Mosquées, marchés, musées, universités… À Gaza, la mémoire sous les décombres

Depuis mai 2024, le projet Gaza Histoire s’efforce de recenser, documenter et sauvegarder le patrimoine historique et culturel de Gaza. Un travail de mémoire en temps de guerre. « Au début, certains pouvaient parler encore de dommages collatéraux, mais, aujourd’hui, il est évident qu’il existe une volonté délibérée d’effacer ce passé », explique Fabrice Virgili, historien au CNRS et membre du projet. Mosquées, musées, bibliothèques, archives… aucun pan de la mémoire collective n’est épargné.

Le cas du musée Jawdat Al Khoudary – dont une partie de la collection conservée hors de Gaza est présentée en ce moment à l’Institut du monde arabe à Paris – ou encore celui de la mosquée Al Omari, déjà bombardée par les Britanniques en 1917 et détruite à nouveau dès les premières semaines de l’offensive israélienne en 2023, sont emblématiques. Tout comme le marché de l’or, dans la vieille ville de Gaza.

Ce souk historique, dont la restauration venait à peine d’être achevée, a été détruit à trois reprises entre octobre 2023 et juillet 2024. Une de ses entrées était une porte antique de la ville construite au XIVe siècle. Selon un rapport de l’Agence française de développement, établi en juillet 2024, seize sites universitaires ont également été détruits ou gravement endommagés. « Cela témoigne non seulement de l’importance donnée à l’enseignement à Gaza, mais également du caractère systématique de leur destruction », souligne le chercheur.

Le travail de Gaza Histoire ne vise pas « uniquement » à témoigner

Documenter ces pertes en temps réel est un défi immense que le collectif tente de surmonter comme il peut. « Nos fiches1 sont conçues en trois temps : l’histoire du lieu, la situation actuelle, et ce que pourrait être sa reconstruction », explique Fabrice Virgili (lire encadré). Le travail des chercheurs se heurte aussi à des enjeux identitaires et politiques. La destruction méthodique des lieux de mémoire vise à imposer l’idée que « ce territoire n’aurait pas d’histoire », rappelle-t-il. Il n’en est rien, évidemment.

Des fouilles menées depuis une vingtaine d’années par l’École biblique et archéologique française de Jérusalem et par des organisations comme Première Urgence internationale et le projet Intiqal ont révélé des vestiges de la période hellénistique, de l’époque romaine ou de l’Empire byzantin. Certains bâtiments de la période mamelouke ou ottomane étaient encore utilisés, avant la guerre, comme centres culturels ou commerces.

« Les conventions internationales, notamment celle de 1954 sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé, sont claires : ces destructions volontaires sont des violations du droit », ajoute l’historien. Le travail de Gaza Histoire ne vise pas « uniquement » à témoigner. Il s’agit aussi de préparer l’après.

Comme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ou celle de la Bosnie-Herzégovine (avec, par exemple, la reconstruction du pont de Mostar après la fin du conflit), les questions se poseront : que reconstruire ? À l’identique ou différemment ? Avec quels financements ? Et surtout, avec quelle place pour les Gazaouis ? « Notre but est de mettre à disposition une base de données fiable pour les décideurs, les urbanistes, les juristes… et aussi pour les habitants eux-mêmes. S’intéresser au patrimoine n’est pas un caprice », déclare le chercheur.

Dans un territoire ravagé, les priorités seront immenses : reloger, rétablir l’eau, l’électricité, les soins. Mais l’histoire, les lieux de mémoire sont aussi essentiels pour reconstruire une société. À Gaza, où une grande partie de la population est réfugiée, cet ancrage patrimonial reste fort. « C’était le coin de la rue, la mosquée, le vieux bâtiment mamelouk. Ces repères sont essentiels pour reconstruire les sites… et reconstruire les Gazaouis », conclut Fabrice Virgili.

Le point de vue de…

Fabrice Virgili, historien au CNRS, laboratoire Sorbonne-Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe.

En quoi la destruction du patrimoine de Gaza relève-t-elle d’une stratégie délibérée ?

Aujourd’hui, le constat est clair : il y a une pratique systématique d’effacement du passé de la part de l’armée israélienne. Des lieux emblématiques sont ciblés et détruits de manière répétée. Gaza possède un patrimoine architectural et culturel riche, inscrit dans une histoire multimillénaire. Documenter ces lieux, c’est rappeler qu’ils ont existé et qu’ils ont un sens pour les habitants. C’est aussi rappeler que la convention de La Haye de 1954 prévoit la protection des biens culturels en cas de conflit armé et interdit précisément ce type de destruction volontaire.

Comment parvenez-vous à mener ce travail scientifique dans un contexte aussi difficile ?

