quelques interventions publiques. L’une des dernières remonte à la tentative de rachat de Marianne par l’homme d”affaires d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin, à laquelle il s’est violemment opposé.

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