Éducation nationale : le gouvernement veut transformer les directeurs d’école en contremaîtres
Des enseignants robotisés, une école managée, mise en concurrence avec ses voisines : telle est la perspective que trace un projet de circulaire sur le « référentiel métier des directeurs d’école », en discussion depuis début mai entre le ministère de l’Éducation nationale et les organisations syndicales. La première conséquence de ce texte a d’ailleurs été de faire l’unanimité de celles-ci (CFDT Éducation, CGT Éduc’Action, Fnec-FP-FO, FSU-Snuipp, SE-Unsa, Snalc, Sud Éducation) contre lui : le 20 juin, elles ont adressé à la ministre, Élisabeth Borne un courrier commun pour lui demander « de ne pas publier ce texte et d’ouvrir sans délai de véritables concertations ».
Une école uniformisée, des professionnels déqualifiés
Cette circulaire marquerait, s’inquiètent les syndicats, un « bouleversement » modifiant « en profondeur le fonctionnement de l’école ». Pour faire simple : dans le droit fil des précédentes tentatives sous Jean-Michel Blanquer, incluant la proposition de loi Rilhac en 2021, il s’agirait de transformer en « managers » les directrices et directeurs d’école – qui sont historiquement des animateurs d’équipe pédagogique, sans pouvoir hiérarchique. Le directeur devrait désormais veiller « à la maîtrise des savoirs fondamentaux par tous les élèves » et « aux pratiques pédagogiques » des enseignants. Il en répondrait devant sa hiérarchie mais aussi devant les collectivités locales, y compris pour ce qui est du projet d’école, aujourd’hui prérogative collective du conseil des maîtres.
Ce n’est pas vraiment une surprise : ce que dessine ce projet de circulaire, c’est une école où l’on cherche à uniformiser les pratiques, où tout ce qui ne serait pas dans les clous des « bonnes pratiques » définies dans les « guides » produits à la chaîne par le ministère serait irrémédiablement disqualifié. De professionnels hautement qualifiés, concepteurs de leurs propres pratiques, les enseignants deviendraient de simples exécutants… ouvrant la voie à leur déqualification, à la veille d’une réforme de leur formation initiale qui, en particulier sur ce plan, suscite de très fortes inquiétudes.
Préparer le collège en organisant le tri social dès le primaire
Cerise sur le gâteau, le directeur deviendrait responsable des absences et des (non-)remplacements de ses collègues, alors qu’il n’a aucun pouvoir en ce domaine. Il lui reviendrait également de veiller à la mise en œuvre des évaluations nationales et des évaluations d’école, dont il devrait désormais rendre compte devant le conseil d’école. Un point qui, pour les syndicats, constitue une « ligne rouge qui conduirait à mettre les écoles en concurrence entre elles ».
L’ensemble de ce dispositif dessine une école devenant une entreprise éducative concurrentielle, ayant pour objectif de produire du résultat aux évaluations et alignant les pratiques enseignantes dans ce but : c’est le « teach to test », ce qu’on peut traduire par « bachotage ». Évidemment, toutes les écoles et tous les élèves ne seront pas égaux devant ces bouleversements, qui auront pour conséquences le renforcement des inégalités socioscolaires et du tri social dès l’école primaire… avant le collège et ses groupes de niveau ! Et l’école n’aurait plus de « républicaine » que le nom.
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