C’est un travail d’historien du passé, mais aussi de mise à jour du présent. Pour l’histoire, nous mobilisons des sources classiques : archives, bibliographies, travaux archéologiques. Pour les destructions en cours, c’est beaucoup plus complexe. Nous nous appuyons sur des images satellites récentes, des rapports d’ONG, des photos de journalistes, des témoignages locaux — quand cela est possible. Mais, sur place, les priorités sont vitales : nous ne pouvons pas demander à un collègue sous les bombes d’aller vérifier l’état d’un site. Ce travail est donc progressif, attentif aux autres projets (comme Icomos, Riwaq ou Forensic Architecture), et toujours en croisant les sources. L’objectif est de produire une documentation fiable, utile pour la mémoire, mais aussi quand se posera la question des reconstructions.

Ce travail bénéficie-t-il d’un soutien officiel ?

Non, c’est une initiative de chercheurs et chercheuses volontaires. Aucun appel spécifique n’a été lancé par le CNRS ou le ministère. Par contre, nous avons bénéficié d’un financement de l’université de Paris-I, qui va nous permettre de recruter un ingénieur pour mieux coordonner ce travail. Mais ce projet reste animé par un engagement personnel car il nous semblait impossible de rester silencieux face à ces destructions.

En quoi la destruction du patrimoine de Gaza relève-t-elle d’une stratégie délibérée ?

Aujourd’hui, le constat est clair : il y a une pratique systématique d’effacement du passé de la part de l’armée israélienne. Des lieux emblématiques sont ciblés et détruits de manière répétée. Gaza possède un patrimoine architectural et culturel riche, inscrit dans une histoire multimillénaire. Documenter ces lieux, c’est rappeler qu’ils ont existé et qu’ils ont un sens pour les habitants. C’est aussi rappeler que la convention de La Haye de 1954 prévoit la protection des biens culturels en cas de conflit armé et interdit précisément ce type de destruction volontaire.

Comment parvenez-vous à mener ce travail scientifique dans un contexte aussi difficile ?

C’est un travail d’historien du passé, mais aussi de mise à jour du présent. Pour l’histoire, nous mobilisons des sources classiques : archives, bibliographies, travaux archéologiques. Pour les destructions en cours, c’est beaucoup plus complexe. Nous nous appuyons sur des images satellites récentes, des rapports d’ONG, des photos de journalistes, des témoignages locaux — quand cela est possible. Mais, sur place, les priorités sont vitales : nous ne pouvons pas demander à un collègue sous les bombes d’aller vérifier l’état d’un site. Ce travail est donc progressif, attentif aux autres projets (comme Icomos, Riwaq ou Forensic Architecture), et toujours en croisant les sources. L’objectif est de produire une documentation fiable, utile pour la mémoire, mais aussi quand se posera la question des reconstructions.

Ce travail bénéficie-t-il d’un soutien officiel ?

Non, c’est une initiative de chercheurs et chercheuses volontaires. Aucun appel spécifique n’a été lancé par le CNRS ou le ministère. Par contre, nous avons bénéficié d’un financement de l’université de Paris-I, qui va nous permettre de recruter un ingénieur pour mieux coordonner ce travail. Mais ce projet reste animé par un engagement personnel car il nous semblait impossible de rester silencieux face à ces destructions.

En quoi la destruction du patrimoine de Gaza relève-t-elle d’une stratégie délibérée ?

Aujourd’hui, le constat est clair : il y a une pratique systématique d’effacement du passé de la part de l’armée israélienne. Des lieux emblématiques sont ciblés et détruits de manière répétée. Gaza possède un patrimoine architectural et culturel riche, inscrit dans une histoire multimillénaire. Documenter ces lieux, c’est rappeler qu’ils ont existé et qu’ils ont un sens pour les habitants. C’est aussi rappeler que la convention de La Haye de 1954 prévoit la protection des biens culturels en cas de conflit armé et interdit précisément ce type de destruction volontaire.

Comment parvenez-vous à mener ce travail scientifique dans un contexte aussi difficile ?

C’est un travail d’historien du passé, mais aussi de mise à jour du présent. Pour l’histoire, nous mobilisons des sources classiques : archives, bibliographies, travaux archéologiques. Pour les destructions en cours, c’est beaucoup plus complexe. Nous nous appuyons sur des images satellites récentes, des rapports d’ONG, des photos de journalistes, des témoignages locaux — quand cela est possible. Mais, sur place, les priorités sont vitales : nous ne pouvons pas demander à un collègue sous les bombes d’aller vérifier l’état d’un site. Ce travail est donc progressif, attentif aux autres projets (comme Icomos, Riwaq ou Forensic Architecture), et toujours en croisant les sources. L’objectif est de produire une documentation fiable, utile pour la mémoire, mais aussi quand se posera la question des reconstructions.

Ce travail bénéficie-t-il d’un soutien officiel ?

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  1. Consultables sur gazahistoire.hypotheses.org ↩︎