"Poutine parle gentiment et il bombarde tout le monde le soir" : quatre questions sur le revirement de Donald Trump sur l'envoi d'armes américaines en Ukraine

Un revirement. Après avoir interrompu leurs livraisons d'armes, les États-Unis ont annoncé un réarmement massif de Kiev à travers l'Otan. "Des équipements militaires d'une valeur de plusieurs milliards de dollars vont être achetés aux États-Unis, aller à l'Otan, etc. et seront rapidement distribués sur le champ de bataille", a dit Donald Trump, lundi 14 juillet, depuis la Maison Blanche, au côté du secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte. Franceinfo revient en quatre questions sur cette annonce.

1 Comment Donald Trump justifie-t-il ce revirement ?

Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, le président américain s'est rapproché de Vladimir Poutine, alors qu'il cherche à honorer sa promesse électorale de mettre fin à la guerre en Ukraine. En menaçant la Russie, lundi, de sanctions douanières "très sévères" et en réarmant l'Ukraine, Donald Trump semble avoir opéré une énième volte-face.

"Nous pensions avoir un accord à quatre reprises environ, mais, Poutine parle gentiment et ensuite, il bombarde tout le monde le soir", a déclaré Donald Trump, visiblement mécontent, en racontant un échange avec la Première dame Melania Trump. "Je rentre chez moi et je dis à la Première dame : 'J'ai parlé à Vladimir aujourd'hui, nous avons eu une merveilleuse conversation'. Et elle me répond : 'Oh vraiment ? Une autre ville vient d'être frappée.'"

Les offensives aériennes russes en Ukraine se sont en effet intensifiées récemment, Moscou multipliant chaque semaine les tirs, alimentés par une industrie de défense qui tourne à plein régime. Donald Trump s'est donc dit "déçu" par le président russe. "Je pensais que nous aurions un accord il y a deux mois, mais ça ne semble pas se concrétiser."

Il a donc ensuite donné à la Russie un ultimatum de 50 jours pour mettre fin à la guerre en Ukraine sous peine d'infliger des droits de douane "secondaires" de 100% aux alliés de Moscou et a annoncé le réarmement massif de Kiev à travers l'Otan.

2 Quel type d'armes est concerné ? 

Sans plus de détails, Donald Trump a parlé d'"armes haut de gamme". Depuis le Bureau ovale, Mark Rutte a mentionné des "équipements militaires à la fois pour la défense aérienne, mais aussi pour les missiles, les munitions..." "Nous allons travailler avec les systèmes de l'Otan pour nous assurer que nous savons ce dont les Ukrainiens ont besoin", a-t-il précisé. Des systèmes de défense antiaériens Patriot seront aussi fournis à l'Ukraine "dans les prochains jours", a promis Donald Trump.

L'Ukraine en a "désespérément besoin", avait-il dit, dimanche 13 juillet. Selon le président américain, un pays allié de Kiev "possède 17 Patriots qui sont prêts à être expédiés. Ils n'en ont pas besoin", a-t-il précisé le lendemain. Selon le site d'information américain Axios, le plan inclurait aussi "des missiles à longue portée capables de frapper dans le territoire russe".

3 Qui va financer ces nouvelles livraisons ?

Donald Trump présente l'accord comme "une très grosse affaire". Il assure que "les États-Unis ne paieront rien. Nous allons fabriquer [les armes] et ils paieront". L'achat se découpe ainsi : des "équipements militaires d'une valeur de plusieurs milliards de dollars vont être achetés aux États-Unis" par les pays européens à "100%", pour "aller à l'Otan" et être "rapidement distribués sur le champ de bataille". Le Guardian, comme Axios, évoque le montant de 10 milliards d'euros. 

Quels pays européens sont concernés ? L'Allemagne et la Norvège, d'abord, qui "sont prêts à acheter trois systèmes de défense aérienne Patriot pour l'Ukraine auprès d'un fabricant américain", selon les mots de Volodymyr Zelensky, jeudi 10 juillet, rapportés par le Kyiv Independent. Mark Rutte a ajouté à cette liste d'acheteurs le Royaume-Uni, la Finlande, la Suède et le Danemark, ainsi qu'un membre non européen de l'Otan, le Canada. "Il y en aura d'autres."

De son côté, le chancelier allemand Friedrich Merz a souligné que son pays jouera "un rôle crucial" dans cet effort commun pour l'Ukraine. Mark Rutte a précisé que "la rapidité" des livraisons sera "essentielle" pour pousser Vladimir Poutine à négocier la paix. Pour cela, il s'agira souvent de "remplacement" : les pays vont donc fournir à l'Ukraine des armes qu'ils ont déjà en leur possession, puis en racheter pour regarnir leur stock national.

4 Quelles sont les réactions après ces annonces ?

"Je pense que c'est une excellente nouvelle pour l'Ukraine", a immédiatement commenté Mark Rutte. "Conjuguées aux sanctions européennes à venir, ces décisions doivent contraindre Vladimir Poutine à mettre fin à sa guerre d'agression illégale et meurtrière", a réagi sur X le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, "saluant les décisions du président des États-Unis". 

Le président américain a "fait un pas important aujourd'hui" en autorisant la livraison d'armes à Kiev, a déclaré le chancelier allemand, Friedrich Merz, dans un communiqué. Volodymyr Zelensky a aussi salué cette annonce, se disant "reconnaissant" envers son homologue américain "pour sa volonté de soutenir la protection des vies" ukrainiennes. Auprès du média américain NPR, le président de la commission des affaires étrangères du Parlement ukrainien, Oleksandr Merezhko, a qualifié la décision de "très encourageante".

Aux États-Unis, l'opposition démocrate a vite fait de féliciter le revirement de Donald Trump, à l'instar de la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen qui s'est dite "heureuse qu'il semble enfin se rendre à l'évidence quant à la responsabilité de Poutine dans ce massacre insensé et barbare d'innocents". Mais "il est maintenant temps de joindre le geste à la parole et de mettre fin à cette guerre", a-t-elle ajouté.