Vu d’Algérie : Emmanuel Macron devrait « s’exprimer avant que les rapports algéro-français n’atteignent un point de non-retour »
Alger (Algérie), correspondance particulière.
Une semaine après les déclarations d’Abdelmadjid Tebboune au journal l’Opinion, la question des relations avec la France s’est imposée comme le sujet phare des médias. Ironie du sort, le président algérien a réussi à s’offrir quelques jours de répit concernant sa propre politique, controversée en interne, tant ses contempteurs ont orienté leurs critiques vers l’extrême droite française et ses « représentants » au gouvernement Macron.
À commencer par Abdelaziz Rahabi, ancien ministre et diplomate, réputé pour ses saillis assassines contre Abdelmadjid Tebboune. « Ce qui m’inquiète, c’est que des membres du gouvernement français tiennent un discours inamical, parfois martial et belliqueux contre l’Algérie, et qu’ils ne soient pas rappelés à l’ordre par le président Macron », commente-t-il sur le plateau de Berbère Télévision, visant notamment le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
L’extrême droite nostalgique d’une Algérie française
Abdelaziz Rahabi, potentiel prétendant à la succession d’Abdelmadjid Tebboune, ajoute : « Je pense que c’est cela le sens des messages lancés par le président, à savoir qu’il y a une responsabilité de la France au plus haut niveau dans la recherche de l’apaisement. »
Depuis le début de l’année, la droite et l’extrême droite françaises profitent des tensions – reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental par Emmanuel Macron, détention arbitraire de Boualem Sansal, mise en rétention d’« influenceurs » algériens appelant à la violence – pour envoyer leurs messages électoralistes sur l’immigration, sur fond de néocolonialisme.
Abdelkrim Ghezali, journaliste et ancien membre du Parti socialiste des travailleurs (PST), n’en pense pas moins. « Les déclarations du président Tebboune sur les relations avec la France sont globalement conformes aux grandes lignes de la politique internationale que l’Algérie a adoptée et développée depuis la constitution de la diplomatie révolutionnaire et de l’indépendance », défend-il. Pour ce militant indépendant, assez critique de la gouvernance du président Tebboune, le fait que celui-ci ait « pointé du doigt l’extrême droite nostalgique d’un projet chimérique d’une Algérie française est assez intelligent de sa part, pour séparer le bon grain de l’ivraie ».
Un point de non-retour ?
Dans son entretien, le président algérien avait condamné les termes employés par le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui « ont contribué à dégrader davantage la relation avec l’Algérie » et a « distingué la majorité des Français de la minorité de ses forces rétrogrades ».
Abdelkrim Ghezali appuie le « conseil » de Tebboune à Macron de se « positionner et s’exprimer avant que les rapports algéro-français n’atteignent un point de non-retour ». Aziz Mouats, écrivain, chercheur en histoire de la guerre d’Algérie, abonde.
« Les rares gaullistes ainsi que la fraction progressiste de la gauche sont les derniers segments qui continuent à regarder ces relations avec pragmatisme et lucidité », soutient-il. Celui-ci pointe qu’« avec l’avalanche de déboires en Afrique et le démantèlement prévisible du système franc CFA, la France doit impérativement se tourner vers l’Algérie, qui est sa véritable porte de l’Afrique ».
Aziz Mouats fait par ailleurs sienne la demande du président Tebboune à la France de « décontaminer les zones sahariennes où elle a effectué ses essais nucléaires à ciel ouvert ».
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